Onze adeptes de la « prophétesse » Eusébie de la zone Kivyuka en commune Musigati sont détenus au cachot communal. Motif : Refus de faire vacciner leurs enfants.
Des sources médicales du centre de santé Kivyuka indiquent que les adeptes de la « prophétesse » Eusébie ont refusé que leurs enfants soient vaccinés, lors de la campagne de vaccination, organisée du 20 au 23 novembre 2018. La campagne concernait les enfants de moins de 14 ans et les femmes enceintes au deuxième et troisième trimestre de leur grossesse pour lutter contre les vers intestinaux. « Certains parents ont retiré leurs enfants de l’école pour qu’ils n’y soient pas vaccinés », raconte Jacqueline Mbonihankuye, une habitante de Kivyuka rencontrée au centre de santé. Elle déplore qu’un jeune adepte d’Eusébie soit récemment décédé de la malaria parce qu’il a refusé de se faire soigner.
« Nos convictions religieuses et les enseignements reçus sur la sainte colline de Businde s’opposent aux vaccins », indique N.K., un adepte d’Eusébie rencontré au bureau de la commune Musigati. Toutes les personnes doivent mourir, explique-t-il, il est donc inutile de se faire vacciner. Il assimile la vaccination à la sorcellerie : « Les gens se font vacciner pour se prévenir des maladies comme ceux qui consultent les sorciers afin qu’il les protège contre des maladies, des malédictions et autres problèmes sociaux. » Il condamne les autorités locales qui les forcent à se faire vacciner. « Pourquoi nous obligent-ils à nous faire vacciner alors qu’ils ne s’inquiètent pas de la pauvreté dans laquelle nous vivons ? »
Depuis fin 2010, Eusébie Ngendakumana est à la tête d’une secte vouant un culte à la Sainte Vierge Marie. Chaque douzième jour du mois, ses fidèles se rendaient à Businde, dans la province Kayanza pour prier la Vierge Marie. En 2015, des milliers de fidèles d’Eusébie ont fui vers la République Démocratique du Congo, puis au Rwanda.
En avril 2018, plus de 1600 Burundais, adeptes d’Eusébie, sont rentrés au Burundi en provenance du Rwanda. Ils ont été refoulés après avoir refusé un enregistrement biométrique et de se faire vacciner. Jean Bosco Nduwimana, administrateur de la commune Musigati, signale que sa commune a accueilli plus de 400 fidèles d’Eusébie.
Une administration mobilisée contre les récalcitrants
L’administrateur de la commune Musigati fait savoir que les adeptes d’Eusébie se sont opposés à la récente campagne de vaccination. 20 élèves de l’Ecole Fondamentale de Masare, issus de familles dont les membres sont des adeptes de cette secte, se sont absentés en classe pendant toute la période de la campagne de vaccination, pensant ainsi échapper à cette obligation. L’administration s’est impliquée dans la lutte contre cette résistance à la vaccination. « Onze hommes sont actuellement détenus au cachot de la commune. Nous voulons leur faire comprendre qu’ils ne doivent pas s’opposer à la politique du gouvernement.» M. Nduwimana estime que la résistance aux vaccinations est un défi de santé publique qui a un impact énorme sur la société. « Outre la santé de leurs enfants, ce choix a de lourdes conséquences pour la société. En refusant de faire vacciner leurs enfants, ils sont hors la loi et s’exposent à des maladies et contribuent à la propagation des maladies ».
« Ils vivent en isolement social »
Ce responsable administratif de Musigati s’inquiète que les fidèles d’Eusébie aient reçu des enseignements contraires à la loi burundaise. Il fait savoir qu’ils ne fréquentent pas les Eglises agréées, ils organisent des prières dans leurs ménages. L’administrateur, en collaboration avec les chefs de zone et de collines, planifie d’organiser des réunions avec ces adeptes. Il espère qu’ils vont se ressaisir et se conformer à la loi burundaise, sinon il promet de recourir à des mesures contraignantes. Il déplore aussi que ces fidèles d’Eusébie ne vivent pas en harmonie avec les autres : « Ils considèrent leurs voisins comme leurs ennemis, ils vivent en isolement social. C’est pourquoi il nous est difficile de les gérer.» Et d’ajouter qu’ils ne participent pas aux réunions organisées par les autorités locales.
Ces adeptes d’Eusébie accusent l’administration locale de les maltraiter. « Je comprends mal comment un chef de zone m’oblige à faire vacciner mon enfant. Ce n’est pas son affaire, » dit N.K. Il indique que les autorités devraient plutôt leur procurer des aides, car leurs biens ont été volés quand ils ont fui en RDC.