Par Keyna Iteriteka
Des informations dont l’accès est réservé à certains médias aux officiels qui refusent de s’exprimer sur des questions concernant leur secteur ou, pire encore, ceux qui nous raccrochent au nez, la quête de l’information auprès de certaines institutions devient jour après jour, un vrai parcours de combattant.
Alors que le gouvernement nous appelle à “bien exercer notre métier dans le strict respect de l’éthique et la déontologie, et surtout en veillant à l’équilibre de l’information”, il est tout de même paradoxal de se voir malmené par les ’’détenteurs’’ de l’information.
Cela s’appelle ’’rétention de l’information’’, et c’est contre le droit inaliénable à l’information garanti à tous les citoyens par les différents textes et conventions internationaux et par la Constitution du Burundi. Un citoyen bien informé sur les questions de l’heure et tous ses droits et devoirs est un citoyen responsable. Cela s’applique également aux responsable administratifs. Fini le temps des moutons de Panurge, les citoyens deviennent de plus en plus exigeants, il en va de la redevabilité, ’’accountability’’ pour reprendre un mot à la mode.
Lors de la récente visite du ministre en charge de la Communication et des Médias au groupe de presse Iwacu, Mme Marie-Chantal Nijimbere, a beaucoup insisté sur trois mots: le professionnalisme dans l’exercice du métier, l’équilibre de l’information et surtout le respect de l’éthique et de la déontologie du métier.
Et pourtant, tellement de collègues se voient raccrochés au nez, d’autres sont se voient intimer l’ordre de quitter les lieux ou la commune sous la menace, sans parler des autorités administratives qui exigent, avant de répondre, une lettre officielle du gouverneur, voire du ministre ou le feu vert de son porte-parole etc., C’est le lot quotidien du journaliste en quête de l’information.
Tenez, il y a quelques jours, je contacte la personne chargée de la communication d’un ministère dont je vous épargne le nom. J’ai besoin de quelques éclaircissements pour finaliser un article.
Elle me fait savoir que je devrais attendre qu’elle arrive d’abord au bureau. Après des heures d’attente, je décide de rappeler . La dame en question me dit que tous les ordinateurs du ministère sont éteints. Avec tellement de mauvaise foi, elle évoque « une panne d’électricité. » Bref, ce n’est pas de sa faute. “
Elle laisse entendre que je ne pourrais pas avoir les informations que je veux. Qu’il me faut attendre que le courant soit rétabli. Et il faut prier pour que “les fichiers ne soient pas endommagés ou perdus”. Je croise les doigts.
Avons-nous encore droit à l’information ? Les communicants seraient-ils conscients de leur rôle pour ne pas dire de leur devoir ? Cet « équilibre » que l’on nous exhorte de respecter , est-il vraiment possible dans ces conditions? Trois semaines après, en attendant le rétablissement de “l’électricité” dans les bureaux du ministère en question, je m’interroge . Qu’est-ce qui est en panne: le courant ou la circulation de l’information?
JerryCan se frotte les mains … enfin un sujet avec de la chair bien faisandée accrochée au os. Et la puanteur en garantit la valeur sur l’échelle des sarcasmes : 12/10.
@ Bavugirije : mais, cher correspondant, le problème n’est pas dans la législation défectueuse. Il est plutôt dans une mauvaise conscience – justifiée ou non – qui fait craindre des représailles de la part de la hiérarchie, si l’information parvienait jamais dans le public. On se cache, on se protège, on dissimule, et cette belle méfiance nourrit en retour la méfiance du public vis-à-vis des agissements de l’administration.
Vouloir gouverner un pays dans ces conditions, c’est un beau défi. Mais le CNDD-FDD a déjà gagné bien d’autres batailles … n’est-ce pas ? Cela ne fait somme toute qu’une « victoire » de plus à préserver.
Et puis, honnêtement, travailler pour IWACU, c’est partir avec un sérieux handicap. Réfléchissez-y.
Cher Iteriteka,
Merci pour votre article qui illustre parfaitement les difficultés auxquelles vous faites face pour recueillir l’Information. Pour résoudre ce problème, vous devez changer de stratégie. Concertez-vous entre journalistes. Faites signer des pétitions. Mobilisez-vous pour qu’un groupe de députés ou le ministre de l’information travaille et soumette à l’assemblée nationale un projet de loi sur l’accès des journalistes à l’information. Des modèles d’une telle loi dans des pays plus avancés que le nôtre sur le plan démocratique sont disponibles sur internet.
On peut comprendre que les détenteurs de l’information ou porte-paroles hésitent à la donner aux journalistes de peur que celle-ci ne se retourne contre eux et leur fasse perdre leur poste. Même sous couvert d’anonymat, il n’y a aucune garantie que l’informateur sera à l’abri des représailles. Nous voilà donc dans une ambiance de méfiance et de blocage, les uns ayant le privilège d’avoir l’information sans avoir le droit de la donner; les autres – c’est à dire nous le peuple – ayant la soif de l’information et l’hypothétique droit d’y avoir accès.