Abandonné par sa mère dès l’âge de 2 ans, Claude Bizimana va mener une vie dure. Frustrations, spoliation de ses biens, abandon scolaire… des difficultés auxquelles il est confronté. Iwacu est allé à sa rencontre.
Rencontré dans une famille d’accueil à Bwiza, à la 4e avenue, Claude Bizimana, 14 ans, est originaire de la colline et zone Mitakataka, commune et province Bubanza. Après quelques semaines dans cette famille, ni son look, encore moins son physique ne renseigne sur ses difficultés. Tout semble normal.
Néanmoins, son récit est poignant. Son calvaire commence alors qu’il n’a que 2 ans. Après la mort de son père, sa mère, Emmanueline Nduwimana, le laisse avec son oncle paternel. Elle se remarie ailleurs.
Claude est calme. Difficile pour lui de sortir les premiers mots. Il s’efforce de raconter ce dont il se souvient ou de ce qu’il a entendu de ses voisins. « Je suis resté pendant 4 ans avec Floribert Ndayizeye, mon oncle paternel. Il est célibataire. Je n’ai pas eu une vie facile. J’errais chez les voisins pour chercher de quoi mettre sous la dent », raconte-t-il en sanglotant. Il essaie de retenir ses larmes avant de poursuivre son récit pathétique : « Selon les voisins, mon père est décédé un jour après ma naissance ».
Quatre ans après, sa mère est venue le récupérer. « Mais je n’ai pas été bien accueilli dans la famille. Ma mère se chamaillait avec son mari à propos de ma présence. Du coup, il m’a chassé arguant qu’il ne voulait plus de moi ».
Claude est obligé de retourner chez son oncle. Là, il est surpris de retrouver sa maison écroulée. « En ton absence, ton oncle a pris les tôles de la maison et les a vendues. Il est allé louer une autre maison ailleurs », lui a révélé un des voisins.
Abasourdi, cet enfant ne savait plus à quel saint se vouer. Il se décide enfin de rejoindre sa tante maternelle. Il y séjourne pendant deux mois. « Le malheur ne vient jamais seul », dixit la sagesse burundaise. Quelques jours, sa tante trépasse. Le mari de sa tante le chasse. Ainsi, commence sa vie d’errance.
Des bienfaiteurs
Un jour la chance lui sourit. L’espoir renaît et la vie recommence. « J’ai été récupéré par la famille de Raymond Niyokindi et Emelyne Misago. J’avais six ans. On m’a fait inscrire à l’Ecofo Mitakataka ». Adieu les nuits à la belle étoile. Ce que confirme Mme Misago.
Croisée, lundi 20 mai, devant son domicile à Mitakataka, nos salutations de la part de Claude Bizimana lui sont d’abord adressées. « Est-il encore en vie ? Dieu est grand », sursaute-t-elle. Elle connaît ce jeune garçon et ne tarit pas d’éloges. Elle l’a hébergé pendant 5 ans : « C’est un enfant qui a des blessures au cœur, délaissé par la famille. Personne ne veut le prendre en charge. C’est dommage. » Et de poursuivre : « C’est un enfant très assidu au travail. Il est très appliqué. Il se classait toujours parmi les dix premiers en classe.»
Mme Misago affirme avoir approché son oncle pour se renseigner sur son héritage, sans succès. « Son oncle a voulu vendre les propriétés, mais j’ai alerté l’administration locale pour l’en empêcher ».
Cette maman fait savoir qu’elle l’a aidé à saisir la justice. Mais faute d’argent, le dossier a été abandonné. «Je me suis heurtée au manque de frais de justice ». Et de plaider pour le respect des droits de cet adolescent.
Tenaillé par la pauvreté, sans assistance, sans matériel scolaire, Claude sera obligé d’abandonner l’école alors qu’il atteignait la 5e année à l’Ecofo Mitakataka. C’est au cours du second trimestre 2019. Accusé faussement de vol d’un téléphone portable, il décide de quitter son tuteur. Le calvaire reprend.
Interrogée là-dessus, Mme Misago dit avoir manqué d’argent pour continuer sa scolarisation : « Je n’y peux rien. Je demande aux âmes charitables de m’emboîter le pas.»
Des allégations rejetées
« Je n’ai aucune intention de spolier les biens de cet orphelin », réfute Floribert Ndayizeye, son oncle. « Dès que j’aurai les moyens, je vais construire une maison et le récupérer. S’il revient, je ne le chasserai pas. » A propos des parcelles, M. Ndayizeye indique qu’elles seront partagées selon les usages coutumiers.
Quant à Nadine Ndayisenga, sa tante paternelle, elle assure aussi ne pas avoir de moyens pour le prendre en charge. Interrogée sur la spoliation des biens, elle se garde de tout commentaire. « Je connais seulement une parcelle qu’il a vendue pour qu’il puisse se faire soigner. » Nous avons essayé de joindre la mère de Claude Bizimana, en vain.
Approché, Jacques Nikwitegetse, chef de zone Mitakataka, dit être au courant des difficultés qu’endure cet enfant. Il reconnaît que l’affaire a été portée devant lui : « J’ai exhorté l’enfant et son tuteur à saisir les tribunaux. »
Des cas qui font école
« La situation de l’enfant ressemble à d’autres cas, très nombreux, qu’on a déjà traités », précise David Ninganza, secrétaire général de Solidarité de la jeunesse chrétienne pour la paix et l’enfance (Sojepae). Le délaissement et la spoliation de leurs biens, déplore-t-il, sont devenus monnaie courante.
Ce défenseur des droits des enfants fait savoir qu’il existe bien des gens qui profitent des biens des orphelins. Ce qui constitue une entorse au niveau de la loi. Pour lui, certains ignorent le statut du conseil de famille. « Pour chaque cas, le conseil de famille devrait se réunir pour choisir dans la famille restreinte une personne qui doit héberger l’enfant délaissé ». Il souligne que le tuteur doit gérer les biens en bon père de famille.
Ninganza promet d’intervenir pour le cas de Claude Bizimana : « Il faut à tout prix protéger les droits de cet enfant, en commençant par sa scolarisation.»