Jeudi 12 septembre 2024

Les billets d'Antoine Kaburahe

BILLET – Un procès posthume pour le Dr Sahabo?

12/09/2024 1
BILLET – Un procès posthume pour le Dr Sahabo?

Même le pire criminel doit bénéficier des meilleures conditions de défense pour que la justice soit perçue comme impartiale et qu’elle ne s’attaque pas à un prévenu en situation de faiblesse. C’est ainsi que certains États investissent des sommes considérables pour que des individus accusés de crimes graves, tels que des homicides, puissent avoir des conditions correctes de détention, mais aussi l’accès aux services d’avocats expérimentés et compétents. Les condamnations qui en résultent deviennent alors plus respectables et pédagogiques. Cette approche fait honneur à la Justice.

Le docteur Sahabo n’est pas un criminel, et tant que la justice ne l’a ni condamné ni acquitté, il est présumé innocent. Cet homme souffre de maladies chroniques, dont une hypertension et un asthme sévère, aggravés par les conditions de détention. Il y a deux jours, lorsqu’il est arrivé au parquet pour une audience, il était mal en point.

Après avoir quitté la prison de Ruyigi à l’aube, il est arrivé fiévreux, exténué et affaibli à Bujumbura. Ses avocats ont alerté la Cour sur son état de santé, mais la Cour est restée insensible à cette détresse et a maintenu l’audience. La suite est connue : il a été pris de vomissements et s’est effondré devant ses juges.

Quand le 11 juin 2000,Nelson Mandela a visité le Burundi, il s’est rendu à la prison de Mpimba. Choqué par les conditions des détenus, il s’est écrié : « Est-ce qu’il y a des hommes ici qui craignent Dieu ? ».

À l’époque, le CNDD-FDD qui n’était pas encore au pouvoir a salué les critiques de Mandela contre le gouvernement d’alors. Aujourd’hui, l’ ancien mouvement rebelle dirige le pays et affirme avoir mis « Dieu à la première place ». Si Mandela revenait aujourd’hui, que dirait-il ?

Le Docteur Sahabo a droit à la justice. Il a également droit aux soins de santé. Ne souhaite-t-on pas qu’il soit plutôt en bonne santé afin de faire face aux accusations ? Les morts ne parlent pas. À moins que l’on ne préfère un procès posthume ?

L’Histoire n’oublie rien. Elle retiendra que le 12 septembre 2024, un procureur de la République a ordonné que des perfusions soient retirées à un prévenu sur son lit d’ hôpital pour le renvoyer en prison. C’est écrit.

Je fais mienne la question posée par Mandela en juin 2000 à la prison de Mpimba : « Est-ce qu’il y a des hommes ici qui craignent Dieu ? ».

Diplômé de l’ ESJ (Ecole Supérieure de Journalisme) de Paris et Lille, Antoine Kaburahe a fondé le Groupe de Presse Iwacu. Il est aussi écrivain et éditeur www.iwacu.site.

En 2015, faussement accusé d’être impliqué dans le coup d’Etat au Burundi, comme de nombreux responsables de médias, il est contraint à l’exil. Analyste reconnu, défenseur de la liberté de la presse (membre de Reporters Sans Frontières) ; il poursuit une carrière internationale .

Contact: [email protected]

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1 réaction
  1. AHISHAKIYE

    La loi du plus fort est considéré comme toujours meilleure!! Mais il faut savoir qu’il n’existe jamais de force éternelle que celle du plus haut!!

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