Dimanche 24 novembre 2024

Les billets d'Antoine Kaburahe

BILLET | Une justice à huis clos

07/01/2023 10
BILLET | Une justice à huis clos

Ils vont m’accuser de « solidarité négative », de corporatisme, etc. Mais comment rester insensible face à la condamnation d’une collègue à 10 ans de prison ? Je ne connais pas personnellement Floriane Irangabiye. Je la suivais souvent lors de ses émissions sur la radio en ligne Igicaniro. Assez critique sur ce qui se passe au Burundi (ce n’est pas un délit), une belle voix radiophonique, des thèmes intelligents. Bref, une bonne journaliste. Basée au Rwanda, Floriane Irangabiye est rentrée au Burundi. Déjà, si elle se reprochait de quoi que ce soit elle ne serait pas allée se jeter dans la gueule du loup. La suite, on la connaît. Arrêtée, elle vient de prendre 10 ans pour « atteinte à l’intégrité du territoire ».

D’abord une précision : Floriane Irangabiye est citoyenne burundaise, elle n’est pas au dessus de la loi, c’est une justiciable. La question n’est pas là. Le crime qui est imputé à la jeune dame est lourd : atteinte à l’intégrité du territoire. Qu’est-ce qui est derrière cette terrible accusation ? A-t-elle prôné la sécession d’un territoire burundais ? Personne ne le sait. Pourtant, au vu de la charge, elle méritait un procès public, ouvert aux médias, afin de montrer que si la justice burundaise a eu la main lourde, c’est avec raison. Et tout le monde se serait incliné devant un jugement à la hauteur du « crime » de Floriane Irangabiye.

Sabotage ?

Les juges vont sciemment ignorer l’article 211 de la Constitution qui fait du procès public la règle, le huis clos n’étant obligatoire que pour certains jugements impliquant des mineurs par exemple. Ce qui n’est pas le cas de Floriane Irangabiye. Ils vont juger la journaliste à huis clos, presque en catimini. Pourtant, le Président Ndayishimiye a dit sur tous les tons et dans toutes les langues que désormais les Burundais ont droit à une « justice équitable et transparente ».

Le Président dénonce des « forces qui entravent son action ». Très souvent, il a exprimé sa « solitude » dans la reconstruction de la justice burundaise notamment. Ce qui vient de se passer est emblématique. Ce jugement à huis clos va susciter, avec raison, le tollé, une condamnation internationale. Il vient annihiler les efforts entrepris depuis de longs mois par le président Ndayishimiye et son ministre des Affaires étrangères, Albert Shingiro, pour présenter et défendre une meilleure image du Burundi et de sa Justice. « On n’avait pas besoin de ça », m’a dit avec dépit un haut cadre du parti au pouvoir.

Ceux qui ont condamné la jeune journaliste ne pouvaient pas ignorer le tollé que susciterait cette justice à huis clos. Mais est-ce que c’est la journaliste qui est vraiment visée ? La question mérite d’être posée. Floriane Irangabiye n’est peut-être qu’une victime collatérale…

Forum des lecteurs d'Iwacu

10 réactions
  1. Kimu

    Visit Burundi, nous dira-t-on !
    L’arrestation et l’emprisonnement de Floriane Irangabiye contredisent le slogan Visit Burundi.
    Par ces actions, les masques tombent finalement !
    D’aucuns diraient même que la haine contre l’autre partie de la population (via les selfies avec Kagame et Buyoya) est réelle !
    À suivre…

  2. Rukara

    Dommage que cette journaliste a eu tort de prendre pour argent comptant les déclarations du président de la république Neva au sujet de l’existence d’une justice indépendante au Burundi.
    Je me demande ce quoi il se base pour nous annoncer ces affirmations.
    Est ce que les dignitaires qui pillent le pays au su et au vu de tout le monde sont ils inquiétés?
    Au contraire on s’acharne sur les maillons faibles dans la corruption, les actes criminels et on n’ose pas toucher les géants. C’est ça la justice indépendante clamée a tue tête par notre président?

  3. Mutimutunganye

    le pouvoir en place est animé d’un soif permanent de détruire l,autre. On l,a vu avec cet avocat emprisonné, puis libéré sans argument juridique. On le voit avec le docteur Sahabo, pour lui hariho akabirya( son avocat emprisonné, puis relachée après avoir été sommée de ne plus défendre son cliemt, son frère emprisonné) . Déplacé dans une prison loin de sa famille. None bongeyeko une jeune dame. Nibaza ko détruire l’autre arivyo bacishijemwo sinon simbona iyindi explication

  4. Gacece

    C’est carrément du sabotage! Avez-vous remarqué qu’à chaque fois qu’il y une nouvelle pouvant améliorer l’image du pays, des actions qui ternissent encore plus cette image ne tardent pas à se produire?

    Par « miracle », quelqu’un peut mettre fin à ce cauchemar? Personne n’est au-dessus de la loi, mais… Qu’on expose les faits et les preuves ou qu’on annule « miraculeusement » cette condamnation.

    CHICHE ET RECHICHE!

    • Give me Freedom or death

      je ne comprend pas ce qui tu veux dire: Le jugement est un sabotage du( Gouvernement Burundais) de la part des ces juges du tribunal dit « Kabuki/Kangourou court »? Si c’est le cas, il est ou le president? Il peut annuler ce jugement, n’est ce pas?

    • Gacece

      @Give me Freedom or death
      There you go… The freedom is for you to think about whatever crosses your mind.

      Ceux qui ont quelque chose à y comprendre ont compris ou comprendront..

  5. Samandari

    Cher Kaburahe,
    J’avais posé une question, au delà de la barbarie, de l’injustice, que gagne le Burundi à se montrer sous un angle pareil?
    Juste montrer au monde entier que le Burundi se comporte comme une république bananière.
    Pathétique image donnée.
    Evidemment l’opinion internationale fera pression et elle sera libérée. But when?

    • Kaziri

      Me Nkina a passé 2 ans en prison avant d’être libéré. Cela donne une petite idée de ce qui attend Floriane. Quand elle sera désincarcérée, les personnes de bonne foi se poseront la sempiternelle question de savoir la raison pour laquelle elle a passé tout ce temps en prison pour rien?

      Je suis toujours sidéré de voir la légereté avec laquelle la police politique peut arrêter un concitoyen et l’expédier en prison.

    • Niyontoranwa Élysée

      tu m’enchantes. Tu as lu AmadouKourouma avec « En attendant le vote des bêtes sauvages »

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