Mardi 05 novembre 2024

Société

Bubanza : Chasse aux présumés sorciers

18/10/2018 Commentaires fermés sur Bubanza : Chasse aux présumés sorciers

Des tracts menaçant de mort huit personnes ont été trouvés sur les collines Muhenga, Muhanza et Nyabitaka, zone Buvyuko, commune et province Bubanza, il y a deux semaines. Accusées de sorcellerie, elles réclament une protection.

«Nous vivons dans la panique. Nos lendemains sont incertains », s’inquiètent les présumés sourciers. Ils craignent d’être attaqués à tout moment. Les personnes visées sont Léopold Mvuyekure, Hatatabuzuye, Pontien Miburo, Térence Sindayigaya, Côme Mukuri, Jérôme Cishahayo, Agnès Mbonihankuye et Yolande Ndikumana. Léopold Mvuyekure, un sexagénaire de la colline Muhenza, se dit également être menacé. Il dort hors de sa maison ou chez ses voisins. Des personnes non encore identifiées ont jeté des pierres sur sa maison. Les tôles ont été endommagées. « Ils ont laissé un tract chez moi disant qu’ils brûleront ma maison. Chaque fois qu’il y a une personne qui tombe malade ou qui meurt dans notre localité, je suis accusé et reçois des menaces.»

Idem pour la nommée Yolande Ndikumana, de la colline Muhanza, femme de Julien Kayobera. Selon ses témoignages, elle craint pour sa sécurité et a déjà fui son domicile de peur d’être lynchée.

Information confirmée par le chef collinaire Athanase Bizindavyi qui précise que même son mari n’est pas tranquille. «Il vient souvent chez moi pour me dire qu’il ne se sent pas en sécurité.»

Agnès Mbonihankuye, une veuve de la colline Muhenga, a été amenée dans la prison de Bubanza pour sa protection. D’après Isaac Butoyi, chef collinaire, la population voulait se faire justice. « La population l’accuse d’avoir des fétiches dans sa maison. Nous l’avons mise à l’abri pour la sauver ». Et de préciser que ces tracts sont consécutifs à la mort de plus de dix personnes en l’espace d’un mois.

« Des scènes inhabituelles »

Ce chef de colline affirme qu’il y a des phénomènes inhabituels faisant penser à la sorcellerie. « Le cas des maisons qui brûlent, des personnes qui meurent sans pour autant présenter le moindre signe de maladie. »
M. Butoyi parle également des personnes qui présentent des troubles mentaux et qui disent qu’ils ont été ensorcelés par les présumés sorciers.

Pour le cas de Mme Mbonihankuye, ce responsable collinaire affirme avoir assisté à une scène difficile à croire. « Une personne présentant les signes d’un malade mental a couru vers elle. Cette dernière l’a touché. Quelque temps après, la personne est redevenue normale. »

Interrogée s’il n’y avait pas des gens qui veulent s’accaparer des terres et des biens de la veuve, cette autorité collinaire réfute. « Elle n’a aucun litige foncier avec ses voisins ».

Interrogés sur les mobiles qui seraient derrière ces accusations, les présumés sorciers préfèrent garder le silence. «Nous ignorons les tenants et les aboutissants ».

Du côté des observateurs des droits humains dans cette zone, une source sous couvert d’anonymat parle des mobiles politiques ou des conflits fonciers.

L’administration tranquillise

François Kasoviyo : «Nous demandons aux personnes qui se sentent menacées d’approcher l’administration ou les instances judiciaires.»

L’administration communale confirme la circulation de ces tracts. François Kazoviyo, administrateur de la commune Bubanza affirme avoir mené des enquêtes pour connaître les auteurs. « Malheureusement, ils sont difficilement identifiables. Visiblement ces personnes sont faussement accusées. »

Des réunions de sensibilisation ont été tenues pour tranquilliser les présumés sorciers. «Nous demandons aux personnes qui se sentent menacées d’approcher l’administration ou les instances judiciaires ».

Toutefois, M. Kazoviyo met en garde ceux qui s’adonneraient à ces pratiques obscures. « La superstition ou les épreuves superstitieuses sont prévues et punies par le code pénal burundais dans ses articles 231 à 234.»

Le même code (article 493) punit toute personne qui « …par écrit, anonyme ou signé, a menacé avec ordre ou sous condition d’un attentat contre les personnes… ».

L’administrateur communal écarte néanmoins les mobiles politiques, les règlements de compte ou les conflits fonciers dans ce dossier.

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Quid de la pénalisation des épreuves superstitieuses ?

(Articles 231 à 234 code pénal révisé) Article 231. Sont punis d’une servitude pénale d’un mois à deux ans et d’une amende de cinquante mille à cent mille francs burundais, ou d’une de ces peines seulement, les auteurs de toute épreuve superstitieuse, consistant à soumettre, de gré ou de force, une personne à mal physique réel ou supposé, en vue de déduire des effets produits, l’imputabilité d’un acte ou d’un événement ou toute autre conclusion. Si l’épreuve a causé une maladie ou une incapacité de travail personnel, ou s’il en est résulté la perte de l’usage absolu d’un organe ou d’une mutilation grave, les auteurs sont punis d’une servitude pénale de deux à vingt ans et d’une amende de cent mille à cinq cent mille francs burundais, ou d’une de ces peines seulement. Ils sont punis de la peine à perpétuité si l’épreuve a causé la mort de la victime. Article 232. Sont auteurs ou complices de l’épreuve superstitieuse visée à l’article précédent, ceux qui y ont participé selon les modes de participation criminelle prévus aux articles 37 et suivants du présent code. Sont considérés également comme auteurs ou complices de cette même infraction ceux qui, de quelque façon que ce soit, ont à dessein fait naître la résolution de la réclamer, de l’ordonner ou de la pratiquer. N’est considéré ni comme auteur ni comme complice, la personne qui a consenti à subir le mal physique constitutif de l’épreuve. Article 233. Quand une épreuve superstitieuse, qu’elle soit ou non constitutive de l’infraction, est la cause directe d’une infraction, ceux qui ont participé sont punis comme complices de l’infraction consécutive, à moins qu’elles n’aient pas pu prévoir qu’elle serait commise. Il n’y a pas lieu à poursuite lorsque l’infraction consécutive à l’épreuve est un vol ou une détention non accompagné de sévices sur les personnes ou une infraction moins grave. Article 234. Sont considérés comme ayant participé à l’épreuve superstitieuse, non constitutive de l’infraction visée à l’article précédent, ceux qui ont prêté leur concours selon les modes de participation prévus par le présent code et ceux qui, de quelque façon que ce soit, ont à dessein fait naître la résolution de réclamer, d’ordonner ou de pratiquer l’épreuve.

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