La budgétisation de 100 millions de francs burundais d’aide aux entreprises de presse dans la loi des finances, édition 2012, est la concrétisation d’une vielle promesse gouvernementale des années 1990. C’était le sujet de la seconde partie de Club de la presse, le weekend dernier. Elle traite généralement des questions en rapport avec l’exercice au quotidien du métier de journaliste. L’accueil de cette aide a été toutefois mitigé et contrasté chez les professionnels des médias qui participaient au Club de la presse no 41. Pour Serge Nibizi de la Radio publique Africaine (RPA), « un zéro est quand même différent de 100 millions de francs burundais. Il est vrai que dans un premier temps on parlait de 300 millions de francs burundais d’aide aux différents médias du pays. Ce qui est annoncé est un début de quelque chose. La question qui vaille encore la peine d’être posée est celle de savoir à quoi va servir cet argent ? Le ministère de la communication a dit qu’il s’agissait de manifester la bonne volonté du gouvernement burundais. On peut aussi interpréter le geste comme une façon de montrer que le gouvernement ne veut pas restreindre la liberté de la presse comme cela se dit souvent. Il reste néanmoins que les 100 millions de promesse d’aide à la presse sont comme une goutte dans l’océan. L’autre sujet d’inquiétude est comment va se gérer cet argent. Il faudra mettre sur pied une structure de gestion. Concernant encore cette gestion, comment faudra-ton se partager les 100 millions entre la vingtaine d’entreprises de presse reconnues au Burundi ? Ira-t-on jusqu’à appuyer les salaires des professionnels des médias ? Dans tous les cas, il faut aussi préciser que ce n’est pas l’argent du gouvernement, mais celui du contribuable. Il ne faut donc pas avoir peur pour l’indépendance de la presse une fois que le gouvernement se sera mis à donner des subsides aux médias ». Quant au point de vue de Jean Claude Kavumbagu, Directeur de l’agence de presse en ligne, Netpress, le fonds est un « motif de satisfaction. Ce fonds se faisait attendre depuis 1992. Les premiers Etats généraux de la presse de l’époque ont réclamé ce fonds. On l’a ensuite consigné dans la loi sur la presse de 2002. On promettait, à l’époque, jusqu’à 300 millions de francs burundais. On donne aujourd’hui 100 millions et c’est déjà cela. Pourvu que cela se concrétise et que ça dure. Quant à la gestion, ce genre de fonds existe dans d’autres pays. Les médias fournissent généralement une liste des besoins les plus urgents et le fonds finance leur achat ». De l’avis de Stanny Ngendakumana, de la Radio Nationale, «chaque chose a son début. Concernant la gestion du fonds d’aide aux médias, il faudra l’étendre à la presse publique qui ne manque pas non plus de problèmes matériels et financiers. Quant au montant, il est à peine suffisant pour acheter 250 enregistreurs. Aussi aimerait-on une majoration du fonds. Par ailleurs, ce qu’il faut éviter, c’est que ce fonds aille dans l’achat des grosses cylindrées pour les responsables des médias. Il faut plutôt faire en sorte que les conditions de travail des journalistes soient améliorées. Au niveau des textes, il en faudra absolument un pour que la gestion soit encore transparente. Ma conviction est que le fonds ne peut pas entamer l’indépendance de la presse. On ne doit pas nécessairement faire ce que veut celui qui donne les moyens de travail. Dans ce cas, il s’agirait de l’achat pure et simple des consciences ». On rappelle que la loi prévoit normalement deux formes d’appui aux entreprises de presse, comme, d’une part, l’exonération de la taxe de transaction pour tous les organes de presse et de communication publics et privés ainsi que la création d’un fonds de promotion des organes burundais de presse et de communication (cf. les textes juridiques et déontologiques régissant les médias au Burundi de Me Gérard Ntahe, page 17, Article 14). Au Burundi, « la liberté de la presse est surtout menacée par la non-viabilité d’une presse privée indépendante qui se meurt faute de moyens », peut-on encore lire dans le manuel de Me Ntahe (idem, page 16).