Des tracts menaçant de mort huit personnes ont été trouvés sur les collines Muhenga, Muhanza et Nyabitaka, zone Buvyuko, commune et province Bubanza, il y a deux semaines. Accusées de sorcellerie, elles réclament une protection.
«Nous vivons dans la panique. Nos lendemains sont incertains », s’inquiètent les présumés sourciers. Ils craignent d’être attaqués à tout moment. Les personnes visées sont Léopold Mvuyekure, Hatatabuzuye, Pontien Miburo, Térence Sindayigaya, Côme Mukuri, Jérôme Cishahayo, Agnès Mbonihankuye et Yolande Ndikumana. Léopold Mvuyekure, un sexagénaire de la colline Muhenza, se dit également être menacé. Il dort hors de sa maison ou chez ses voisins. Des personnes non encore identifiées ont jeté des pierres sur sa maison. Les tôles ont été endommagées. « Ils ont laissé un tract chez moi disant qu’ils brûleront ma maison. Chaque fois qu’il y a une personne qui tombe malade ou qui meurt dans notre localité, je suis accusé et reçois des menaces.»
Idem pour la nommée Yolande Ndikumana, de la colline Muhanza, femme de Julien Kayobera. Selon ses témoignages, elle craint pour sa sécurité et a déjà fui son domicile de peur d’être lynchée.
Information confirmée par le chef collinaire Athanase Bizindavyi qui précise que même son mari n’est pas tranquille. «Il vient souvent chez moi pour me dire qu’il ne se sent pas en sécurité.»
Agnès Mbonihankuye, une veuve de la colline Muhenga, a été amenée dans la prison de Bubanza pour sa protection. D’après Isaac Butoyi, chef collinaire, la population voulait se faire justice. « La population l’accuse d’avoir des fétiches dans sa maison. Nous l’avons mise à l’abri pour la sauver ». Et de préciser que ces tracts sont consécutifs à la mort de plus de dix personnes en l’espace d’un mois.
« Des scènes inhabituelles »
Ce chef de colline affirme qu’il y a des phénomènes inhabituels faisant penser à la sorcellerie. « Le cas des maisons qui brûlent, des personnes qui meurent sans pour autant présenter le moindre signe de maladie. »
M. Butoyi parle également des personnes qui présentent des troubles mentaux et qui disent qu’ils ont été ensorcelés par les présumés sorciers.
Pour le cas de Mme Mbonihankuye, ce responsable collinaire affirme avoir assisté à une scène difficile à croire. « Une personne présentant les signes d’un malade mental a couru vers elle. Cette dernière l’a touché. Quelque temps après, la personne est redevenue normale. »
Interrogée s’il n’y avait pas des gens qui veulent s’accaparer des terres et des biens de la veuve, cette autorité collinaire réfute. « Elle n’a aucun litige foncier avec ses voisins ».
Interrogés sur les mobiles qui seraient derrière ces accusations, les présumés sorciers préfèrent garder le silence. «Nous ignorons les tenants et les aboutissants ».
Du côté des observateurs des droits humains dans cette zone, une source sous couvert d’anonymat parle des mobiles politiques ou des conflits fonciers.
L’administration tranquillise
L’administration communale confirme la circulation de ces tracts. François Kazoviyo, administrateur de la commune Bubanza affirme avoir mené des enquêtes pour connaître les auteurs. « Malheureusement, ils sont difficilement identifiables. Visiblement ces personnes sont faussement accusées. »
Des réunions de sensibilisation ont été tenues pour tranquilliser les présumés sorciers. «Nous demandons aux personnes qui se sentent menacées d’approcher l’administration ou les instances judiciaires ».
Toutefois, M. Kazoviyo met en garde ceux qui s’adonneraient à ces pratiques obscures. « La superstition ou les épreuves superstitieuses sont prévues et punies par le code pénal burundais dans ses articles 231 à 234.»
Le même code (article 493) punit toute personne qui « …par écrit, anonyme ou signé, a menacé avec ordre ou sous condition d’un attentat contre les personnes… ».
L’administrateur communal écarte néanmoins les mobiles politiques, les règlements de compte ou les conflits fonciers dans ce dossier.