Issue de déchets d’héroïne, cette drogue dure est en train de décimer la jeunesse burundaise. Elle a déjà fauché 13 vies depuis le début de cette année.
Plus de 1.200 jeunes âgés de 10 à 30 ans, pour la plupart, ont avoués prendre la boost, selon une étude récente. 24 nouveaux consommateurs chaque jour sont enregistrés.
Inhalée, injectée ou fumée et sous forme d’une poudre jaunâtre solidifiée, cette héroïne mélangée avec des médicaments (quinine, paracétamol, etc.) crée une dépendance extrême.
E.M., 48 ans, est un des usagers de la boost, depuis plus de 25 ans. D’une maigreur squelettique, yeux rougeâtres, voix rauque… il ne peut plus vivre sans sa dose. Il affirme que dans un groupe de dix « junkies » avec lequel il a commencé, deux sont toujours vivants. Tous les autres en ont succombé.
D’après ce toxicomane, la boost crée une dépendance totale. Deux jours sans, bonjour la diarrhée, vomissements… « Tous les moyens sont bons pour avoir sa dose. » A un moment donné, Il a vendu tous ses biens jusqu’à son dernier vêtement pour pouvoir se payer la dose de trois petites boules par jour, l’unité coûtant 5.000 BIF.
E.M. confie que plusieurs adolescents vivent dans la même situation aujourd’hui.
C’est une maman des plus désespérée qui confie que sa fille s’adonne à la boost, depuis des mois. Jadis sage, intelligente, sa fille est aujourd’hui agressive, voleuse. Maigre, sale… elle rentre rarement à la maison. L’argent et d’autres objets de la maison disparaissent. « J’attendais beaucoup d’elle… », Confie cette mère, déçue.
Des chiffres qui font froid dans le dos
1.247 jeunes ont avoué consommer la boost depuis début janvier 2018, d’après Eric Nsengiyumva, président du conseil consultatif de l’Association des anciens usagers des drogues (Bapud). 13 usagers sont morts de l’overdose depuis janvier 2018.
Sur 127 usagers de drogues injectables, 25% souffrent des maladies chroniques. Plus de 10% ont le VIH sida, soit dix fois plus que le taux de prévalence de la population générale (0,9 %). Plus de 14% souffrent de l’hépatite, d’après une étude réalisée en 2017. Des chiffres annoncés dans une conférence de presse animée vendredi 14 décembre par le collectif Yaga et Bapud.
M. Nsengiyumva relève deux principaux défis : l’absence de centre de désintoxication au Burundi et l’interdiction du médicament de substitution, la méthadone. Elle permet aux personnes dépendantes à l’héroïne ou d’autres opiacés de stopper leur consommation sans ressentir les effets du manque et réduit les risques liés à leur consommation.
Selon cet ancien toxicomane, la boost consommée au Burundi provient du Pakistan et d’Afghanistan pour transiter par Dar es Salam ou Mombassa. Elle arrive au Burundi par voie routière ou aérienne. Il demande le renforcement des moyens pour traquer les trafiquants.
Cette drogue plus dure est consommée essentiellement dans les milieux scolaires et sur les « ligalas » (rassemblement des jeunes désœuvrés du quartier), d’après Eric Nsengiyumva. Cannabis, ecstasy, héroïne ou boost et cocaïne constituent le répertoire des drogues consommés au Burundi.
Yvonne Kamikazi, présidente de l’Association burundaise des étudiants en médecine (Abem), prévient sur les risques liés à la consommation de ces drogues : « Elles perturbent le cerveau, entraînent des problèmes cardiaques, la contraction des vaisseaux sanguins, l’irrégularité du rythme cardiaque et l’hypertension artérielle. » Les usagers de drogues injectables sont sujets aux maladies chroniques (VIH et hépatite). « L’overdose conduit presque inévitablement à la mort », conclut ce médecin en herbe.