J’ai eu la chance d’approcher la frontière du Burundi. A moins d’un kilomètre. De la frontière, je voyais dans les champs des femmes fortes remuer la terre de mon pays. Je devinais leurs rires baignés de sueur. Un bébé groggy par le soleil tressautait sur le dos d’une de ces braves.
Je voyais dans une vallée la fumée s’élever des mauvaises herbes brûlées s’élancer dans le ciel dégagé.
A quelques mètres de la frontière qui m’est interdite, une gargote.
Une gargote comme celle où l’on s’arrêtait au cours de nos reportages dans le Burundi profond.
Une gargote. Un petit bâtiment qui ne paie pas de mine : quatre murs et un toit. Les tôles, naguère ondulées, se sont aplaties, rongées par le temps et la rouille.
Un long banc en bois à côté d’une porte qui tient à peine.
Une chèvre accrochée, la tête en bas, la langue pendante comme si elle se moquait de moi . Un boucher coiffé d’une casquette décolorée découpe méticuleusement la chair rose du ruminant et enfile les morceaux sur une longue tige de bambou pointue.
Hallucinations ? Peut-être… Car il me semblait sentir l’odeur de la chair qui se tortillait sur le braséro rougeoyant. Je voyais mon pays. Mon peuple vivre.
Il m’a fallu toute la force pour ne pas courir vers mon Burundi, à quelques centaines de mètres .
Juste un saut, un petit saut et je suis Iwacu, chez nous.
Oh ! Me retrouver dans mon pays, le temps de prendre un peu de sa terre dans mes mains, la presser, la sentir, la renifler, voire, en manger . Un peu comme ces femmes enceintes qui ont des envies bizarres…
J’ai voulu m’élancer vers ma terre.
Puis, L’Ange-Gardien m’a soufflé, m’a rappelé, m’a sauvé : « mandat d’arrêt ».
Recule. Va. Vis.Survis.
Je suis parti à reculons, les yeux fermés pour ne pas courir vers Iwacu, chez moi.
Antoine,ne vous découragez pas.L’année prochaine vous pourrez rentrer ici au Burundi tranquillement.Tous les burundais pourront le faire par ailleurs.Je suis un voyant et vous confirme que tous les obstacles seront levés.Les hutus,tutsis et twa pourront enfin vivre ensemble comme des frères.Toute personne qui s’y opposera sera jeté à la poubelle de l’histoire.Antoine,préparez-vous à enfin savourer votre vie auprès de votre famille dans votre pays.Signé,le voyant qui ne se trompe jamais.
Seuls les gens ayant vécu à l’étranger peuvent le sentir. Un jour viendra où tu vas renter tête haute dans ton pays. Dommage que ce pays semble tourne la tête et oublie ses fils et filles l’ayant quitté car y est poursuivi pour des crimes fantaisistes.
On a besoin d’un Buyoya qui nous parle de réconciliation.
@Tharcisse
1. Vous ecrivez:« On a besoin d’un Buyoya qui nous parle de réconciliation… »
2. Mon commentaire
S’il ne s’agit que de parler de reconciliation, meme nos dirigeants politiques et religieux actuels en parlent a longueur de la journee.
Au Burundi, tous nos dirigeants ont toujours voulu convaincre le peuple que tout allait bien dans le pays. Il y en a qui vous diront que sous notre regime monarchique traditionnel, TOUT LE MONDE VIVAIT EN HARMONIE alors que nous avions un systeme feodal qui avait sa maniere d’exploiter une grande partie de la population.
Et c’est pourquoi le chanteur rwandais Simon Bikindi (1954-2018) a fait sa chanson « Twasezereye ingoma ya cyami » (= nous avons dit adieu au regime monarchique).
« Twasezereye ingoma ya cyami, ingoyi mbi ya gihake na gikoronize birajyana. Tubona demukarasi itwizihiye…Ibuka ikiboko, wibuke shiku, wibuke imisi wamaraga ukorera umutware ntanaguhembe…Ibuka imitaga wirigagwa ugenda. Amajoro menshi urara rubunda. Utuye i butware cyangwa se i bwami. Ukabikoma abawe babikeneye, kandi aho ubijyanye ukabigezayo byaragushenguye ntibanagushimire… »
Source: https://genocidearchiverwanda.org Twasezereye ingoma ya cyami.
@stan, svp, Bikini ne devrait pas etre une reference. souvenez vous qu il a ete condamne pour crime de genocide et crime contre lhumanite. Priere ne pas partager son ideologie
Je me rappelle il y a longtemps de certains jeunes partis faire la guerre en 1990 contre l’oppression et la discrimination au Rwanda. Nés en exil et n’ayant aucune mémoire de leur pays, ils goûtaient littéralement la terre de leur patrie dès la frontière franchie, mitraillette à la main. Ne perdez pas espoir Antoine, mais vous avez raison d’être frustré car être incapable de rentrer dans son pays est la pire des situations, surtout quand on est propre. Salutations.
Cher Antoine, votre consoeur Floriane Irangabiye a repondu a l’appel de la nostalgie pour la mere patrie est s’est retrouvee condamnee a 10 ans de prison dans les prisons nauseabondes DD pour un selfie avec Kagame. Entre le coeur et la raison, tu as choisi la raison et tu as bien, nous avons tant besoin de vous.
merci cher Iwacu de ne pas avoir publie mon commentaire. Je voulais moi meme le supprimer. Quelques fois la censure peut se reveler positive. merci!
Un texte très émouvant. Je suis sûr que tôt ou tard, tu seras sur le sol de nos ancêtres. Sois fort et restez toujours debout. La vérité triomphera.
Cher Antoine ton histoire me rappelle la mienne d,il y a 40 ans de cela. En route pour Bujumbura, juillet 84 on a fait avec la Sabena, 1h30 ,escale a l,aeroport de Kigali. Ma tante( genocidee avec sa famille en 1994) habitait a 400 metres de l,aeroport. Je sentais sa presence,je sentais son accueil, je sentais son arome, mais je pouvais pas faire un saut et l,embrasser. Cela m etait interdit sous peine de mort ou tout au moins de privation de liberte. Et je n,avais commis aucun crime car j,avais quitte le pays a 11ans. C,est triste que cela te soit arrive. Nos dirigeants et nous meme n,apprenons rien de notre histoire.J,espere qu,un jour tu retrouveras les saveurs de ta patrie
Cher Kaburahe,
A l’impossible nul n’est tenu et je me rappelle un peu de quelques mots qu’on prête tantot à un empereur romain tantot à Marc Aurèle et meme d’autres » Acceptez ce que vous ne pouvez changer et changez ce que vous ne pouvez pas accepter » . Mais je sens parfaitement votre douleur intérieure. On a toujours la nostalgie de son pays quelque soit sa situation
J’ai lu, je relis le texte.
Dans la peau de Kaburahe, je ressens ce manque, ce vide, cette boule dans la gorge qui pousse une petite larme à mouiller l’œil.
Regarder chez soi sans pour autant oser entrer, ni même appeler pour dire un « Mwaramutse aba hano ».
Courage Tony 🤜🤛