La Brarudi projette de licencier 73 salariés, suite à la suppression de plusieurs postes. Au moment où les concernés sont remontés, un expert dans le droit du travail parle d’une mesure au motif flou et qui viole la loi.
Cariste (chauffeurs d’engins élévateurs), agent fête et évènement, chauffeur (sécurité, fête et évènement, marketing, technique, approvisionnement, dispensaire), encodeur, pointeur et manœuvre sont les postes qui vont être supprimés à la Brarudi. 73 employés, avec un contrat à durée indéterminée, vont rentrer. C’est dans une correspondance signée le 28 décembre que l’administration de l’entreprise l’a annoncé au Syndicat libre des travailleurs de la Brarudi (Sylitrab).
« Cette réorganisation du travail est commandée par la sauvegarde de compétitivité de notre entreprise. Elle va permettre de porter nos efforts essentiellement sur les activités liées directement aux missions principales de l’entreprise », peut-on lire dans cette lettre de l’ADG de la Brarudi, Chidum Ayeni. Un processus qui prendra fin en juin 2021.
Le Syndicat des employés et le conseil d’entreprise sont contre cette mesure qui viole le code du travail. Dans une correspondance qu’ils ont adressée à l’ADG, ces syndicalistes démontrent que le motif de licenciement n’est pas fondé : « Les réalisations de l’entreprise de ces dernières années ont toujours montré un résultat positif. L’entreprise a connu un accroissement de production de plus de 30% entre 2015 et 2019.»
Ces syndicalistes affirment que l’entreprise a déjà commencé à former les caristes qui vont directement remplacer ceux qui vont partir, alors que le code du travail l’interdit en son article 48 : « Dans les six mois suivant un licenciement pour motif économique, il est interdit de conclure un contrat de travail pour les postes concernés par le licenciement économique. »
Un motif « loin d’être clair »
Le motif de la sauvegarde de la compétitivité ne tient pas, assurent les syndicalistes. D’après ces derniers, la Brarudi est la meilleure entreprise du pays en termes de chiffre d’affaires et de résultat financier. Sans oublier sa première place comme contribuable du pays. Selon la classification élaborée par le groupe Heineken jusqu’en novembre 2020, la Brarudi est classée 3e dans l’amélioration d’indice de performance dans la région Afrique et Moyen orient. En termes de volume vendu, la Brarudi se classe en première position dans la sous-région.
Pour le syndicat, ces raisons démontrent que la compétitivité de l’entreprise n’est pas en cause. La Brarudi devrait plutôt augmenter ses ressources humaines et matérielles pour satisfaire la demande.
Un des représentants du personnel de la Brarudi parle de la « suppression des individus » plutôt que des postes. D’après lui, ces employés licenciés seront probablement remplacés par des sous-traitants. Ces derniers travaillent dans des conditions précaires, ils reçoivent un maigre salaire (la moitié du salaire des agents de la Brarudi). Ils perdent tous les avantages d’un salarié (primes et annales, soins de santé, restauration, déplacement, crédits, etc.) Pour ce syndicaliste, il n’est pas possible de supprimer certains postes, comme celui des caristes, au risque de paralyser le fonctionnement de l’entreprise.
Ces employés demandent à l’Etat, aussi actionnaire à la Brarudi, d’intervenir et d’exiger de revoir cette mesure qui viole le code du travail.
Fraude à la loi ?
Me Simon Sibomana, avocat spécialisé dans le droit du travail, affirme que le motif de « sauvegarde de la compétitivité » n’est pas clair : « A ma connaissance, je pense qu’il n’y a pas d’autre entreprise locale ou étrangère qui fait le poids face à la Brarudi en termes de concurrence. Elle garde le monopole du marché. »
La Brarudi dit qu’elle veut porter les efforts sur les activités directement liées aux missions de l’entreprise. « L’on se demande si jusque-là il y avait des missions effectuées qui ne se rapportaient pas aux missions principales de l’entreprise. Lesquelles ? On ne le sait pas. » Pour ce juriste, le motif tel que mentionné dans la lettre est vague.
Me Sibomana dit se joindre aux inquiétudes des employés : « Est-ce vraiment possible pour la Brarudi de continuer à fonctionner en supprimant tous ces postes ? » Il cite notamment les services approvisionnement et marketing.
Cet avocat évoque les dispositions du code du travail qui ont été violées dans cette mesure. Conformément à l’article 168, l’employeur doit préciser, dans la lettre d’information, les motifs de licenciement envisagé. S’il a enregistré des pertes, il doit démontrer comment il n’est plus en mesure de supporter la masse salariale.
L’employeur doit aussi fixer les critères sur lesquels il se base pour fixer l’ordre des licenciements. Des critères prévus dans l’article 169 du code du travail : l’aptitude professionnelle, l’ancienneté, l’âge, les charges familiale, etc.
D’après Me Sibomana, l’entreprise est aussi tenue de montrer les mesures prises et les efforts fournis pour limiter le nombre des licenciements. Et d’expliquer que « la philosophie est de faire en sorte que les emplois soient au maximum sauvegardés ».
L’article 155 stipule que le licenciement qui ne repose pas sur un motif précis, exact, objectif, vérifiable et revêtu d’une certaine gravité, est abusif.
Concernant l’inquiétude sur le remplacement des salariés par les sous-traitants, Me Sibomana parle d’une violation de la loi, si ce serait le cas : « Si la Brarudi licencie le personnel pour garder les mêmes postes qui vont être occupés par des sous-traitants, ce serait une fraude à la loi. »
Contactée, la Brarudi n’a pas voulu s’exprimer.
Entre « Cette réorganisation du travail est commandée par la sauvegarde de compétitivité de notre entreprise… »
et » Les s réalisations de l’entreprise de ces dernières années ont toujours montré un résultat positif. L’entreprise a connu un accroissement de production de plus de 30% entre 2015 et 2019.», quel argument en fin de compte aurait de sens pour un expert en finance et comptabilite ou s’il le faut devant un juge au tribunal.