Jeudi 28 novembre 2024

Les billets d'Antoine Kaburahe

BILLET – Un procès posthume pour le Dr Sahabo?

12/09/2024 9
BILLET – Un procès posthume pour le Dr Sahabo?

Même le pire criminel doit bénéficier des meilleures conditions de défense pour que la justice soit perçue comme impartiale et qu’elle ne s’attaque pas à un prévenu en situation de faiblesse. C’est ainsi que certains États investissent des sommes considérables pour que des individus accusés de crimes graves, tels que des homicides, puissent avoir des conditions correctes de détention, mais aussi l’accès aux services d’avocats expérimentés et compétents. Les condamnations qui en résultent deviennent alors plus respectables et pédagogiques. Cette approche fait honneur à la Justice.

Le docteur Sahabo n’est pas un criminel, et tant que la justice ne l’a ni condamné ni acquitté, il est présumé innocent. Cet homme souffre de maladies chroniques, dont une hypertension et un asthme sévère, aggravés par les conditions de détention. Il y a deux jours, lorsqu’il est arrivé au parquet pour une audience, il était mal en point.

Après avoir quitté la prison de Ruyigi à l’aube, il est arrivé fiévreux, exténué et affaibli à Bujumbura. Ses avocats ont alerté la Cour sur son état de santé, mais la Cour est restée insensible à cette détresse et a maintenu l’audience. La suite est connue : il a été pris de vomissements et s’est effondré devant ses juges.

Quand le 11 juin 2000,Nelson Mandela a visité le Burundi, il s’est rendu à la prison de Mpimba. Choqué par les conditions des détenus, il s’est écrié : « Est-ce qu’il y a des hommes ici qui craignent Dieu ? ».

À l’époque, le CNDD-FDD qui n’était pas encore au pouvoir a salué les critiques de Mandela contre le gouvernement d’alors. Aujourd’hui, l’ ancien mouvement rebelle dirige le pays et affirme avoir mis « Dieu à la première place ». Si Mandela revenait aujourd’hui, que dirait-il ?

Le Docteur Sahabo a droit à la justice. Il a également droit aux soins de santé. Ne souhaite-t-on pas qu’il soit plutôt en bonne santé afin de faire face aux accusations ? Les morts ne parlent pas. À moins que l’on ne préfère un procès posthume ?

L’Histoire n’oublie rien. Elle retiendra que le 12 septembre 2024, un procureur de la République a ordonné que des perfusions soient retirées à un prévenu sur son lit d’ hôpital pour le renvoyer en prison. C’est écrit.

Je fais mienne la question posée par Mandela en juin 2000 à la prison de Mpimba : « Est-ce qu’il y a des hommes ici qui craignent Dieu ? ».

Diplômé de l’ ESJ (Ecole Supérieure de Journalisme) de Paris et Lille, Antoine Kaburahe a fondé le Groupe de Presse Iwacu. Il est aussi écrivain et éditeur www.iwacu.site.

En 2015, faussement accusé d’être impliqué dans le coup d’Etat au Burundi, comme de nombreux responsables de médias, il est contraint à l’exil. Analyste reconnu, défenseur de la liberté de la presse (membre de Reporters Sans Frontières) ; il poursuit une carrière internationale .

Contact: [email protected]

Forum des lecteurs d'Iwacu

9 réactions
  1. Salvator NIYONKURU

    C’est un problème d’indépendance de la justice qui se pose au vu des faits. Si réellement Dr Sahabo
    a commis des fautes lourdes qu’attend le procureur général pour donner des éclaircissements.
    Je suis sûr que Dr Sahabo n’est pas un criminel et si détournement des fonds il y a eu,il y a certainement d’autres moyens de le faire payer au lieu de l’exposer au risque de mort.

  2. Tharcisse

    Au Burundin, un innocent responsable d’un hôpital modèle où ses bourreaux se soignent croupit en prison

  3. hakizimana jean Pierre

    Merci Mr Kaburahe.

    Je ne connais pas Dr Sahabo, mais pendant la lecture de l’incident sanitaire, je me suis imaginer le trajet en question, car je connais bien Ruyigi-Bujumbura, que l’on passe par Rutovu-buhonga ou Gitega, cela reste un trajet très long pour finir au tribunal. Et surtout pouquoi? Pourquoi est il à Ruyigi? Est ce que sa famille est à Ruyigi?

    N’oublions jamais, le traitement qu’a eu Mme Floriane Irangabiye. Et celui de Mme Sandra Muhoza. ET JEAN BIGIRIMANA! Surtout leurs enfants, epoux/espouses, amis directs/indidrects, etc……?????????

    Ma question est la suivante:

    « RESTE T IL UN HUMAIN AU BURUNDI? »

  4. Bite

    À l’époque, le CNDD-FDD qui n’était pas encore au pouvoir a salué les critiques de Mandela contre le gouvernement d’alors. Aujourd’hui, l’ ancien mouvement rebelle dirige le pays et affirme avoir mis « Dieu à la première place ». Si Mandela revenait aujourd’hui, que dirait-il ?

    Belle analyse je côte 100%

  5. Kabingo dora

    Dans la vie je suis sûr de deux choses :
    1- Tous les empires mêmes les meilleurs finissent par tomber , aucun pouvoir n’est éternel.
    2- Je sais aussi que “ Ubwoko budahona”

  6. Ragombe

    Quel intérêt le Burundi a t il de braquer les projecteurs du monde entier sur le cas du Dr Sahabo?
    Rien, je dis que le Burundi n’y gagne rien.
    Le monde entier retient qu’il y a une république de l’Afrique de l’Est qui refuse à un ancien grand patron de l’un des meilleurs hôpitaux privés du pays de se faire soigner.
    La justice est même incapable de formuler correctement les raisons de son incarceration.
    Est ce la meilleure façon d’inviter des investisseurs?
    N’ignorez pas qu’au Burundi est collé le qualifications de pays le plus pauvre et le plus corrompu au monde.

  7. AHISHAKIYE

    La loi du plus fort est considéré comme toujours meilleure!! Mais il faut savoir qu’il n’existe jamais de force éternelle que celle du plus haut!!

    • Munkwere

      Je voudrais bien savoir si il y a des éléments factuels qui expliquent comment un malade peut être sorti d’un hôpital de force. Les médecins doivent s’y opposer et exiger un écrit qui autorise une sortie contre avis médical.
      Je demanderai aux journalistes de saisir l’ordre des médecins pour en savoir plus. Il y va de l’honneur de Dr Sahabo et de toute la confrérie médicale du Burundi.
      L’hôpital qui l’a reçu a l’obligation légale d’éclairer l’opinion.
      Merci.

      • Hassan Ndikumana

        @Munkwere
        Nous savons tous que les lois et règles ne fonctionnent pas dans ce pays?Vivez-vous ici?Sinon vous devriez savoir que toute les règles sont piétinées d’abord par les burundais eux mêmes dans la vie de tous les jours et ensuite par leurs autorités qui sont à l’image de la base.Une base qui ne respecte rien.

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