Le contentieux s’enlise depuis 2012. Les anciens employés de Budeca S.A (Ex-Sodeco Songa), malgré leur statut d’actionnaires, tirent le diable par la queue depuis leur licenciement en décembre 2020. Ils demandent l’intervention du président Ndayishimiye.
Au commencement, c’était une bonne affaire. Le jackpot pour les 25 employés de l’ancienne SODECO, devenue Budeca S.A après le désengagement de l’Etat dans la filière café. Au fil des années, c’est devenu un cauchemar.
L’histoire commence le 19 avril 2012. L’Usine Sodeco de Songa en province Gitega est cédée à 95% à la société Budeca suivant un contrat. Le prix de cette acquisition est de 2 millions de dollars américains. Dans la foulée, 25 travailleurs sont retenus par le nouvel employeur après cette privatisation. Flairant une affaire, ces derniers décident alors de se constituer en association. L’Association des techniciens déparcheurs du café de Songa (ATDC Songa) voit le jour.
En 2013, cette association contracte un crédit de 100.000 dollars américains (250 millions de BIF) dans une banque locale (BBCI), avec une garantie de l’Etat via le Service chargé des entreprises publiques (SCEP), afin de racheter la part réservataire de 5 % appartenant à l’Etat. Du coup, ils deviennent actionnaires. En date du 4 février 2014, une convention sur la part réservataire est signée entre l’Etat du Burundi et l’ATDC Songa. Les nouveaux actionnaires jubilent. Mais ils vont vite déchanter.
Les responsables de la société Budeca contestent l’entrée de l’ATDC au capital social. Ils estimaient qu’ils étaient en droit d’exercer l’option d’achat de cette part réservataire. « Depuis notre entrée dans l’actionnariat, la nouvelle direction n’a pas cessé de nous mettre les bâtons dans les roues », déplore l’ATDC Songa. Cette dernière est mise à l’écart. Elle n’est pas invitée dans les réunions. Elle est exclue dans la prise des grandes décisions alors qu’elle est bénéficiaire de la part réservataire.
Des problèmes en cascade jusqu’au licenciement
Un climat de suspicion s’installe entre les deux partenaires comme le constate l’Inspection générale de l’Etat (IGE) dans son rapport provisoire du 19 septembre 2016. Après plusieurs lettres de contestation et mouvements de grève, l’ATDC Songa est finalement reconnue comme nouvel actionnaire.
Depuis, ces anciens employés n’ont cessé de signaler des manquements : retard dans le transfert des avantages acquis par les travailleurs retenus, des dividendes non distribués, manque de transparence dans la gestion de la société, des actionnaires qui ne sont pas associés dans la gestion de la société, … « Nous étions des figurants alors que nous sommes des actionnaires. L’ATDC Songa n’est pas associée dans la gestion de la société».
Le partage des dividendes est une autre source de discorde alors que le crédit bancaire devrait être remboursé par ces mêmes dividendes. En accordant le crédit, la banque avait posé quelques conditions : la domiciliation des parts des salaires des employés servant au remboursement du crédit par l’employeur, l’accord du Service chargé des entreprises publiques (SCEP) et la promesse de domiciliation des dividendes. Un accord de crédit que la direction générale de Budeca a contresigné.
Depuis décembre 2020, 19 travailleurs, membres de l’ATDC Songa, ont été licenciés. Motif : conjoncture économique difficile, selon la direction de Budeca. « Nous avons été licenciés abusivement et sans indemnités de départ. Nous vivons dans des conditions déplorables », confie un des 19. « Nous n’avons plus d’argent pour nous faire soigner sauf pour quelques-uns qui ont des femmes fonctionnaires. Nos enfants ont été obligés de changer d’établissements scolaires à cause du manque de moyens. Nous ne sommes plus capables de subvenir aux besoins de nos familles », renchérit un autre.
Le remboursement du crédit pose également problème. « Les intérêts continuent de s’accumuler. Le seul moyen de paiement était nos salaires. Avec notre licenciement, la dette n’est plus payée. Le nantissement de l’Etat est en danger », soulignent ces anciens employés. « A cause de la mauvaise gestion, nous n’avons rien reçu comme dividendes. Sauf en 2015 où nous avons partagé 30% de nos réserves d’environ 973 millions de BIF. L’ATDC Songa a reçu à peu près 10 millions que nous avons payés à la BBCI. Depuis, rien. On ne sait même pas où se sont volatilisés ces réserves».
La présidence a délégué le DG de l’ODECA pour régler le conflit
Entre autres réclamations, les membres de l’ATDC Songa demandent leurs indemnités de licenciement suivant le Code du travail : « Ils doivent aussi nous rembourser les intérêts que nous avons déjà payé à la BBCI. Avant cela, il doit y avoir un audit externe de la société pour évaluer la valeur actuelle de nos actions. »
Ils s’inscrivent en faux contre les arguments avancés par la direction de Budeca pour justifier leur licenciement : « Parler des états financiers négatifs et de la conjoncture économique est un mensonge. Comment une société en mauvaise posture peut-elle continuer à investir à coût de millions en construisant une deuxième usine et d’autres constructions ? Ils ont feint une faillite dans le but d’opprimer et d’écarter définitivement l’ATDC Songa. »
Dépités, Malmenés, ils se sont adressés aux services de la présidence de la République. Ces derniers ont délégué Emmanuel Niyungeko, directeur général de l’Office du développement du café (ODECA), pour assainir la situation. Plusieurs réunions ont été faites. L’impasse totale. « On dirait que le directeur général de l’ODECA est du côté de notre oppresseur vu son comportement et les décisions qu’il a prises », se lamentent-ils.
Dans une lettre du 23 juillet 2021, envoyée au président de la République, ils demandent son recours « contre les mesures prises par la facilitation avant la mise en œuvre des recommandations qu’elle avait elle-même émises pour trouver la solution aux conflits entre actionnaires, employeur et employé de la BUDECA S.A». Selon eux, ils sollicitent aussi son secours contre leur licenciement abusif.
Dans une longue correspondance, ils expliquent la genèse du conflit et les différentes recommandations de la médiation. « Mais, elles n’ont pas été mises en application par la direction de la Budeca. Nous avons été vite chassés avant. Et pourtant, l’audit était plus nécessaire à faire pour savoir la situation financière de la société avant toute chose».
Dans un mail envoyé le 4 avril 2021, le DG de l’ODECA a écrit : « Il s’observe des points de discordance, mais on ne peut pas trouver la réponse à votre place, c’est pourquoi les séances internes en présence ou non des institutions publiques s’avèrent nécessaires, et nous vous en recommandons pour que ces zones d’ombre soient levées et trouver une issue favorable. » Il ajoute : « Nous vous rappelons que votre société n’aura pas de licence de déparchage si la situation n’est pas assainie, cela vient pour la sécurité du café et de toute la filière. »
La direction de Budeca lui a fait savoir sa position finale : « (…) la société BUDECA considère ne plus répondre aux différents courriers de ces employés, ni participer dans d’autres échanges, mais qu’elle répondra naturellement en justice. »
Les employés licenciés se demandent ce qui a poussé le DG de l’ODECA à accorder la licence malgré tout. « Nous contestons donc les décisions prises par cette autorité car elle a violé les recommandations qu’elle a émises elle-même sur base des directives données par la présidence de la République et qui répondaient à l’attente d’une solution équitable», conclut-il. Contacté, Emmanuel Niyungeko a promis de s’exprimer ultérieurement.
1. « Au commencement, c’était une bonne affaire…
Flairant une affaire, ces derniers décident alors de se constituer en association… »
2. Mon commentaire
a). Il serait intéressant de savoir sur quoi, sur quelle analyse ils se sont basés pour se lancer dans cette affaire.
b). L’une des principales recommendations de l’Autorité européene des marchés financiers -ESMA est:
« N’investissez pas l’argent que vous ne pouvez pas vous permettre de perdre, vous
pourriez en effet perdre bien davantage que votre investissement de départ. »
https://www.esma.europa.eu/sites/default/files/library/2015/11/2011-412_fr.pdf
1. « Le partage des dividendes est une autre source de discorde alors que le crédit bancaire devrait être remboursé par ces mêmes dividendes…
A cause de la mauvaise gestion, nous n’avons rien reçu comme dividendes. Sauf en 2015 où nous avons partagé 30% de nos réserves d’environ 973 millions de BIF… »
2. Mon commentaire
a). La loi burundaise dit ceci:
Article 74
Le bénéfice distribuable est constitué par le Bénéfice Net de l’Exercice, diminué des Pertes
antérieures et des réserves constituées, augmenté des Reports Bénéficiaires.
L’Assemblée Générale peut décider la mise en distribution des sommes prélevées sur les éserves
dont elle a la disposition; en ce cas, la décision indique expressément les postes de réserve sur
lesquels les prélèvements sont effectués.
Article 75
Après approbation des comptes et constatation de l’existence de sommes distribuables,
l’Assemblée Générale détermine la part attribuée aux Associés sous forme de Dividendes ainsi que, éventuellement, le montant du Report à Nouveau.
http://www.droit-afrique.com/upload/doc/burundi/Burundi-Code-2011-societes.pdf
b). Quand ATDC Songa a investi ses 250 millions BIF, rien ne garantissait que Budeca S.A. allait faire des bénéfices et même si ces bénéfices existaient, les actionnaires peuvent décider de les réinvestir (même si l’actionnaire qui n’a que 5% des actions s’y oppose).
c). Voici un exemple des critères des compagnies qui paient de bonnes dividendes.
« DIVCON (which stands for « dividend condition ») uses seven factors to assess a company’s dividend health: dividend growth forecast, levered free cash flow, earnings growth, five-year dividend history, buybacks, financial strength and the dividend health score given by a third party… »
https://www.kiplinger.com/investing/stocks/dividend-stocks/602710/super-safe-dividend-stocks-to-buy-now-20214