Encore une de ces belles rencontres « Au Coin du Feu ». Le journaliste Egide Nikiza en formation à la Sorbonne à Paris a rencontré pour Iwacu la Princesse Esther Kamatari. Le journaliste est encore retourné, émerveillé par son entretien avec son « Altesse Royale », la Princesse Kamatari. Elle tient à son titre. La grande dame ne laisse personne indifférent. Elle sait être une lionne, comme quand elle a attaqué le gouvernement burundais décidé à ramener la dépouille royale de son oncle, le roi Mwambutsa IV, Bangiricenge. Décédé dans son exil en Suisse, le vieux monarque qui avait perdu ses deux fils, les princes Rwagasore et Charles Ndizeye, tous les deux assassinés, avait expressément indiqué dans son testament qu’il ne souhaitait pas que son corps repose au Burundi. La Princesse Kamatari a mobilisé les avocats dans un procès retentissant. La justice helvétique a finalement tranché : le testament du roi a été respecté. Le monarque repose dans un cimetière près de l’aéroport de Genève. Dans cet entretien, elle évoque ce combat et se dit fière d’avoir fait « respecter les dernières volontés du roi. » Cette tragique histoire autour de la dépouille royale m’avait inspiré un article publié dans le journal genevois Le courrier. Mais la lionne sait aussi se faire antilope et gracieuse. Première mannequin noire à Paris dans les années 70, elle a promené son corps et son sourire sur les podiums du monde de la haute couture. Ancrée dans le passé, elle évoque les fastes de la royauté, son géant de père, le Prince Ignace Kamatari qui dit on pouvait « soulever une voiture avec un seul bras. » Elle parle les larmes aux yeux de sa Fota natale près de Mwaro mais son cœur bat en même temps dans un quartier cossu de Paris, à Saint-Cloud, bastion de la droite. Elle fréquente le beau monde, les artistes, les grands couturiers, les présidents. Elle est à l’aise avec les puissants et les anonymes. Elle est altière, entière. Distante et accessible en même temps. « Quand elle est entrée dans le restaurant où elle m’avait donné rendez-vous, tout le monde lui disait respectueusement bonjour Princesse », raconte le journaliste Egide Nikiza. Burundaise à fond, pudique, elle sait trouver les mots pour dire librement ce qu’elle pense.
Incollable sur l’histoire de la monarchie burundaise, on sent comme une blessure à jamais béante. Elle évoque avec passion l’apprentissage de la gouvernance au palais. « A l’époque royale, les gens apprenaient à gouverner, c’est ce que l’on appelait “Gusasa”, ils allaient à la Cour pour apprendre, ils y restaient pendant un certain temps, c’était une école de gouvernance, cette école n’existe plus. Gusasa veut dire “préparer son lit”, ils allaient à la cour, ils apprenaient et cette espèce d’école de formation de gouvernance n’existe plus. Nous avons perdu des repères. » La Princesse Kamatari dit ne pas regretter l’abolition de la monarchie. « Je ne la regrette pas parce que vivre avec des regrets, c’est une perte de temps extraordinaire. Je préfère me fixer vers le futur que de m’appesantir sur les regrets. » Aujourd’hui, elle est à la tête d’une Fondation qui œuvre pour le développement durable, et l’éradication des plastiques noirs dans la ville de Bamako au Mali. Son plus grand malheur serait « de ne pas retourner au Burundi, pays qu’elle n’a plus revu depuis Noël 2010. »
Petite devinette : une Princesse burundaise, naturalisée française, elle vote à droite ou à gauche ? La question lui a été posée… Réponse demain samedi 19 septembre à partir de 8 heures ( heure de Bujumbura) dans votre rubrique « Au Coin du Feu ».