Jeudi 10 octobre 2024

Environnement

Berchmans Hatungimana : « Les occupants illégaux des aires protégées doivent être chassés »

08/10/2024 0
Berchmans Hatungimana : « Les occupants illégaux des aires protégées doivent être chassés »

Etat des lieux de la protection des aires protégées et leur biodiversité ; les actions en cours ; les défis ; … Berchmans Hatungimana, directeur général de l’Office burundais pour la protection de l’environnement (OBPE) s’exprime. Il revient aussi sur les menaces de ces patrimoines.

Quelle est la situation des aires protégées ?

De façon globale, la situation de la protection de l’environnement est bonne. Car, au niveau de notre office, nous sommes en train de travailler sur toutes les menaces même celles des autres forêts que nous sommes appelés à préserver. Mais, il y a encore du pain sur la planche parce que les menaces sont encore là.

Lesquelles par exemple ?

Elles sont de plusieurs ordres. Les aires protégées ne sont pas menacées de la même façon.

Concrètement ?

Si on commence par les parcs de la Rusizi et de la Kibira, là ce sont surtout des gens qui s’y introduisent pour cultiver ou couper des arbres. A la Kibira, il y a même des exploitants miniers. Ils y entrent illégalement à la recherche des minerais.

Pour le parc de la Ruvubu, c’est surtout les feux de brousse et le braconnage. Avec ces actions, la biodiversité du parc est perturbée. Les animaux sont obligés de fuir vers la Tanzanie.

Ce qui est une grande perte pour le pays. C’est pourquoi nous demandons toujours aux riverains qu’au lieu de faire la chasse, ils élèvent chez eux les animaux comme des lapins, des poules, des cobayes et bien d’autres afin d’avoir de la viande et de l’argent et éviter ainsi d’être en conflit avec la loi.

Il y a beaucoup de projets actuellement qui aident la population dans ce sens. Il faut laisser libres ces animaux sauvages. Ils constituent une attraction pour les touristes et une source de devises pour le pays.

Qu’en est-il du Sud du pays ?

Une carte montrant la localisation des aires protégées au Burundi

Dans les aires protégées du Sud (Bururi, Rumonge et Makamba), ce sont surtout les agriculteurs qui s’approprient des espaces dans les limites de ces patrimoines. A Bururi, des personnes y vont pour couper certains arbres endémiques. Or, ce sont des richesses du pays. Malheureusement, les menuisiers y voient de l’argent seulement.

A Gisagara, à la frontière burundo-tanzanienne, c’est l’agriculture qui est la principale menace. Elle est surtout pratiquée par des Burundais qui rentrent de la Tanzanie et qui s’y installent.

Comment ?

En fait, au lieu de continuer leur chemin vers leurs provinces d’origine, ils se permettent de s’approprier des terres dans cette aire protégée.

Au début, ils construisent des huttes, des abris de fortune, loin des yeux de nos éco-gardes. Mais, progressivement, ils s’y installent définitivement. Ils sont surtout originaires de Ngozi, Kirundo et Kayanza.

N’y a-t-il pas moyen d’éviter cela ?

C’est très difficile. Cela est en fait lié à l’insuffisance du personnel. Et ces rapatriés s’installent dans des coins difficilement contrôlables. Nous espérons qu’avec le recrutement du personnel et l’usage des nouvelles technologies de l’information, on pourra bien surveiller nos aires protégées.

Ne craignez-vous pas qu’il y ait des aires protégées qui risquent de disparaître définitivement ?

Pas du tout. Parce que dans notre mission, on est chargé de veiller à toutes ces aires protégées. Mais, reconnaissons qu’il y en a qui ont été totalement détruites. Et là, on n’y peut rien. Aujourd’hui, notre mission est de veiller à ce qu’aucun autre centimètre ne soit ôté à ces espaces vitaux.

Que les gens sachent que pour chaque aire protégée, il y a un décret qui montre bien ses limites ! Nous allons retracer ces limites. Parce qu’il y a certains occupants illégaux qui essaient de faire une résistance. Qu’ils sachent qu’aucune loi, qu’aucun document n’est au-dessus d’un décret présidentiel !

Un mot peut-être à ces occupants illégaux

Ils doivent être chassés afin que ces espaces soient effectivement protégés.

Revenons sur les feux de brousse. Quel est le bilan durant cet été ?

Oui, les feux de brousse ont été constatés dans les provinces de Rutana, Makamba, Ruyigi, Gitega, Cankuzo, Bujumbura, Bururi, Karusi et Cibitoke. Ils ont été très destructeurs, terrifiants.

Mais, Dieu merci, l’administration et la justice ont fait tout pour arrêter les auteurs. Leurs dossiers sont déjà en cours. Ils seront sérieusement punis à la hauteur de l’infraction commise.

S’agissaient-ils des feux criminels ou accidentels ?

Je ne dirais pas que ce sont des feux accidentels. Non, c’est criminel. Ils ont été provoqués par des gens pour différents motifs. La justice est à l’œuvre pour enquêter. Certains ont même déjà été sanctionnés et punis.

Combien de hectares détruits ?

Pour le moment, je ne peux pas dire le nombre de hectares touchés. Car, c’est vraiment beaucoup de superficies. Nos services sont en train de faire un inventaire. Peut-être que c’est après ce travail que je pourrai vous dire le nombre de hectares incendiés par province.

Que dit la loi en cas de feux de brousse ? Quelles sont les sanctions prévues pour les pyromanes et les riverains qui n’interviennent pas pour éteindre ?

Il est prévu des amendes et des emprisonnements pour les auteurs. Et selon les moyens utilisés par le pyromane ainsi que les dégâts causés, la justice peut ajouter d’autres punitions complémentaires pour décourager cette sale besogne.

Précisément

Souvent, l’emprisonnement peut aller d’une année à deux ans. L’amende peut-être de 500 mille BIF selon l’étendue incendiée.

Dans le temps, des feux de brousse étaient liés à la recherche des pâturages (imiyonga) par les éleveurs. Est-ce que ces pratiques existent encore ?

La transhumance n’existe plus. Car, au niveau du ministère de l’Environnement, de l’Elevage et de l’Agriculture, l’élevage en stabulation permanente est obligatoire.

Ce qui signifie que même pour celui qui mettrait du feu dans un boisement ou une aire protégée espérant qu’il va y faire paître ses vaches, cela lui sera impossible.

Même ceux qui font paître leurs vaches ou volent du fourrage pendant la nuit, il y a la police de l’environnement, l’administration et nos agents qui veillent sur eux. Quand ils attrapent ces vaches ou ces éleveurs, des sanctions sont bien claires.

Nous constatons que les menaces sont encore là. Quels sont les actions ou les projets en cours pour changer la tendance ?

Nous avons constaté que dans ces aires protégées, le personnel de surveillance n’est pas suffisant. Les éco-gardes sont peu nombreux. Nous sommes alors en train de nous organiser pour recruter d’autres éco-gardes. Nous sommes aussi en train d’installer des caméras de surveillance dans ces forêts.

Pour quelle finalité ?

Ces appareils vont nous permettre d’améliorer la surveillance. Avec cette technique, nous pourrons voir les malfaiteurs qui s’y introduisent, les cas de feux de brousse, les braconniers, etc.

Ces caméras nous donnent la situation de telle ou telle autre aire protégée en temps réel. On peut même observer le mouvement des animaux.

Et, il y a un bureau qui centralise toutes les informations. Comme cela, nous pouvons organiser des interventions rapides.

Pour les parcs de la Rusizi et de la Kibira, nous sommes en train de réinstaller les bornes de délimitation. C’est grâce à un appui financier du Pnud.

Après la visualisation des limites, nous pourrons alors inventorier les dégâts ; les pertes en termes de végétation, d’espaces, etc. Ainsi, on va régénérer le couvert végétal.

On va aussi faire une carte de toutes ces aires protégées et chercher des titres de propriété. Ils seront conservés là où se trouvent d’autres documents montrant les richesses nationales.

Vu l’importance nationale, régionale et internationale des parcs de la Rusizi et de la Kibira, nous devons y mettre beaucoup de force pour qu’ils soient effectivement protégés. Nous devons décourager tous ceux qui projettent y conquérir des espaces agricoles, pastoraux ou pour d’autres fins.

Avec les inondations de Gatumba, quel a été le bilan dans le parc ?

Le parc a été touché. Et les pertes ont été énormes. Les animaux ont fui. Le bureau des éco-gardes a été détruit. Avec toujours cet appui du Pnud, nous comptons y construire un bureau moderne qui peut résister en cas d’inondations.

Pour permettre aux touristes de bien contempler les richesses animales et végétales dudit parc, nous projetons aussi aménager une piste jusqu’au niveau de l’embouchure. Un bateau moderne est aussi envisagé pour le transport des touristes.

Est-ce que le programme Ewe Burundi Urambaye n’entre pas dans ce cadre de protection de l’environnement ?

Ce programme est transversal. C’est un projet national qui est venu appuyer les actions du ministère ayant l’environnement dans ses attributions. La collaboration est bonne avec ceux qui pilotent le projet.

Que ce soit pour le reboisement ou la sensibilisation de la population à la protection de l’environnement, la collaboration est bonne.

Mais, sur le terrain, on ne voit pas de grandes plantations résultant de ce programme. Le constat est que chaque année, on plante presque dans le même endroit, la même commune, … Est-ce que les nouveaux plants sont protégés ? Qu’est-ce qui manque ?

Pour qu’un arbre grandisse, cela prend du temps. Même si je ne suis pas porte-parole de ce programme, j’en sais quelque chose.

Comme quoi par exemple ?

Au début de ce programme, les arbres ont été plantés de façon disparate pour voir si tout le pays pouvait être reboisé. Mais, par après, ils ont décidé de faire la concentration des efforts pour que le reboisement se fasse sur une grande étendue et là où il y a de l’espace.

Aujourd’hui, avec cette stratégie, les efforts sont concentrés surtout dans les provinces de Cankuzo et Ruyigi. Là, il y a d’immenses collines dénudées.

Je pense qu’après ces deux provinces, ils vont s’occuper des provinces de Makamba, Rutana et Bururi. Là aussi, il y a des collines immenses qui ont besoin d’être reboisées.

Quid de la protection de ces nouveaux plants ?

Dans ce programme, on est en train de penser aussi aux stratégies pour protéger les nouveaux plants. En effet, le constat est qu’après un ou deux ans, on ne les retrouve pas. On ne les voit pas grandir. Parce qu’ils ont été décimés par les feux ou par des malfaiteurs qui les déracinent.

Ce qui est une perte importante. Mais, je ne peux pas donner plus de détails parce que c’est un projet en cours d’analyse. Sûrement qu’ils vont le communiquer eux-mêmes.

Seulement, le plus important est que l’administration et la population s’approprient de ce programme Ewe Burundi Urambaye. En effet, quand l’Etat plante des arbres, c’est pour faire face au changement climatique et dans leur intérêt.

Quelle a été la suite du dossier des gens de Kayanza qui ont tué un chimpanzé ?

Ces gens ont été arrêtés. Ils sont devant la justice à Ngozi et nos agents sur le terrain suivent de près le dossier. Même notre juriste suit de près cette affaire quotidiennement. Mais, ces gens doivent être punis, sanctionnés.

Ils ont tué un animal protégé par la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES).

Existent-ils au Burundi d’autres animaux protégés par cette convention ?

Oui. Il y a les crocodiles, les hippopotames, etc. En effet, il y a des pays où ils ont totalement disparu.

Pour votre information, il y a une étude qui va bientôt sortir et qui montre que la présence par exemple des hippopotames dans le lac Tanganyika, les rivières Rusizi, Malagarazi, Ruvubu, … a un rôle dans la production des poissons.

Comment ?

Leurs excréments permettent l’existence des planctons pour l’alimentation des poissons. Il y a des gens qui disent qu’il faut éliminer les hippopotames.

Mais, qu’ils sachent que le jour où il n’y aura plus d’hippopotames, il n’y aura presque plus de poissons ! Allez voir en RDC où on a tué presque tous les hippopotames. Il n’y a plus de poissons. La production a sensiblement diminué.

Il y a aussi des éléphants qui, malheureusement, n’existent plus au Burundi. Mais, dans le cadre d’attirer les touristes, nous prévoyons leur réintroduction dans nos aires protégées.
Nous avons commandé une étude pour voir si les conditions sont favorables à ce genre d’animaux.

Pour rappel, il fut un moment où le parc de la Rusizi abritait des éléphants. Le dernier a été tué en 2000.

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