Par Antoine Kaburahe
Je n’oublierai jamais ma rencontre avec le Nigeria. J’arrive à l’aéroport. J’ai un passeport et un visa en ordre, les trois vaccins. Mieux, un test PCR négatif. On est jamais trop prudent. Bref, ce qu’il y a de plus régulier comme visiteur. Le policier scrute attentivement mon passeport, vérifie mon certificat de vaccination, ma réservation d’hôtel. Un policier bien consciencieux, me dis-je, un brin admiratif. Il y a un petit formulaire à remplir. « Let me fill your form, sir ». Un policier consciencieux et même gentil. Je suis encore plus admiratif devant cet accueil. Il remplit donc le petit formulaire d’entrée. Quand il a fini, je tends ma main pour récupérer mon passeport. Mais il ne me le rend pas. Avec un grand sourire, il me dit : « Show me love ». Je ne comprends pas. « I have filled your form ». J’ai envie de lui dire que je n’ai rien demandé. Mais je me retiens. En Afrique, instinctivement, nous avons tous peur de la police ou de l’armée. Il tient toujours mon passeport dans ses mains. J’ai compris. Alors, je sors mon porte-monnaie, très lentement. Je vais l’humilier, lui donner l’argent au vu et au su de tout le monde. Je fouille dans mon porte-monnaie et je cherche le plus petit billet. J’ai cinq dollars. Théâtralement, je lui donne le billet. Les policiers travaillent en « open space ». Tout le monde voit. Nullement gêné, il prend le billet et me remet mon passeport avec un sourire : « Welcome Nigeria, sir ». Je lui fais le sourire le plus hypocrite que je peux faire. « Thank you, sir ».
J’ai raconté cet incident à mes confrères nigérians, tous étaient pliés de rire. Mais une question me taraudait. « Pourquoi le policier accepte au vu et au su de tous un petit billet de cinq dollars ». Les journalistes m’ont expliqué que c’est un « travail en équipe », l’argent est collecté dans une sorte de « basket fund » et, à la fin de la journée, ils partagent le butin. « Le chef a sa part aussi ». La corruption est un vrai fléau dans ce pays immense, riche, producteur de pétrole, mais où les voitures font des files infinies devant les stations à attendre le carburant…
J’aime le Nigeria, cette grande nation. C’est le pays de mes auteurs préférés, Chinua Achebe (Things fall apart ) qui a nourri ma jeunesse, Wole Soyinka, prix Nobel de littérature, la grande Chimamanda et bien d’autres. No need to ask me to show my love. I love you, Nigeria. Malgré tout.
Bonjour Antoine
Quel plaisir et rigolade de lire ce bel article!
J’ai connu la même expérience dans ce beaux pays de grande complexité!!
Pour moi, J’ai utilisé 4 tickets entre Abuja et Legos. Parce que à chaque fois que je devrais entrer dans l’avion et je devrais présenter mon passeport, le policier me disait: « One page is missing, Sir ». Il m’a fallut d’être un peu » Charp » pour comprendre que le « one missing page » était un billet de 5 $.
Cher Antoine, je lis toujours à soif tes billet. Ton style d’écriture m’inspire et me donne toujours envie de lire et de relire tes billets. Mais quant à ce billet, tu tapes sur mon point névralgique. Car les policiers d’aujourd’hui se ridiculisent même pour un billet de BIF 500. Pour eux, ce qui compte c’est de l’argent. Les valeurs d’ubuntu et d’ubushingantahe ne valent rien.
Il manquait « une page » dans le passeport!
Qu’est-ce que ça fait du bien de te lire, cher @AK, surtout un week-end ! Ça me permet de siroter ma bière tranquillement, gaiement😊 Veux-tu nous faire d’autres pepites de tes aventures dans ce Sahel? Merci.
Cher @AntoineKaburahe, j’adore ta plume brillante et ton verbe haut. Ton « expérience » me rappelle, mutatis mutandis, ce que j’ai vécu avec deux de mes jeunes collègues de l »Université du Burundi à l’aéroport de Lumbumbashi en 2010. Certains d’entre nous n’avaient pas la carte de vaccination contre la fièvre jaune. Paraît-il que cette carte n’était pas exigée pour les ressortissants des pays membres de la CEPGL. Nos passeports ont été littéralement confisqués. Pour les recouvrer, les intermédiaires des « confiscateurs » ont recouvré 100$ par passeport. Heureusement que le bailleur de la Conférence à laquelle nous participions à payé pour nous l »addition ». Notre continent est malade.
J adore ton humour cher Kaburahe
. Je suis sur que tu voulais parler du Burundi Sacrebleu.
Non j’étais au Nigeria,je n’ai pas besoin de passer par le Nigeria pour parler du Burundi -)
@Barekebavuge
« Je suis sur que tu voulais parler du Burundi Sacrebleu. »
On peut toujours trouver plus fort que soit; même le Burundi peut en trouver. Que crois-tu?
Là c’est vous qui faites de l’humour -)
AK
Que soi; je voulais dire!
Cher Antoine,
De toute façon, je dévore toujours tes articles et je les trouve d’une si grande profondeur. Vous êtes notre Voltaire.
Moi, j’ai lu entre les lignes my beloved country , Burundi