Par Antoine Kaburahe
« A qui demander des comptes » ? La question lâchée par le père de Jean Bigirimana, notre confrère kidnappé et introuvable depuis cinq ans, semble anodine. Et pourtant, elle résume mieux que tous les discours politiques la profonde désaffection d’un citoyen envers ceux qui devaient le protéger.
Quand les citoyens élisent leurs dirigeants, ceux-ci deviennent de facto comptables du bien le plus précieux de leurs électeurs : leurs vies. J’ai toujours été admiratif des moyens que dans certains pays les autorités mettent pour retrouver des alpinistes égarés dans la montagne, un vieux introuvable, un écolier qui n’est pas rentré de son école… On me dira que dans ces pays ils ont les moyens ! Oui, certainement qu’il faut des moyens pour lancer des recherches coûteuses. Mais d’abord, à la base, les autorités savent qu’ils sont comptables de la vie de leurs citoyens. C’est ce qui fait défaut chez nous. Au Burundi, nous déplorons cette absence totale d’empathie envers ceux qui ont donné leurs voix pour placer des gens au pouvoir. « A qui demander des comptes » ? La question du père de Jean Bigirimana est terrible. Avec cette sagesse populaire des gens de nos collines, résigné, il a compris et intégré que la disparition de son fils est le cadet des soucis de ceux qui, normalement, devaient rendre compte. Une personne arrêtée en plein jour à Bugarama ne se volatilise pas ainsi. Et malheureusement, après Jean Bigirimana, cela continue… Tenez, comme nous sommes dans un pays qui a « placé Dieu en première position », dans la Bible largement citée dans les discours de nos autorités, il est écrit que « le bon berger PREND SOIN de toutes ses brebis. Il fait tout pour retrouver une brebis perdue ». Le 22 juillet 2016, une brebis n’est pas rentrée. A qui demander des comptes s’interroge le père de notre collègue ? Moi je poserais la question autrement : « Les bergers savent-ils qu’ils ont des comptes à rendre ? » Souvent, j’ai un terrible doute…
Le cas Bigirimana est l’une des manifestations de notre terrible faillite.
Des gens connues ont été assassinées en plein jour à Bujumbura.
La justice burundaise n’a jamais voulu enquêter.
La liste longue: Hafsa Moss, les soeurs italiennes, etc…(J ai omis d’autre).
Je crois que le Dieu qu’on place au centre de tout n’est pas celui que nous vénérons.
Bigirimana est parti comme d’autres.
Nous pleurons cette jeunesse fauchée