Bujumbura a abrité, pour la première fois, une exposition-vente régionale des œuvres d’une soixantaine d’artistes Est-Africains. Mais seuls quatre Burundais y ont participé. Boycott ou absence d’information ?
Certains participants n’ont pas caché leur surprise et déception lors de cette 8ème édition de la biennale d’art d’Afrique de l’Est, tenue du 22 au 27 février, à l’Institut français du Burundi (IFB).
Organisé par l’association tanzanienne « East Africa art biennale » (Estafab), cet évènement vise la promotion et la visibilité internationale des artistes est-africains, dixit Kiagho Kilonzo, son directeur exécutif.
Dans 64 œuvres exposées, la plupart d’artistes tanzaniens, seules 7 appartiennent à des artistes du collectif « Maoni » : Christian Bujiriri, Patrick Kaluta, Zuwaina Salim et Arish Sharma.
Evénement artistique boudé par les artistes burundais ou n’ont-ils pas été informés? »
Interrogés, certains artistes disent n’avoir pas été au courant. Shaquille Mugisha, le plus en vue pour l’heure, se montre mécontent. A la tête du collectif « Shaquart », composé par une vingtaine de jeunes artistes, il affirme n’avoir reçu qu’un e-mail de l’IFB, deux jours avant l’évènement, une simple invitation d’assister à l’ouverture.
Plus surprenant, déplore cet artiste, les membres de son collectif passent souvent à l’IFB. Il signale avoir contacté cet institut culturel, en avril 2017, avant l’appel à candidature, pour participer à un évènement organisé par ses soins. « Mais nous informer sur la biennale ne leur a pas effleuré l’esprit. »
Pour Shaquille, rien au monde ne les aurait empêchés de proposer leurs œuvres, s’ils avaient été mis au courant. « Nous ne laissons jamais une telle opportunité s’envoler. »
« Difficile d’informer des artistes qu’on ne connaît pas »
Dans chaque pays de l’EAC, l’association organisatrice cherche un relai. Au Burundi, c’est l’IFB qui a proposé des artistes burundais qui, au regard de la qualité de leurs œuvres, seront sélectionnés.
Elsa Butet, responsable du volet culture à l’IFB, affirme qu’ils ont informé individuellement des artistes qu’ils connaissaient. Notamment le collectif « Maoni » avec lequel l’institut est « régulièrement en contact ». D’autres artistes burundais qui sont à l’étranger ont été également contactés. Mais ils ont choisi de ne rien proposer, s’étonne Mme Butet.
Elle reconnaît, toutefois, que beaucoup d’artistes n’ont pas été mis au courant. « Il nous est difficile d’informer des gens que nous ne connaissons pas. » Et de souligner que durant l’appel à candidature (avril-août 2017), elle ne connaissait pas le collectif Shaquart.
Elle indique, de surcroît, que l’IFB a reposté l’appel à candidature sur son site web et compte Facebook.
Cette responsable culturelle à l’IFB déplore que certains artistes ne veuillent pas tenter leur chance : « Dommage ! Ce sont des personnes très jeunes qui n’ont pas conscience des portes qui peuvent s’ouvrir à eux. » Elle fait aussi allusion à d’anciens artistes découragés par la crise, non soutenus, qui n’arrivent plus à vendre leurs œuvres.
Le directeur exécutif de l’Estafab indique qu’il est venu en personne au Burundi, en mai 2017, pour convaincre les artistes burundais de participer. Il s’est entretenu avec 10 artistes. Ils étaient tous convaincus, d’après lui. Mais au moment de la candidature, seuls 4 ont proposé leurs œuvres. « Je ne sais pas ce qui s’est passé. »
Après chaque exposition, est conçu un catalogue qui comprend chaque artiste participant, son identité et ses œuvres. Il sera ensuite distribué un peu partout dans le monde.
Quatre astuces pour la valorisation de l’art burundais
Kiagho Kilonzo, directeur exécutif et artistique de l’Estafab, donne quelques astuces pour que l’art burundais soit développé et valorisé.
Premièrement, les bureaux des institutions devraient être ornés par des tableaux ou sculptures des artistes nationaux. A côté de la photo du président de la République, par exemple, un tableau fait par un artiste burundais.
Deuxièmement, les artistes devraient être soutenus, représentés directement dans le gouvernement.
Troisièmement, il faut que l’éducation artistique commence dès le bas-âge. C’est ce qui explique, pour lui, le talent des artistes des autres pays membres de l’EAC, notamment en Ouganda.
Enfin, les artistes devraient chercher des opportunités de voyage, explorer, découvrir les expériences des artistes étrangers. Il faut qu’ils aient le courage de participer à des événements, concours artistiques, etc.
Ce qui aiderait surtout les artistes burundais à émerger, c’est un peu plus de liberté… d’expression, l’art est une expression!