C’est une veillée d’armes. Les heures s’égrènent, lourdes, chargées de questions. Résiliente, la rédaction d’Iwacu tourne, comme si de rien n’était. Mais tous les journalistes pensent au verdict qui va être rendu jeudi 31 octobre.
Dans quelques heures donc, les journalistes seront libres ou… la chambre du Conseil décidera de leur maintien en détention. Mardi dernier, à l’issue de l’audience, les trois conseils de nos collègues étaient optimistes et indiquaient que le ministère public n’avait pu trouver « aucune accusation pouvant justifier le maintien en prison des quatre journalistes et de leur chauffeur. »
Dans l’euphorie générale, une phrase passée inaperçue, lâchée par Maître Retirakiza, modère pourtant la joie des observateurs plus avertis des rouages de notre justice : « Nous espérons que si les juges disent le droit, ces journalistes et leur chauffeur vont recouvrer leur liberté », a dit l’avocat. Un « si » très inquiétant. En général, les avocats sont toujours optimistes. Les nôtres, peut-être par réalisme froid ou instruits par leur expérience, n’excluent pas une autre option qui fait froid dans le dos.
L’accusation portée contre nos confrères est en effet gravissime et les peines encourues sont très lourdes. L’ atteinte à « la sûreté intérieure de l’Etat » peut être sanctionnée par 20 ans de prison, voire par la perpétuité ! Voilà pourquoi ce « si » est tellement inquiétant.
Mais en attendant , continuons à croire que la chambre peut effectivement « dire le droit ». Ce n’est pas impossible. Dans notre histoire tourmentée, un nom est entré dans la postérité, celle d’un jeune procureur de la République du nom de Léonard Nduwayo. En 1971, la Justice était complètement à genoux. Un pouvoir paranoïaque avait fabriqué un procès en vue de faire tomber les têtes de quelques opposants, accusés d’atteinte à la « sûreté intérieure de l’Etat ». Dans ces heures sombres, les accusés semblaient perdus. Mais avec un courage inouï, le procureur a refusé cette machination. Il a refusé les accusations sans preuve, les témoins anonymes… Il a perdu son poste et, surement, une belle carrière. Mais, pour avoir dit le droit, son nom est désormais inscrit en lettres d’or parmi ceux des Justes. Souhaitons que jeudi à Bubanza, les juges siégeant dans la chambre du Conseil vont simplement dire le droit.