Il aura fallu l’investiture du président Ndayishimiye pour sonner la révolte. Une année après, les experts en santé publique saluent le pas déjà franchi. Toutefois, ils convergent à dire que des ajustements, notamment en matière de la sensibilisation s’imposent.
En déclarant la pandémie, ennemi « numéro un » des Burundais, le chef d’Etat a compris l’urgence de la situation. Avec en moyenne 20 nouvelles contaminations par jour, 5 082 cas déjà testés positifs et 8 décès liés au coronavirus, recensés dans le pays depuis le début de l’épidémie, si l’on s’en tient aux données épidémiologiques du site internet graphics.reuters.com du 15 juin, le Burundi figure parmi les bons élèves.
Seul apanage des politiques, au fil des jours, la position du gouvernement fléchira. « Plus d’omerta sur le nombre des personnes contaminées. Les chiffres collectés sont ceux publiés », confie un infirmier de l’hôpital militaire de Kamenge. «Une stratégie qui permettra de dédramatiser la maladie », salue K.N, expert en santé publique.
Le plan de riposte national déjà opérationnel, le lancement de la campagne du dépistage massif « Ndakira, sinandura kandi sinanduza abandi : (Je guéris, je ne contracte pas, ni ne contamine les autres, ndlr), le 7 juillet, jette les bases d’une nouvelle lutte contre cette pandémie .La décentralisation étant le point majeur de ce pas franchi. Une semaine après, dans une conférence de presse, Dr Thaddée 0Ndikumana, ministère de tutelle s’empresse de rassurer. « Sur tout le territoire national, sans exception d’aucune province ».Chose promise chose due. Le 17 juillet, en grande pompe, le dépistage à l’intérieur du pays débute. Loin de son habituel statisme, cet expert souligne le dynamisme et l’unité dans l’action qui ont suivi la mise en œuvre de cette politique. « Certes, des défaillances ne manquaient pas, mais, le constat qu’il n’y a plus cette indolence. A tous les échelons, tout le monde se sent concerné».
En froid avec l’OMS, pourtant, principal partenaire, la récente nomination du Pr Bah comme représentant de l’OMS en remplacement de Kazadi Mulombo, insuffle une nouvelle dynamique dans les relations quelque peu tendues avec cette institution. En témoigne, l’aide octroyée par l’OMS et les autres partenaires opérationnels dans le cadre du projet Twiteho Amagara, le 21 juillet. « Un don qui devra couvrir tous les besoins de tous les districts sanitaires ». En tout, 50 concentrateurs d’oxygène, des équipements de protection individuelle pour le personnel(EPI) soignant, des produits ainsi que de consommables de laboratoire dont des réactifs et les écouvillons. « Un point positif », observe cet expert. « En évitant de faire cavalier seul, les autres partenaires ont compris que le gouvernement a plus que envie de collaborer ».Comme conséquence, une avalanche d’aides, d’appuis affluera. Les derniers en date étant l’appui du fond mondial pour une riposte effective. Il s’évalue à 17.841.626 dollars américains.
Par rapport aux plaintes des patients déplorant la mauvaise organisation des dépistages à l’intérieur du pays, Dr Ndikumana tranquillisera. « La population n’aura pas à se déplacer .Ce sont les unités de dépistage qui viendront les prélever dans les hôpitaux proches de leur ménage. Une fois le dépistage terminé, ces échantillons seront envoyés dans les laboratoires habilités pour dépistage ».
Des paroles jointes aux actes. Dans la foulée, en plus de la décentralisation, grâce aux tests rapides, le dépistage rapide devient effectif. Néanmoins, opine le spécialiste, avec la récente mesure de supprimer la quarantaine, le gouvernement se doit d’être vigilant. Allusion faite aux récentes pénuries de tests rapides observées début mai.
Besoin de sensibilisation
Bien que sur terrain, le gouvernement ait fait feu de tout bois pour respecter des mesures barrières, à l’instar de sa décision de réduire le prix du savon, le prix de l’eau …A l’intérieur du pays, l’apparition de cas positifs cède peu à peu à une peur généralisée. Dans certaines provinces, les témoignages concordants font état d’une constante stigmatisation.
A cette stigmatisation s’en suit un harcèlement moral. Comme conséquence, les cas suspects refusent de se faire dépister. Pour ce professionnel de santé, une situation qui doit changer au risque de faire des dommages collatéraux. « Si une telle situation perdure, le risque c’est que même malade, la population ne vaudra pas se faire dépistée ». Avant d’insister : « Le respect des gestes-barrière ne doit pas être le seul apanage de l’Etat. La population doit faire sienne cette lutte ». Un clin d’œil, laisse-t-il entendre aux passagers des bus qui ne veulent pas porter de masques ou se laver les mains.
Quant à la récente décision de supprimer la quarantaine, cet expert émet quelques doutes. « Pour décréter une telle mesure, le gouvernement, au préalable devrait avoir diligenté une étude. De la sorte, éviter tout éventuel désagrément ».
Un hôpital pour chaque commune, coûte que coûte
Avec 116 centres de santé déjà identifiés pour devenir des hôpitaux. Janvier 2021, c’était la date butoir fixée par le ministère de tutelle pour que chaque commune dispose d’un hôpital. Hélas, sur terrain, un tout autre constat. « Un vœu qui ne doit pas rester pieu tant qu’il y a de la volonté », observe le spécialiste. A cet effet, il estime que le gouvernement, surtout, les élus du peuple doivent s’impliquer. « Sinon, à forcer d’attendre, les quatre ans passeront sans pour autant qu’ils s’en rendent comptent ».
Parmi les autres plaintes des patients au cours de cette année qui vient de s’achever : la mutuelle qui a revu à la baisse la liste des médicaments qu’elle rembourse à ses affiliés. Ils sont passés de 1255 à 826.
Pour Sylvain Habanabakize, porte-parole du Cadre d’expression des malades du Burundi (Cemabu), une pilule dure à avaler pour les patients déjà dans le dur. « Si la Mutuelle a pitié de ses affiliés, qu’elle réduise le montant prélevés sur les salaires de ses affiliés. De la sorte, ils pourraient s’approvisionner à 100% dans les pharmacies privées. »
Dans l’optique de vider cette question, cet expert en santé publique conseille : « Sans détours, le projet de loi en matière de subvention des médicaments doit être débattu de nouveau à l’Assemblée nationale. Sinon, les plaintes ne cesseront jamais».