Vendredi 03 janvier 2025

Les billets d'Antoine Kaburahe

BILLET – S’interroger n’est pas un sacrilège

21/07/2024 9
BILLET – S’interroger n’est pas un sacrilège

L’interview que j’ai réalisée avec un ingénieur des mines allemand, ayant une solide connaissance du secteur des mines au Burundi où il a travaillé, suscite de nombreuses réactions. Certains me reprochent de ne pas être « patriote », d’être « jaloux de la découverte », ou encore d’être « à la solde des Occidentaux », etc. La liste est longue. Cela ne me trouble pas, j’y suis habitué. D’autre part, de nombreux messages saluent l’éclairage apporté par cet expert.

Comme souvent au Burundi, on tend à oublier le message pour se concentrer sur le messager. Plutôt que d’ouvrir un débat constructif, on préfère se perdre dans la polémique. On oublie que pour nous, journalistes, il est crucial de douter, d’interroger et de vérifier les déclarations publiques. Apparemment, certains souhaiteraient que les médias reprennent à la lettre les annonces publiques. Effectivement, j’ai vu des médias citer sans s’interroger les chiffres faramineux avancés sur les recettes attendues de l’exploitation de Murehe ! Est-ce cette presse que nous voulons pour le Burundi?

Certes, dans le contexte actuel, de telles annonces peuvent être un baume au cœur. Elles donnent espoir. Mais s’interroger ce n’est pas un sacrilège, c’est même sain, surtout dans un pays dirigé par un parti qui a fait de “la défense de la démocratie” sa devise. Bref, les journalistes, nous jouons notre rôle.

L’ingénieur interviewé n’a insulté personne ; il a simplement expliqué le processus tel qu’il devrait normalement se dérouler. Il n’y a aucune « condescendance » ou « paternalisme », comme j’ai pu le lire quelque part.  Il a rendu hommage aux « éminents géologues burundais », saluant leurs compétences, et a suggéré une plus grande implication de l’Office Burundais des Mines, légitime et compétent pour tous les travaux de recherche et d’exploitation. D’après lui, en Afrique – et pas seulement au Burundi – « il est temps de laisser ce domaine aux techniciens. » En quoi cela est-il offensant ?

Certains estiment que j’aurais d’abord dû interroger la société ayant fait l’annonce de Murehe. Mon interview est une réaction à des déclarations publiques et à des chiffres avancés. La société BUMECO a tout à fait le droit de réfuter les explications de notre source. Oublions la nationalité de l’ingénieur ; ce n’est pas important. Il appartient à cette société de démontrer, dans nos colonnes, elles sont ouvertes, que les explications qu’il a avancées sont erronées. Recentrons le débat et avançons.


Diplômé de l’ ESJ (Ecole Supérieure de Journalisme) de Paris et Lille, Antoine Kaburahe a fondé le Groupe de Presse Iwacu. Il est aussi écrivain et éditeur www.iwacu.site.

En 2015, faussement accusé d’être impliqué dans le coup d’Etat au Burundi, comme de nombreux responsables de médias, il est contraint à l’exil. Analyste reconnu, défenseur de la liberté de la presse (membre de Reporters Sans Frontières) ; il poursuit une carrière internationale .

Contact: [email protected]

Forum des lecteurs d'Iwacu

9 réactions
  1. saleh

    Malheureusement, sur plusieurs dossiers, les experts de l’état dans le domaine sont laissé à côté pour écouter plutôt les vendeurs. Même au cas où le vendeur serait expert, le conflit d’intérêt oblige à prendre son avis avec des pincettes

    • Stan Siyomana

      @saleh
      En general, ces vendeurs sont deja connectes aux gens qui sont au pouvoir.
      Et quand vous essayez de relever certaines incoherences dans ce qu’ils proposent, l’on va vous accuser d’etre contre le developpement du Burundi/umwasi adashaka ko Uburundi budater’imbere.
      Nka jewe simba mu Burundi kuva mu 1971, nta mugambwe n’umwe nigera ninjiramwo, sindakoresha passport y’Uburundi kuva 1977, NONE JEWE VYONYUNGURA IKI KUBONA UBURUNDI BUDATERA IMBERE.
      Jewe ndashiraho amazina yanje, mugihe ivyo noba mvuga atarivyo, umuntu twobiharirako hanyuma kumbure ukuri kukamenyekana.

  2. Stan Siyomana

    Le monsieur de Murehe ne cesse de parler de lingot de cassiterite, alors que la cassiterite est le minerai qui contient le metal ETAIN.
    Meme au London Metal Exchange, l’on parle de tin refined.
    https://www.barchart.com/futures/quotes/S4Y00/interactive-chart

  3. Samandari

    Cher Kaburahe,
    Les 50 milliards de la mine de Murehe seront comme l’argent volé du Barrage Mpanda qui devait être recouvert endéans 3 mois.
    Cela fait 2 ans qu’on en parle plus.
    On ne parlera plus de cette mine de Murehe.
    Parole d’un burundais éclairé.

  4. Julien Nzaniye

    Ne nous acharnons pas, la vérité ne tardera pas à se manifester. Si c’est le président et son équipes et ses acolytes qui ont raison, si c’est Kaburahe qui a raison de s’inquiéter, on ne tardera pas à le voir.
    De toutes façons, on a bcp de promesses qui ne sont pas encore réalisées, raison pour laquelle douter ne serait pas si bête: projet des avocats, projet des lapins, terre rares en Bujumbura rural, le barrage de mpanda. En tout ça, on nous avait promis des merveilles, je sais pas si avec la situation actuelle on peut se bousculer à porter crédit à ce que Neva publie ici et là. wait and ses!

  5. Stan Siyomana

    En 1977, quand je venais a peine d’etre embauche par Geological Survey of Tanzania (Idara ya Madini, Dodoma) le Principal Secretary of the Ministry of Minerals, Water and Energy a visite Bulyankulu Gold Exploration Projet in Kahama District et c’est moi qui etait in-charge du projet puisque le vrai chef du projet etait retourne a Dodoma pour les salaires des ouvriers et nos night allowances. Nos salaires allaient directement sur nos comptes bancaires.
    Jusqu’a maintenant je me demande comment j’ai pu me debrouiller avec mon peu d’anglais (je ne pouvais pas encore m’exprimer en swahili, je n’avais meme pas fait trois mois en Tanzanie.
    Aujourd’hui la canadienne Barrick Gold Corporation y a construit une grande mine moderne.

  6. Stan Siyomana

    1. Vous ecrivez: « Effectivement, j’ai vu des médias citer sans s’interroger les chiffres faramineux avancés sur les recettes attendues de l’exploitation de Murehe !.. »
    2. Mon commentaire
    Les gens ont bien entendu qu’il y aurait 50 milliards de dollars dans le sous-sol burundais, mais ils ne tiennent pas du cout de production/extraction d’une tonne par rapport au prix de cette tonne sur le marche international.
    https://www.barchart.com/futures/quotes/Q1Y00/interactive-chart

  7. Voltaire Kaziri

    Supposons que même cette mine existe avec ces teneurs surréalistes.
    Avoir des matières premieres n’amène pas la richesse.
    L’exemple parfait est le Zaïre
    C’est un scandale géologique.
    La corée du Sud, la Belgique, la Hollande et la Suisse ne possèdent aucun minerai.
    Est ce que Singapour en pissède?Que nenni.
    Avec notre gouvernance, même si on avait ces mines, ntaho twoshika.
    Ex: Dans la sous région, nous sommes le seul pays incapable d’importer du fuel.
    Why?

  8. Ririkumutima

    Merçi Kaburahe
    L’interview que vous avez fait est excellent, limpide et implacable.
    Dès la seconde où on a écouté la vidéo, mélangeant des chiffres astronomiques et des extraits bibliques, on a compris qu’on était à des années lumières de la vérité.
    Ceux qui invoquent la condescendance ou la peau de l’expert sont à côté de la plaque.
    L’argumentation de l’expert est absolument scientifique.
    Que ce soient Bumeco ou les porte paroles des différents ministères lisent le Journal Iwacu
    Pourquoi , pensez vous qu’ils n’écrivent pas içi ou éclairent le pays sur la RTNB?

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