Jeudi 21 novembre 2024

Les billets d'Antoine Kaburahe

BILLET – “Je filmais ma nourriture”

25/05/2024 17
BILLET – “Je filmais ma nourriture”

Dans les discours de nos autorités, notre pays est paré de toutes les beautés et de toutes les vertus, jusqu’à être comparé au jardin d’Éden biblique. Les autorités parlent d’un pays « sûr » pour attirer les touristes et les investisseurs. Sauf que la réalité est tout autre. À l’ère des réseaux sociaux, un mauvais traitement d’un simple touriste a une répercussion planétaire.

L’histoire d’Yves Kino est emblématique. Ce touriste d’origine française parcourt le monde à vélo. Il partage ensuite ses impressions sur les réseaux sociaux où il est suivi par des centaines de milliers de personnes. De passage au Burundi, précisément à Muyinga, il a été sommé par un policier de ne pas prendre de photos. J’ai retrouvé Yves Kino, et voici ce qu’il m’a raconté : « J’ai été surpris de l’apparition inopinée du policier alors que je filmais de la nourriture, un sujet qui ne me semble pas très sensible politiquement… Il ne m’a donné aucune explication, il s’est juste montré agressif pour me faire arrêter de filmer.” Oui, vous avez bien lu. Il ne filmait  pas un site sensible, mais son repas !

Le touriste a été très choqué par l’ordre de la police : “Cet incident a grandement affecté mon impression générale du Burundi car après cela, je suis toujours resté sur mes gardes vis-à-vis de la police, ne sachant pas ce qui est autorisé ou interdit dans le pays.” Je vois certains penser, bof, c’est juste un touriste, ce n’est pas grave ! Non, c’est grave, car les commentaires des touristes comme Yves Kino, qui ont leurs propres chaînes YouTube, comptent énormément.

Et son avis sur le Burundi est sans appel : “Si d’autres touristes me demandent mon avis sur le Burundi, je mentionnerai toujours que c’est un pays où il faut faire attention à la police, ne pas prendre de photos n’importe où, car l’application de la loi semble aléatoire et obscure.” La menace de la police l’a poussé à annuler sa visite de Bujumbura. “Je ne voyais plus l’intérêt d’aller visiter et filmer Bujumbura si c’était pour risquer d’avoir des problèmes avec la police ; un incident de ce type ne met vraiment pas en confiance.”

Le voyageur pense que cet incident va forcément dissuader d’autres touristes de visiter le Burundi. « Un touriste normal veut juste dépenser son argent tranquillement et prendre des photos librement, sans risquer d’avoir des problèmes avec la police pour une chose aussi triviale que filmer sa nourriture.”

Le tourisme peut générer des ressources importantes pour les pays. Les estimations des recettes générées par le tourisme au Burundi sont généralement assez modestes comparées à celles d’autres pays de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC). Ainsi, le tourisme joue un rôle majeur dans l’économie kenyane et peut être considéré comme la deuxième ou troisième source de revenus en devises étrangères, avec des chiffres tournant autour de 1,55 milliard de dollars par an. Le Rwanda a généré 445 millions de dollars en 2022. En revanche, les recettes générées par le tourisme au Burundi sont souvent estimées entre 20 et 40 millions de dollars par an.

Je sais qu’en dénonçant cette attitude de la police je vais me faire insulter par certains. Mais je maintiens que si notre “Éden” veut vraiment être une destination attractive, les autorités, notamment la police, doivent revoir leur façon de traiter les visiteurs. La conclusion d’Yves Kino est un message qui devrait être relayé : “Les touristes veulent le moins de risque possible. Donc un pays où l’on ne peut pas vraiment faire confiance aux policiers est assez vite rayé de leur liste.” Heureusement, malgré ses déboires avec la police, Yves Kino est parti avec une belle image des gens : “Les habitants sont très accueillants au Burundi.” C’est la seule consolation.

Diplômé de l’ ESJ (Ecole Supérieure de Journalisme) de Paris et Lille, Antoine Kaburahe a fondé le Groupe de Presse Iwacu. Il est aussi écrivain et éditeur www.iwacu.site.

En 2015, faussement accusé d’être impliqué dans le coup d’Etat au Burundi, comme de nombreux responsables de médias, il est contraint à l’exil. Analyste reconnu, défenseur de la liberté de la presse (membre de Reporters Sans Frontières) ; il poursuit une carrière internationale .

Contact: [email protected]

Forum des lecteurs d'Iwacu

17 réactions
  1. Jean Pierre Hakizimana

    Bonjour Mme astérie Gahuna

    Je vous confirme qu’un Africain peut faire ce que ce cyclist fait aussi longtemps qu’il soit en règle (passport & visa) et a des moyens(financiers), prendre toutes les photos sauf des endroits importants(ex: la pentagone, USA, etc…).

    Moi et des copains l’avons fait en voiture de Detroit, MI & San Diego, en voiture (29 jours inoubliables de nos vies). Certainement que l’on pouvait faire un mauvais tournant et tomber sur des gens pas bien comme dans l’exemple dont vous donnez, mais cela n’a rien à faire avec la loi locale. D’ailleurs, Le peu de fois que nous avons eu à faire aux policiers, ils étaient tous impressionnés quand on leur disait nos origines! Surtout content de nous voir venir dépenser dans leurs economies. Certains voulaient même nous inviter pour un verre!

  2. jereve

    Soyons sérieux et apprenons à vivre avec notre temps. Il y a eu une période, qui n’est même pas lointaine, Il n’y avait que très peu d’appareils photos spécialement pour les photographes professionnels et les touristes. A cette époque prendre des photos était une activité extrêmement contrôlée par l’autorité locale, on ne se risquait pas de le faire sans autorisation préalable.
    Aujourd’hui, nous avons à foison les appareils et cameras photos, les smartphones et les réseaux sociaux. N’importe qui, burundais comme étranger, peut prendre des photos à volonté et les envoyer sans état d’âme n’importe où ou à n’importe qui. C’est ainsi que les images les plus diverses nous parviennent, d’un pont qui menace de s’écrouler, des routes qui n’en ont plus que le nom, des bâtiments au bord de l’effondrement, des policiers ivres, des interminables queues aux stations et arrêt bus, des fêtes fastueuses, des inaugurations, des bikoranes….. bref tout.
    La police est-elle capable de contrôler tout cela? Non! Elle devrait plutôt s’intéresser aux montages et aux fake news qui, eux, sont destinés à nuire.
    Il faut apprendre à nous défaire des réflexes du passé.

  3. Augu

    Je pense que le policier en question et toutes les personnes qui font partis des forces de l’ordre on en assez des youtubeur qui viennent faire du tourisme juste parce que ça fait du bon contenu sur leur plateforme mais ne s’implique en rien face au vrai problème économique burundais. Go showcase the real beauty from this country, non toi qui se balade en bicyclette en te pavanant comme un colonialiste en saluant les gens autour de toi, tu n’est pas un monarque ayant une invitation solennelle du président a ce que je sache, c’est odieux. Oui on est accueillant mais plus jamais on ne se fera exploiter. Il y a des lois dans d’autres pays, tu n’a pas le droit de filmer dans les supermarchés, ni dans les centres commercial, c’est privé, c’est la même chose.

    • Stan Siyomana

      @Augu
      Est-ce que au Burundi il y aurait des lois quelconques ou des pancartes qui disent que « tu n’a pas le droit de filmer dans les supermarchés, ni dans les centres commercial, c’est privé… »?

  4. Abdul saleh

    VISIT RWANDA,montagnes des gorilles,parc Akagera,forêt Nyungwe etc……..
    la ville Kigali,les rues sont généralement à deux voies,les trottoirs sont impeccables,pas de papier gras,pas un chewing-gum collé au sol capitale du Rwanda rendez-vous mondial et sommets internationaux

  5. Gacece

    Sa vidéo dans Youtube soulève des doutes :
    – il s’adresse en français à la dame qui l’accueille dans son bar et elle lui répond : « I speak english. » Tout le monde sait qu’avant d’apprendre l’anglais au Burundi, on commence par le français.
    – Les routes Kobero – Muyinga et Muyinga Gitega sont goudronnées. Pourquoi montre-il des routes carrément boueuses?

    Des clarifications sont nécessaires! Les natifs de Muyinga ou ceux qui y sont pourraient corroborer le contenu de cette vidéo et ses prétentions.

  6. Hifi

    Dans un pays avec 80% d analphabètes, un gouvernement qui n a aucune vision du monde, ne respecte pas l état de droit, il n y a rien à dire.
    Quand vous montrez aux étrangers ce que vivent maintenant les burundais et ne comprennent pas comment un pays peut il vivre dans de telles conditions
    C est ahurissant de voir un si beau pays et ses habitants traités comme des chiens. Ou le pouvoir ne respecte plus la dignité humaine
    Seule la terreur explique le manque de réactivité du peuple
    Pour contrer cette attitude, plainte devrait être déposée auprès de la Cours Pénale internationale, pour non respect des droits et de la dignité de l homme

  7. Roger nsunzu

    je cite: « …car l’application de la loi semble aléatoire et obscure »
    ça résume tellement la situation, ceux qui y vivent comme moi comprennent, so so sad.

    Merci Iwacu

  8. Gabriella.

    Hummm! Encore le Burundi !
    personnellement avec mon expérience personnelle d’un enfant qu’il est né dans cet pays et grandi à l’étranger, je dirai qu’il avait eu la chance de n est pas se ramasser en prison. j’ai visité cet pays 2 fois de ma vie, et le deux fois,j’avais été arrêter, emprisonner, et traiter comme une criminelle sans raisons ni preuves valables. pourtant,c’était les même policiers qui travaillent pour la protection du pays. La question de savoir( pourquoi) ils peuvent faire ça à un individu avec ou sans raison, la réponse à ça =priso et silence.Seul le pouvoir du plus fort règne dans cet petit pays. Est-ce qu’ après cet accident j’aurai le courage d’aller investir ou encore visité cet pays librement sans avoir peur de ma bouche ou mes mouvements,je pense que ma réponse serait NON à 1000%. si non, pour les autres, courage à vous et faites attention quand vous visitez Burundi. Courage à toi frère. Le Respect entre policiers et individus n’existe pas au Burundi, malheureusement.

  9. Gabriella.

    Hummm! Encore le Burundi !
    personnellement avec mon expérience personnelle d’un enfant qu’il est né dans cet pays et grandi à l’étranger, je dirai qu’il avait eu la chance de n est pas se ramasser en prison. j’ai visité cet pays 2 fois de ma vie, et le deux fois,j’avais été arrêter, emprisonner, et traiter comme une criminelle sans raisons ni preuves valables. pourtant,c’était les même policiers qui travaillent pour la protection du pays. La question de savoir( pourquoi) ils peuvent faire ça à un individu avec ou sans raison, la réponse à ça =priso et silence.Seul le pouvoir du plus fort règne dans cet petit pays. Est-ce qu’ après cet accident j’aurai le courage d’aller investir ou encore visité cet pays librement sans avoir peur de ma bouche ou mes mouvements,je pense que ma réponse serait NON à 1000%. si non, pour les autres, courage à vous et faites attention quand vous visitez Burundi. Courage à toi frère.

  10. Ngaruko Jean-Népomusene

    Expliquez moi pourquoi un touriste visiterait un pays qui n’a pas de routes ou autres infrastructures publiques?Il ne faut quand même pas rêver.Monsieur Kino était peut être égaré au Burundi ou alors il exerce des fonctions douteuses?Le Rwanda a construit ses routes et villes,les a nettoyé à grande eau pour attirer les touristes.Ce n’est pas le cas du Burundi jusqu’à preuve du contraire.

  11. Pce

    Un jour j’étais entrain de rouler sur une autoroute néerlandaise et je me suis fait arrêter par un policier néerlandais pour un contrôle de routine . J’étais nerveux et il m’a demandé pourquoi. C’est normal lui ai je dit , chez nous nous avons peur des policiers ai je ajouté. Il m’a voulu savoir mon pays d’origine . Ah , “ ik weet waarom, ik heb veel Afrikanen gecontroleerd, ze zijn allemaal bang voor politieagenten “ ( je sais pourquoi, j’ai contrôlé beaucoup d’africains, ils ont tous peur des policiers” ) . Nous avons alors engagé une longue conversation en néerlandais. C’est parce que un policier dans des pays comme les Pays Bas , est un ami et il vous traite avec respect et dans le respect de la loi. Ce n’est pas le cas au Burundi. Hélas.

    • Gugusse

      Visitez les USA alors, où conduire en état de négritude (driving while black) est un délit pire que conduire en état d’ivresse (driving while intoxicated). Le bon réflexe chez l’oncle Sam, pour un noir qui fait face à un flic, c’est celui d’avoir la trouille. Ne vous laissez donc pas ramollir par le contexte Néerlandais. Dans 90% des pays de la planète, le policier est entrainé à réprimer (même dans certains pays européens comme la France). Le délit de sale gueule existe, y compris en Belgique où vit l’auteur de ce billet. Si un policier Burundais juge qu’un blanc mérite une petite remontrance ou réprimande, c’est juste un petit renvoi d’ascenseur.

      • KAA

        You stated that  » Driving while black is worse than Driving while intoxicated » in USA. I have to disagree with your grotesque comparison between DWB & DUI and, sweeping and misleading characterization of Law Enforcement in US. So long us your vehicle is in order and you follow the traffic stop safety protocols, most importantly « keeping both your hands on top of the steering wheel » and follow the commands, in most cases you would be safe and treated respectfully. Yes, there are bad cops that would deviate from their oaths but more than often, most tragic encounters are results from drivers not complying.
        I’ve lived in different cities in US for almost 30 years and yes, I’ve been pulled over countless times but always treated with dignity.

        • Gugusse

          Good for you!!

      • B

        Encore une fois d’accord avec toi. Notre ami devrait se renseigner sur le nombre de morts par an lors d’interventions policières en France, par ex.: 52 en 2021, 39 en 2022

        • astérie Gahuna (umukecuru)

          je me permets de répondre à Monsieur KABURAHE Antoine que je connais depuis que sa maman le portait dans les bras.
          UNE SEULE QUESTION Monsieur:
          « Croyez-vous vraiment qu’un homme NOIR se permettrait de faire le tour des pays européens en vélo et surtout prendre des photos à sa guise et filmer tout ce qui bouge? »

          Ce policier Burundais n’a fait que son travail et il mériterait un BRAVO.
          Si vous avez vu la même vidéo que tout le monde; ce policier n’a ni menacé ni frappé cet homme blanc. il a simplement posé une question.

          une anecdote: il y a quelques années, trois hommes français NOIRS prenaient un verre à une terrasse à Bruges (Flandre occidentale) en Belgique. Parce qu’ils riaient bruyamment des jeunes flamingants sont arrivés en nombre, les ont tabassés jusqu’à fracasser le crâne d’un de ces NOIRS qui en mourra peu après.

          QUID????
          Ma réponse
          Je ne partage pas votre opinion mais je la respecte. Le policier a évoqué  » la loi » pour interdire au touriste de filmer son assiette. Or, aucune loi, à ma connaissance, n’interdit à une personne de filmer son repas.
          Le reste,chacun peut se faire une opinion.
          Merci

          AK

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