Vendredi 22 novembre 2024

Les billets d'Antoine Kaburahe

Billet – Les orfèvres

30/03/2024 6
Billet – Les orfèvres
Les casquettes face aux casques

Par Antoine Kaburahe

Dans mon pays, le Burundi, les Sénégalais sont connus pour leur travail sur l’or. Dans leurs échoppes qui font office d’atelier dans les quartiers populaires, ils travaillent la matière brute. Patiemment, méticuleusement, ils taillent, polissent l’or pour sortir le bijou : une bague de mariage, un pendentif, un bracelet. C’est toujours un chef d’œuvre, unique. Inimitable. Que l’on portera pour la vie. Les Sénégalais savent faire un travail de fond. C’est comme leurs boubous brodés. Là encore, la minutie est à l’œuvre.

La victoire du parti politique dénommé Patriotes Africains du Sénégal pour le Travail, l’Ethique et la Fraternité, PASTEF-LES PATRIOTES en abrégé, me fait penser aux orfèvres sénégalais que j’ai connus au Burundi. C’est le résultat d’un travail de fond. De patience.

Parfait inconnu, le PASTEF a été créé en janvier 2014, fait face à un mastodonte. Une coalition lancée par le Président Macky Sall, au pouvoir, qui organise les élections. En Afrique, comme disait quelqu’un, il est connu que l’on n’organise pas « une élection pour la perdre ». Macky Sall ne veut pas déroger au principe. D’abord, il tente honteusement de forcer sa candidature, mais les Sénégalais résistent. Au prix du sang. Les casquettes des jeunes du PASTEF font front contre les casques de la police. Les lacrymogènes fument, les larmes coulent, mais la force brute ne peut rien face au travail des orfèvres.
Finalement, contraint, le Président propulse Amadou Ba, un économiste du sérail de 63 ans, jusque-là Premier ministre. Un candidat qui coche toutes les cases du « système ». Tout oppose Amadou Ba le candidat de la coalition présidentielle Benno Bokk Yakaar (« Unis par l’espoir » en wolof), et le jeune candidat du PASTEF, Bassirou Diomaye Faye, 43 ans, le lieutenant d’Ousmane Sonko dont la candidature a été rejetée par le Conseil constitutionnel.

La suite, on la connaît. Il n’est pas nécessaire de revenir sur la défaite du statu quo et la victoire de l’espoir.
Je suis heureux que dans l’acronyme du PASTEF, il y a « patriotes africains ». Comme s’ils ont voulu nous dire que ce qu’ils ont fait au Sénégal est possible ailleurs en Afrique. Si des patriotes se mobilisent. Cette victoire est celle de tous les patriotes africains. Salut les orfèvres.

Diplômé de l’ ESJ (Ecole Supérieure de Journalisme) de Paris et Lille, Antoine Kaburahe a fondé le Groupe de Presse Iwacu. Il est aussi écrivain et éditeur www.iwacu.site.

En 2015, accusé d’être impliqué dans le coup d’Etat au Burundi, comme de nombreux responsables de médias, il est contraint à l’exil. Analyste reconnu, défenseur de la liberté de la presse (membre de Reporters Sans Frontières) ; il poursuit une carrière internationale .

Contact: [email protected]

Forum des lecteurs d'Iwacu

6 réactions
  1. hakizimana jean capistran

    J’ai tendance A penser que plusieurs pays africains votent comme l’on vient de le voir au Senegal. La seul difference reside peut-etre au niveau du comptage des voix. Nous felicitons le president elu qui quite la prison vers le palais et je ne souhaiterais pas que macky sall quite le palais vers la prison car malgre les maladresses qui ont caracterise son pouvoir surtout sur le plan politique, son bilan n’est pas non plus nul surtout sur le plan economique. D’ailleurs, devant l’impasse politique , yarateshejwe hama aremera arata pour l’interet superieur de la nation.

  2. Kabudesiya

    Merci Antoine
    Vos billets eux-mêmes valent leur pesant d’or.
    Sauf dans de rares cas, l’exemple des jeunes du PASTEF ne peut malheureusement être reproduit dans la très grande majorité des pays africans. Le Burundi est un cas d’école où le passé ne passe pas à tel point qu’il est impossible de voir le présent et encore moins d’envisager l’avenir.

  3. Gerard Nzohabona

    Merci cher Tony. Comme à ton habitude, tu as su toucher la où il fallait : « Tout arrive à point à qui sait attendre ». La patience finit toujours par payer, à condition de rester soi-même, du moment que l’on sait que ce que l’on fait est juste et bon. C’est ce qui vient de se passer au Sénégal. Je me rappelle avoir décrit ici même dans Iwacu, dans mes deux pécédents articles/analyses, comme Macky Sall était en train de creuser sa propre tombe en essayant de museler Sonko et compagnie et en tentant de changer la donne avec ses maladroites tentatives de se maintenir indûment au pouvoir. A bon entendeur, salut !

  4. Milk

    merci Antoine
    l’exemple sur les orfèvres sénégalais au Burundi c’est aussi l’exemple des maliens aux sénégal avec leur savoir faire pour teindre les tissus.
    c’est exemple , on peut en tirer deux lecons, d’abord la patience, rien de durable ne peut se faire dans la précipitation . ensuite, il faut l’Afrique croit à l’Afrique et l’africain croit à l’africain

  5. Ndayisaba J.

    Bravo au Sénégalais. Vous êtes un orfèvre de l’écriture aussi…
    Merci

  6. Ririkumutima

    Merçi Kaburahe et Bravo pour l’Editorial
    Petite correction, nos Sénégalais orfèvres de Bwiza sont en fait maliens.
    Cela n’ôte aucun iota à votre éditorial d’orfèbre.
    Souhaitons que d’autres Pays africains suivent l’exemple des Sénégalais.
    Vive le Sénégal.
    Bonne fête de Pâques à toute l’Afrique
    Ma réponse

    C’est vrai, vous avez raison, il y a des Maliens parmi eux
    AK

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