Samedi 02 novembre 2024

Économie

BMM International/Gitega : Lune de miel avortée

22/03/2022 7
BMM International/Gitega : Lune de miel avortée
Le site de Musongati en province Rutana.

A l’issue d’un Conseil des ministres du 3 mars, Burundi Mining Metallurgy International (BMM International) s’est vu retirer son permis d’exploitation du nickel et minerais associés dans la commune Musongatien province Rutana. Des motifs liés au non-respect des engagements pris par cette société ont été invoqués.

Elle vient de connaître le même sort que Tanganyika Mining Company et Rainbow mining company. Le Conseil des ministres réuni le 3 mars a révoqué le permis d’exploitation du nickel et minerais associés dans le périmètre Musongati à l’encontre de la société Burundi Mining Metallurgy International (BMM International).

A l’occasion du Conseil des ministres du 27 octobre 2021, le projet de révocation du permis d’exploration présenté par Ibrahim Ndayizeye, ministre en charge des l’Energie et des Mines rappelle que ce permis a été octroyé par décret en juin 2014 et le lancement officiel des activités d’exploitation et de traitement du nickel et minerais associés du gisement de Musongati a été fait en octobre 2014.

Ibrahim Ndayizeye, ministre ayant les mines dans ses attributions, a accusé BBM International d’avoir refusé de communiquer les renseignements techniques exigés en vertu du Code minier et de la convention qu’elle a signée.

Ce projet de loi soulignait que malgré plusieurs rappels faits à BMM en vue de respecter ses engagements et commencer les travaux proprement dits, aucune suite n’y a été réservée par cette société. En plus du retard injustifié dans le démarrage ou le déroulement des travaux, détaille le projet de loi, cette société a refusé de communiquer les renseignements techniques exigés en vertu du Code Minier et de la convention qu’elle a signée.

Enfin, il avait été recommandé d’exiger de cette société de restituer à l’Etat burundais ce qu’il a emporté comme échantillon.

Un partenariat prometteur

En mai 2014, une Convention d’exploitation minière sur le gisement de nickel de Musongati a été signée entre la Société Burundi Mining Metallurgy International (BMM International) et le Gouvernement du Burundi. Le ministre de l’Energie et des Mines, Côme Manirakiza, avait tenu un point de presse, le vendredi 13 juin 2014 pour faire connaître au public la Convention que le Gouvernement du Burundi a signée avec la Société Mixte « Burundi Musongati Mining (BMM) ».

Ladite Convention concernait l’exploitation minière du gisement de Nickel de Musongati, dans laquelle l’Etat du Burundi aurait 15% d’actions et BMM international 85% d’actions.
Dans un premier temps, la société BMM devait effectuer des activités de délocalisation, c’est-à-dire qu’elle devait procéder au paiement des indemnisations de la population qui vivent sur le site. Le ministre Manirakiza avait fait savoir que la Société BMM a signé un Contrat de 25 ans renouvelables pour 10 ans. Il a aussi signifié que les travaux d’aménagement du site et la construction des infrastructures minières devaient débuter dans une année et ne devaient dépasser trois ans.

Le permis d’exploitation a été octroyé par décret en juin 2014 et le lancement officiel des activités d’exploitation et de traitement du nickel et minerais associés du gisement de Musongati a été fait en octobre 2014.  Et les travaux devaient commencer endéans une année.
Dans une conférence de presse tenue en novembre 2017, l’ex-Ministre de l’Energie et des Mines, Ir Côme Manirakiza, a évoqué des difficultés liées à la chute des cours de nickel sur le marché international.

Un ministère de tutelle impuissant

Dans un entretien accordé à Iwacu en 2016, Gervais Rufyikiri, ancien deuxième vice-président de la République, a expliqué que le code minier ne prévoit pas comment l’investisseur dans l’exploration doit rendre compte au jour le jour. « Il y a donc des magouilles qui se font à côté, notamment dans le gonflement des factures, etc. Là ni le ministère de l’Energie et des Mines ni la deuxième vice-présidence ne sont compétents pour prévenir de tels cas. L’investisseur travaille comme un privé et on doit se contenter du rapport qu’il fournit ».

D’après l’ancien Deuxième vice-président de la République, les possibilités de vérifier ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas sont fort limitées : « Impossible de connaître quelle a été le ‘’deal’’, l’entente et les liens entre l’investisseur et l’une ou l’autre de ces personnalités du ‘’système’’, d’autant plus que l’exploration ne fait pas partie de marchés ouverts.»

Pour Gervais Rufyikiri, puisque les contrats avec des sociétés du type BBM ont été attribués conformément au code minier, le Burundi n’a d’autre choix que les respecter au risque de s’exposer à des procès lors desquels l’Etat peut perdre. « Même des années plus tard, il y a continuité des Etats », prévient M. Rufyikiri.


Réaction/ Gabriel Rufyiri : « Des pratiques clientélistes »

Selon le président de l’Olucome, l’argent qui provenait des conventions d’exploration allait directement à la Présidence de la République au niveau de la caisse ‘’Appui aux bonnes initiatives’’.

Le champion de la lutte anti-corruption souligne la non-transparence dans l’attribution du marché à BMM International. « Il n’y a pas eu d’appel d’offres international comme cela se fait dans d’autres pays »

D’après Gabriel Rufyiri, connaître l’identité de sociétés qui signent des conventions d’extraction minière avec le Gouvernement est une nécessité pour éviter des pratiques clientélistes. « Je me rappelle par exemple qu’une voiture-hôpital a été offert à la fondation Ubuntu de la première dame d’alors Denise Bucumi une semaine avant la signature de la Convention. C’est de la corruption».

Et de témoigner que quand l’Olucome sonne l’alerte à la signature de la convention en 2014, le Gouvernement n’a pas réagi. Une attitude qui n’a fait que renforcer les soupçons de l’Olucome. « Les pouvoirs publics ne voulaient pas la mise en péril des intérêts de personnalités puissantes au sein de l’appareil d’Etat impliquées dans la convention d’exploration », affirme l’activiste.

Toutefois, Gabriel Rufyiri se félicite de ce que le chef de l’Etat partage aujourd’hui le constat fait par l’Olucome en 2014 et ait pris la décision de mettre fin au contrat.


Eclairage/ « Aucun gramme de métal n’a été exporté », dixit un ancien haut fonctionnaire du ministère en charge de l’Energie et des Mines

Selon V.D.B., comme le Burundi ne dispose pas du personnel qualifié dans le domaine d’exploitation minière, la Convention minière stipulait que la société BMM devait former des élites burundaises. « Dans la première phase d’exploitation, il était convenu que la société emploierait des expatriés et qui seraient progressivement remplacés par des Burundais formés à cet effet ».

Le haut cadre ministériel aujourd’hui à la retraite révèle également que pour la commune de Musongati où se trouve le gisement de nickel, la société BMM s’était engagée à développer des infrastructures locales. « La commune allait bénéficier également d’une somme de 50 mille dollars américains par an, après les trois premières années d’exploitation ». Des engagements qui, d’après V.D.B., n’ont jamais été respectés.

Cet ancien responsable au ministère en charge de l’Energie et des Mines avance aussi que la mine devait entrer en activité dès 2015 avec une production initiale de 8 000 tonnes de Nickel et minerais associés pour atteindre 100 000 tonnes en 2016 et enfin atteindre une production record d’un million de tonnes en 2020.

Mais, jusqu’à présent, assure V.D.B, aucun gramme du métal n’a été exporté. « Le grand Projet minier est donc à l’arrêt faute de capacité financière de BMM dans la mise en exploitation du site de Musongati, malgré la Convention minière signée en Mai 2014 ».

La Tanzanie, voie de sortie ?

V.D.B. nous informe en outre que le Burundi cherche une collaboration étroite de la Tanzanie pour garantir une bonne coordination des plans de réhabilitation des lignes ferroviaires existantes et pour être à même de faire face à la forte augmentation du volume du fret à destination et en provenance du Port de Dar-es-Salam.

Pour le haut fonctionnaire retraité, les visites « intermittentes » entre les présidents des deux pays sont révélateurs. « En l’espace d’une année, le Président Burundais Evariste Ndayishimiye s’est déplacé deux fois en République Unie de la Tanzanie. Lors des échanges entre les deux homologues, la Tanzanie ne cache pas sa volonté d’avoir une coopération minière plus élargie avec le Burundi », estime V.D.B.

D’après lui, les autorités tanzaniennes se veulent rassurantes quant à leur expertise dans l’exploitation des minerais.  « Ce pays dispose déjà de comptoirs de transformation du Nickel dans les localités de Kigoma, Mwanza et Geta ».

Ce n’est pas tout. V.D.B soutient que pour les autres minerais, Gitega pourrait aussi se servir des laboratoires homologués installés en Tanzanie pour analyser les échantillons des minerais avant leur exportation. « De cette manière, les deux pays pourront partager les devises issues de l’exploitation des minerais», conclut-il.

BMM International fait partie d’une série de compagnies minières dont les activités ont été suspendues par le Gouvernement burundais. En juin et juillet 2021, Rainbow mining Company et Tanganyika mining Company se sont vu suspendre leurs activités d’exploitation. Le Burundi dispose de la deuxième plus grande réserve de Coltan (colombite et tantalite) dans la région Est-africaine et de 6% des réserves mondiales de Nickel, dont environ 180 millions de tonnes de nickel à Musongati dans la province de Rutana, 46 millions de tonnes à Nyabikere dans la province de Karusi et 35 millions de tonnes à Waga dans la province de Gitega avec une teneur respectivement de 1,62 %, 1,45 %, 1,38 %.

Forum des lecteurs d'Iwacu

7 réactions
  1. Stan Siyomana

    « La société East African Region Project Group a manifesté la volonté d’investir
    dans le secteur minier pour faire l’exploitation du nickel de Musongati et des
    minerais associés.
    En 2018, le Gouvernement du Burundi a accepté de signer un mandat avec cette
    société pour mobiliser des financements pour ce projet visant l’exploitation de ces
    gisements.
    Actuellement, cette société confirme que les fonds nécessaires sont disponibles et
    elle est prête à allouer un paquet de 1,5 milliard de dollars américains par an à
    titre de subvention financière pour une période de dix ans, soit 15 milliards de
    dollars américains… »
    file:///C:/Users/User/Downloads/Communique-Conseil-mardi-22-Mars-2022.pdf

  2. BarekeBavuge

    Une blague caustique bien applicable ici:
    Hari ku ntwaro y igikoloni. I mabayi.
    Umutware yagiye kurarika abanyagihugu bose ngo baje mu misa. Aja kubwira abatwa. Ati namwe mutegerezwa kuza. Il en allait de sa cotation auprès des blancs dirigeant à l’époque.
    Umupadiri w umuzungu arasigura ashitse ahantu avuga ingene tuzozuka twese tukaja mw ijuru.
    Umutwa umwe yitwa Barinzigo ava hasi arabaza.Ntiyari azi ko kizira kubaza ikibazo mw ishengero?
    Ati we Mujungu, none ko papa yariwe n ingwe zikamuheza n amagufa. Mw ihera y isi  » Zizomutsira »????
    Uwo muganwa aca yiyumvira ico yazaniye abatwa mw ishengero.
    None les dons et backchihs que ces sociétés ont donné bazozisubiza.
    Je ne suis pas leur avocat, je suis juste un avocat du diable

  3. Maragarita

    Caratuvunye peee.
    None zirya nzu zubatswe bakazigabira n I Gihugu et aussi les limousines données à l’Association Ubuntu?
    Bazozisubiza ces compagnies minières mwirukanye.
    Du temps où j’étais jeune, si votre copine te larguait, elle devait te remettre tous les cadeaux versés.
    Ces sociétés minières savent traiter avec des républiques ba….ières. Read and reread carefully the contracts you fully signed.
    Ndabivuze maragarita

  4. Jereve

    Le début de la lune de miel, c’est quand ces sociétés donnent des gros cadeaux à certains responsables. En guise de contrepartie, ces derniers ferment les yeux sur les activités de la société donatrice. Malheureusement, les manquements finissent par éclater au grand jour, et il apparaît que certains individus ont largement profité alors que l’état et toute la population perdent. C’est la fin de la lune de miel. Donner des cadeaux aux autorités est une pratique courante et tolérée dans notre pays. Le problème est que les limites entre cadeau, corruption et achat des consciences sont extrêmement floues. C’est quand un projet tourne au désastre qu’on se rend compte que quelqu’un a reçu des cadeaux et baissé la vigilance.

  5. Hekenya

    Mbega ko Leta Nkozi Mvyeyi itabaza l’ex- ministre Come Manirakiza ivy’urugomero rw’umuyagankuba nivyo vya Nickel ??? Inoti zarariwe kabisa!

  6. arsène

    Le fameux ministre de l’Énergie et des Mines, Côme Manirakiza, encore lui. Les contrats miniers, les barrages et peut-être d’autres surprises à venir.

    Ô pauvre Burundi, puissent les oracles te gratifier un jour des dirigeants soucieux de la bonne gouvernance!

  7. Balame

    Toutes ses sociétés ont été agréees par deux personnalités.
    L’un est un ministre qui dans sa magnanimité avait offert un immeuble flambant neuf de 4 étages au pays le plus pauvre du monde. Comme nos dignitaires ne déclarent pas leurs biens avant d’entrer en fonction. Ce serait de la méisance que de dire qu’il y aurait une relation minime soit elle entre ces 2 faits. J’irai me confesser
    Son supérieur n’est plus de ce monde.

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