Il y a eux et les autres… Eux détiennent la vérité. Ils sont sans tache et sans reproche. Et les activistes de la société civile et autres journalistes ? Eux sont des « vendus ». Ils émargent sur « la payroll de l’IDC » (l’International Démocrate Chrétien). Il paraît qu’ils ont été identifiés. C’est facile, disent les nouveaux chasseurs de traîtres . “ Follow the money. Connect the dots. ”
Pas de quartier donc pour ces « génocidaires » et « négationnistes ». Pour certains, dont moi et quelques autres, l’affaire est déjà entendue. Pliée. Rien à dire ou redire.
Mais depuis peu, une nouvelle figure a été ajoutée à ces « traîtres » : Pacifique Nininahazwe. Une voix engagée et respectée de la société civile burundaise. Je sais que je vais payer cher ce que je dis. Sûrement que j’aurai droit à un space. Un autre de plus. Ils vont se déchaîner, je sais.Mais je ne peux pas rester silencieux face à l’hallali.
Je ne suis pas le porte-parole de Pacifique. D’ailleurs, en neuf ans, alors que nous partageons le pays d’exil, je ne l’ai rencontré qu’une seule fois. Il est prudent, Pacifique. Et il a raison. Aujourd’hui, plus que jamais.
J’admire l’engagement et le courage de cet homme. Pacifique a déjà été mangé à toutes les sauces. Par le passé, il a été accusé d’être au service des « Bazungu » et d’avoir envoyé les jeunes manifester contre le 3ᵉ mandat en 2015. Il y a quelques jours, lors d’un space, on apprend qu’il est au service des « négationnistes et génocidaires », dont il fait « la promotion ! » Après avoir servi les « colons » et l’IDC, il serait donc aujourd’hui au service du régime burundais. Plus c’est gros, plus ça passe. Une stratégie rodée. Vieille comme le monde.
Au fait, quel est le « crime » de Pacifique Nininahazwe et du FOCODE, le Forum pour la Conscience et le Développement, une organisation de la société civile ? C’est d’avoir invité Agathon Rwasa dans un débat politique. Pour eux, cela ne se fait pas. Rwasa est accusé de crimes contre l’humanité. Pourtant, au-delà du cas Rwasa, il me semble qu’il n’est pas toujours facile de trouver des hommes politiques “propres” dans notre pays…
Au Burundi (ou ailleurs), dans les situations de crise, les conflits armés, les organisations de la société civile jouent souvent un rôle de médiateurs pour faciliter le dialogue entre les parties prenantes, pour encourager les solutions pacifiques. Elles sont dans leur rôle, difficile d’ailleurs. À mon humble avis, cela ne fait pas de Pacifique ou du FOCODE des « promoteurs » des génocidaires.
Faire des « spaces » des lieux d’édification mutuelle
Encouragés par l’anonymat, les « spaces » burundais sur X sont en train de devenir des arènes de règlement de comptes. À part un ou deux, les animateurs principaux de ces espaces restent courageusement derrière des pseudonymes. Cependant, bien gérés, je pense que ces espaces pourraient se transformer en forums d’édification mutuelle.
Les Burundais ont besoin de dialogue constructif et de dépasser cette culture de la suspicion et des théories du « complot ».
Récemment, une rencontre des Burundais de la diaspora à Liège, en Belgique, a suscité de nombreux commentaires et accusations sur ces plateformes. Bien que je n’y aie pas assisté, je ne vois rien de négatif à ce que des compatriotes se rencontrent pour discuter de la situation de notre pays. Chacun, qu’il soit à titre personnel ou associatif, peut apporter sa pierre à l’édifice dans cette quête de justice, de liberté et de paix pour le Burundi.
Que dire au FOCODE et à Pacifique ? De rester debout, serein, positif et déterminé. « Ihotora ihirwa », dit la sagesse ancestrale.
Diplômé de l’ ESJ (Ecole Supérieure de Journalisme) de Paris et Lille, Antoine Kaburahe a fondé le Groupe de Presse Iwacu. Il est aussi écrivain et éditeur https://iwacu.online
En 2015, faussement accusé d’être impliqué dans le coup d’Etat au Burundi, comme de nombreux responsables de médias, il est contraint à l’exil.
Analyste reconnu, défenseur de la liberté de la presse (membre de Reporters Sans Frontières) ; il poursuit une carrière internationale.
Contact: [email protected]
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