Dans une lettre du 4 février, le Directeur des Transports au ministère en charge du Commerce a contesté la décision de sa ministre de tutelle lui enjoignant d’annuler la hausse des prix du transport fixée par la commission qu’il présidait. Une attitude qui a suscité de vives critiques de la classe politique et de la société civile.
Tout commence le 1er février. A la tête d’une commission en charge de la révision des prix du transport, Albert Maniratunga, directeur général des Transports au ministère chargé du Commerce, fait savoir, au travers d’une lettre écrite en langue nationale, que suite à la hausse du prix de l’essence annoncée quelques jours plus tôt, les prix du transport en commun en mairie de Bujumbura allaient être augmentés de la somme de 100 BIF tandis que dans le reste du pays, cette hausse allait être de l’ordre de 25%.
Ainsi, par exemple, le prix de la liaison Bujumbura-Cankuzo avait atteint, selon les chiffres publiés par cette commission, la somme de 16.000 BIF.
Signalons que ladite commission était constituée par deux directeurs généraux affectés au ministère en charge du Commerce et d’un directeur général employé au ministère de l’Hydraulique, de l’Energie et des Mines.
Le recadrage de la ministre chargée du Commerce
Le 4 février, coup de théâtre. Dans un communiqué qui a surpris plus d’un, la ministre en charge du Commerce, Marie-Chantal Nijimbere, se dit surprise d’avoir vu circuler sur les réseaux sociaux une décision annonçant une hausse des prix du transport de la part d’une commission « irrégulièrement convoquée ».
Dans ce communiqué, la ministre révèle n’avoir pas été du tout convaincue par les explications fournies par les membres de cette commission convoqués pour l’occasion. Et d’avancer les principaux griefs à l’encontre de la lettre de la Commission : non-respect de la procédure administrative de convocation de la réunion ; absence de concertation des autorités hiérarchiques ; une hausse des prix fixée sans étude préalable, etc.
La ministre Nijimbere reproche également aux membres de la Commission de ne pas avoir soumis leurs conclusions au ministère dont elle a la charge avant validation.
Face à toutes ces irrégularités, la ministre déclare l’annulation de cette hausse des prix fixée par la commission présidée par Albert Maniratunga.
‘’La bourde’’ d’Albert Maniratunga
Insubordination. C’est le mot qui revient dans la bouche de nombreux internautes à la lecture de la réaction de l’ancien directeur général de l’OTRACO à la lettre de la ministre en charge du Commerce.
Au jugement de la ministre estimant que la Commission avait été irrégulièrement convoquée, le DG des Transports et président de ladite commission se défend d’une quelconque illégitimité de cette commission : « La procédure utilisée pour fixer les nouveaux tarifs de transport est une pratique régulièrement utilisée.»
Ensuite, à la demande de l’annulation des décisions de la Commission exigée par la ministre, M. Maniratunga dit trouver que la Commission a œuvré « en toute légalité » et que ses décisions ont été « favorablement accueillies par tous les bénéficiaires ». En guise de preuve, selon le DG du transport : aucune contestation observée sur le terrain.
A la fin, le président de la commission se dit dans l’impossibilité d’annuler ses décisions contrairement aux recommandations de sa ministre de tutelle et dit « donner toute la latitude à l’autorité compétente de procéder à cette annulation ».
Joint au téléphone, le porte-parole du Premier ministre, Moïse Nkurunziza, prend le soin d’expliquer que cette affaire n’est pas du ressort de la primature : « En principe, c’est le ou la ministre qui a la prérogative de gérer toutes les affaires relatives à son ministère. Ce qui est le cas ici. La Primature n’interviendrait qu’en cas de litiges entre deux ministères.»
>>Réactions >>
Pierre-Claver Nahimana : « De graves contradictions et incohérences »
Le président du parti Sahwanya Frodebu fait état de graves contradictions et incohérences entre le Ministre en charge du Secteur des Transports et ses proches collaborateurs dans la gestion de la chose publique. « Dans la mesure où le secteur du transport est très sensible dans l’économie du pays et la vie des populations, un certain désordre dans l’administration se manifestant dans ces incohérences ne peut être que nocif pour l’économie du pays et les intérêts de la population », s’inquiète le leader du Frodebu.
Pierre-Claver dit craindre que des ministères deviennent ingouvernables, ce qui, selon lui, entraînerait le blocage des dossiers et affaires du pays.
Et d’ajouter que la récente hausse du prix de l’essence ne peut en aucun cas justifier « le désordre dans l’administration ».
Et de demander au chef de l’Etat et au Premier ministre de faire respecter l’autorité publique à tous les niveaux. « De façon complémentaire, il s’agira de mieux clarifier le rôle des collaborateurs, des commissions et des groupes de travail régulièrement mis en place, des autorités hiérarchiques et des plénipotentiaires, leurs marges de manœuvre et d’action, afin que tous ceux qui sont appelés à ces fonctions soient bien imprégnés des meilleures et justes pratiques de l’administration publique ».
Faustin Ndikumana : « Des conflits d’intérêts sous-jacents »
Le patron de PARCEM estime que le ministère en charge du Commerce a manqué à son devoir au moment de la hausse des prix de l’essence : « En principe, quand une telle situation survient, le ministre réunit les directeurs de son ministère, ses assistants et tous ceux, employés de son ministère, pouvant apporter des solutions au défi posé et décider ensemble de la marche à suivre.»
Faustin Ndikumana dénonce ensuite une commission dont les méthodes de travail n’auraient pas respecté les procédures : « La commission devait faire valider ses conclusions par la ministre de tutelle car c’est elle qui devra ensuite répondre aux questions liées à cette situation par le processus de redevabilité.»
Cet économiste indique que cette situation révèle un problème de trafic d’influence : « Nous avons longtemps observé que dans ce genre de cas, des personnalités de l’Etat agissent pour le compte de particuliers dont les intérêts sont aux antipodes de ceux de la population. C’est une forme de corruption caractérisée.» M. Ndikumana fait remarquer qu’à cela, s’ajoutent des conflits d’intérêts sous-jacents. « D’éminentes personnalités de l’Etat peuvent user de leur position pour booster leurs affaires au lieu de servir les intérêts du peuple ».
Le président de Parole et Actions pour le Réveil des Consciences et l’Evolution des Mentalités (PARCEM) demande à ce que des décisions soient prises au plus haut niveau de l’Etat pour en venir à bout de ce type de situations et une véritable sensibilisation de la population sur la bonne gouvernance et la lutte contre le clientélisme.
Olivier Nkurunziza : « De l’insubordination »
Le président du parti Uprona pointe un problème d’insubordination : « La Commission n’aurait jamais dû dire à la ministre qu’elle a la latitude d’annuler la décision car ses prérogatives lui donnent la latitude de prendre des décisions ! Là-dessus, j’y vois plus de l’insubordination.»
Le président du parti de Rwagasore considère que le sentiment de toute-puissance chez des personnages présents dans les rouages étatiques leur font perdre tout respect des règles hiérarchiques. « Certaines personnes désignées à des hauts postes par clientélisme vont se mettre au service de celui ou celle qui les a placées là au détriment de leurs supérieurs hiérarchiques ». Et de préciser qu’en l’occurrence, d’après M. Nkurunziza, les membres de la commission avaient la conviction que la ministre ne pouvait sanctionner en aucun cas leur attitude.
Et de rappeler que le directeur de la Commission et directeur des Transports, Albert Maniratunga, avait déjà été réprimandé publiquement par le chef de l’Etat l’ayant accusé de mauvaise gestion de l’OTRACO dont il était encore directeur général il y a peu. Selon le président de l’Uprona, son attitude dans cette affaire marque une récidive. Olivier Nkurunziza en profite pour souligner qu’un comportement de cette ampleur peut entraîner un dysfonctionnement des institutions : « Si rien ne change, la ministre risque de se retrouver fragilisée dans son autorité au sein de son ministère. Des employés attachés à des postes subalternes peuvent prendre eux-mêmes le parti de défier la ministre attendu qu’ils l’auront jugée molle quant au traitement d’une telle insubordination dans le cas qui nous préoccupe.»
M. Nkurunziza exhorte les autorités concernées à agir pour ramener l’ordre au ministère en charge du Commerce. A l’endroit de ce dernier, le président du parti aux couleurs rouge et blanc demande d’apporter une clarification dans l’opinion quant au prix du transport pour ne pas, défend-il, que la population demeure dans la confusion.
Noël Nkurunziza : « Un gros souci de transparence »
Le président de l’Association burundaise des Consommateurs (ABUCO) prend le soin de désigner un souci de transparence dans l’affaire en présence : « A l’aune d’un Gouvernement qui n’a de cesse de défendre la bonne gouvernance et une transparence à toutes épreuves, ce qui vient de se produire au ministère des Finances révèle un gros souci de transparence dans le fonctionnement de certaines institutions.»
Et d’évoquer une commission qui a passé outre les procédures réglementaires dans la présentation de ses conclusions. Vis-à-vis des hautes autorités burundaises, Noël Nkurunziza plaide pour la transparence à l’occasion de certaines prises de décision dans l’intérêt des contribuables.
Zénon Nimubona : « Cela décrédibilise l’Etat »
Le président du Parena soutient que les décisions émises par la Commission renferment un lourd vice de forme : « En principe, les conclusions émises par une commission technique n’ont pas force de loi. On peut dès lors considérer que ladite commission a désobéi aux lois existantes.»
En l’occurrence, d’après le leader du parti instauré par l’ancien président Jean-Baptiste Bagaza, les membres de la Commission auraient dû faire valider leurs conclusions auprès de la ministre ayant le Commerce dans ses attributions.
Zénon Nimubona juge également que de tels comportements sont un coup porté à l’image des pouvoirs publics auprès de l’opinion. « Il ne faut pas oublier que ces personnages-là n’agissent pas en leur nom propre, mais au nom des fonctions qui leur sont dues. Donc, cela décrédibilise l’Etat ».
Et de recommander à ce qu’à l’avenir, de tels cas soient examinés lors d’un Conseil des ministres en vue d’une ordonnance ministérielle.
Gabriel Rufyiri : « Des gens de l’ombre qui fragilisent l’autorité publique »
Le président de l’Olucome soutient que cette situation est la preuve de l’existence d’une administration parallèle dont il déplore l’impunité dont elle jouirait. Gabriel Rufyiri se dit indigné que plusieurs jours après la décision de la ministre, certains prix du transport n’y souscrivent pas. « La ministre incarne une autorité supérieure et en principe, ses décisions doivent avoir des effets immédiats».
Et de demander des sanctions à l’encontre des directeurs généraux du ministère en charge du Commerce membres de la Commission et une intervention du chef de l’Etat ou du Premier ministre pour restaurer l’image de l’autorité de l’Etat. Par ailleurs, Gabriel Rufyiri souligne que cette situation démontre ce que l’Olucome ne cesse de dénoncer : « Nous alertons depuis des lustres sur l’existence de gens de l’ombre qui prennent des décisions au détriment des autorités légitimement nommées à des postes. Cela fragilise l’autorité publique.»
Simon Bizimungu : « Une honte pour le pays »
Le secrétaire général du parti Cnl souligne « un acte d’insubordination » de la part des membres de la commission. « Une décision liée à la hausse des prix revient incontestablement au ministre. Ce qui s’est produit est tout simplement une honte pour le pays ».
Et de souligner que cette situation dénote un manque de confiance au sein de différentes hiérarchies administratives. « C’est grave parce que là, nous sommes en présence de décisions qui engagent le pays. En plus, cela fait courir le risque d’un handicap dans le fonctionnement des institutions ».
Pour finir, le député demande à ce que de telles décisions soient soumises à un examen méticuleux avant d’être divulguées.
Dans une conférence de presse, mercredi 9 février, le ministère du Commerce, des Transports, de l’Industrie et du Tourisme a annoncé la hausse des prix du ticket de transport en commun de 12,63 % tant en mairie de Bujumbura qu’en province.
La ministre chargée des Transports, Marie-Chantal Nijimbere, a indiqué que cette hausse se base sur la récente augmentation des prix du carburant survenue en date du 27 janvier 2022. Ainsi, le prix de transport par bus en mairie de Bujumbura passe de 400 à 450 BIF. Les prix pour se rendre en province varient selon l’éloignement de la capitale économique.
Oya oya !
Il faut que l’arbitre siffle la fin du match. Et dans beaucoup de domaines.
Notre pays est en difficultés dans tous les secteurs! Hanyuma à iwacu : pourquoi supprimmer mes commentaires kandi ntatukanye?? Le désordre ivugwa uko imeze! Merci!
Il y a des choses qui se passent au Burundi et qui dépassent l’entendement.
1) Un président de la République révèle un scandale monumental (impliquant forcément un ancien ministre que je tais le nom, parce qu’il est maintenant un auguste parlementaire) et donne un délai de 15 jours pour que les sanctions tombent. Et bien une main invisible a mis un brouillard sur le scandale « Panda Paoers ». On en parle maintenant que dans les salons et sur les réseaux sociaux.
2) Un Directeur général est révoqué à la television pour fautes gravissimes. Et 15 jours plus tard, il est promu à un poste plus puissant. Il est maintenant le centre de ce tourbillon inoui révélé dans cet article . Désavouer son ministre sur la place publique.
3) Une puissante DG d’une banque va à l’encontre des ordres de son supérieur hiérarchique. Et aucune sanction n’est appliquée.
Lors de la levée des sanctions par l’UE, on avait émis des préalables (Je dirais des voeux pieux ) pour que le Burundi puisse profiter pleinement des aides et dons de l’UE.
Mais le monde entier nous regarde
« En guise de preuve… aucune contestation observée sur le terrain. » Quel gros mensonge! Il est vrai que les stations-services et les sociétés de transport se sont frotté les mains. Contrairement aux millions de citoyens pour qui une hausse vertigineuse des prix signifie se serrer la ceinture et limiter les déplacements. Peuvent-ils contester? Non, même s’ils en avaient envie à l’exemple des syndicats des enseignants. Ils peuvent faire des manifestations et autres marches de soutien au pouvoir… Sans plus.
Les commissions sont censées formuler des recommandations à l’autorité de tutelle et ensuite l’autorité de tutelle prend des décisions selon les recommandations. L’autorité peut prendre en compte ou rejeter, en tout ou en partie, les recommandations qui lui sont formulées.
Dans l’éventualité où cette commision serait investie des pouvoirs qui lui permettent de déterminer les prix des tickets de transport, l’entrée en vigueur de ces prix ou leur annulation appartient à la ministre. Et je ne pense pas qu’elle peut déléguer ce pouvoir à une instance subalterne. Donc, si les nouveaux tarifs sont entrée en vigueur sans avoir été autorisés par l’autorité compétente, ils (les tarifs) sont illégaux.
La ministre ne peut pas annuler ce qu’elle n’a pas encore autorisé.
En lisant le contenu de cet article, j’ai l’impression qu’on veut pendre M. Maniratunga sur la place publique. La commission n’a pas (ne devrait pas avoir) le pouvoir de décréter l’augmentation des tarifs, ni celui d’en fixer les prix. C’est à la ministre de prendre cette décision. Si c’est à la commision qu’on a donné ce pouvoir, sa mission a été mal définie dès le départ.
Les commissions, elles produisent des rapports et recommandent des décisions!… Elles ne décident pas!
Quelqu’un peut peut-être chercher l’information concernant l’autorité qui a la compétence de la fixation de ces tarifs et nous en informer. Parce que c’est cette autorité qui doit les approuver et/ou les annuler… avant, pendant ou après leur entrée en vigueur.
On corrige et on avance!