<doc7318|right>L’un des plus grands malentendus entre l’Eglise catholique et le reste du monde est sa double dimension spirituelle et politique.[[<1>Mon propos s’est inspiré d’une histoire de la papauté écrite sous la direction de l’historien britannique Paul Johnston, {Papacy}, London – Weidenfeld & Nicolson, 1997, reprinted in 2005]] Si le pape est responsable des âmes de tous les catholiques de la terre, il est tout autant un chef d’état à la tête de l’Etat de la Cité du Vatican. Et cela lui confère des privilèges diplomatiques et des obligations politiques à l’instar des autres États du monde.
Comme Israël et comme certains pays arabes, il s’agit d’un État confessionnel et cela perturbe ; et cela dérange souvent le droit international qui traite plus aisément avec les états laïques. En effet, comment gère-t-on des états dont les règles de fonctionnement n’acceptent pas l’égalité de l’homme et de la femme face à certains faits et/ou responsabilités ? Comment régir un État, tel Israël, dont les citoyens pensent être les seuls élus de Dieu de toutes les nations du globe ? Ou certains états musulmans qui prétendent organiser la société entièrement sous l’empire du Coran et du seul Coran ?
Qu’on le veuille ou non, la renonciation du pape Benoît XVI rappelle cette dimension politique de la fonction papale. C’est l’annonce d’un départ volontaire d’un chef d’état qui a surpris, étonné, déçu ou contenté le public selon les inclinations des uns et des autres. Il suffit de voir le genre de questions que suscite l’événement : quelle influence la puissante église allemande va-t-elle conserver pour l’avenir ? Pourquoi ne pas coopter un représentant des populations majoritaires aujourd’hui au sein de la communauté catholique ? Comment les finances et l’administration vaticanes seront-elles désormais gérées ?[[<2>[Lire cet article l’agence Reuters->http://www.reuters.com/article/2012/02/13/us-vatican-scandal-idUSTRE81C0ZL20120213]]]
Y aura-t-il ou non un genre de CVR (Commission Vérité & Réconciliation) pour tous ces dossiers de pédophilie qui secouent l’église romaine tel un tsunami ?[[<3>[La récente défection du cardinal Ecossais Keith O’Brien->http://www.ladepeche.fr/article/2013/03/04/1574524-un-cardinal-ecossais-s-excuse-pour-son-comportement-sexuel-deplace.html] n’est que la partie visible de l’iceberg !]] Quid du célibat et de la place de la femme en général dans ce monde obstinément masculin ?[[<4>Lire le très controversé ouvrage de Margaret A. Falley, {Just Love : A Framework for Christian Sexual ethics}, New York, Continuum, 2006. La traduction française pourrait être la suivante : « Juste l’amour, un cadre pour l’éthique sexuelle chrétienne ». Lire aussi [la note de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi sur le livre et son auteur->http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_cfaith_doc_20120330_nota-farley_fr.html]]] Comment convaincre la jeunesse par les NTC (Nouvelles Techniques de la Communication) sans passer par un rabattage de bas-étage ?
Si toutes ces questions et bien d’autres revêtent une dimension spirituelle, elles sont surtout profondément ancrées dans les préoccupations du « real world ». Le monde concret, laïque et politique qui analyse les choses en fonction de rapports de force et de groupes d’intérêt en lice. En quittant sa fonction actuelle – à propos, quel titre revêtira-t-il désormais ? – bon gré mal gré, le pape actuel a rappelé la dimension temporelle de son statut. C’est un être de chair qui se sent vieillir et qui décide de se retirer des lourdes responsabilités qui incombent à tout Successeur de Pierre voici deux mille ans.
Par son intellectualisme et son pragmatisme germanique Benoît XVI, peut-être à son insu, vient d’ « humaniser » une fonction jusqu’ici entourée de mystère et d’obsolescence pour la plonger[[<5> Pie XII était même surnommé « L’Oracle de Dieu », Cfr Walsh, M. J., T{he Papacy in the Twentieth Century}, 1878 – The Present Day, in The Papacy, p 202.]], sans espoir de retour, dans le temporel et la modernité[[<6> Consulter avec intérêt [le site suivant->http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/1350351?fr=y]]]. Cette démission rapproche davantage la fonction papale à celle d’un homme d’état qui a eu la clairvoyance de déceler les ravages du temps et une lucidité doublée d’une grande humilité pour ensuite tirer sa révérence à Dieu et aux hommes.
L’aggiornamento que l’Eglise a opéré voici plus d’un demi-siècle grâce à Jean XXIII et son Concile Vatican II, Benoît XVI[[<7>A la mort de Jean XXIII, fait absolument extraordinaire, le drapeau des Nations Unies fut mis en berne pour sa contribution incommensurable pour la paix, la développement des pays pauvres et la collégialité dans la direction des hommes et du monde.]] vient de le rééditer par cet extraordinaire acte individuel. L’Eglise romaine est-elle prête à relever le défi une fois de plus et s’adapter aux bourrasques du changement qui soufflent dans les couloirs et les caves du Vatican ? Des encycliques depuis les années 60 prédisposent pourtant les catholiques à vivre pleinement leur époque : « Populorum Progessio » de Paul VI, par exemple, parle du « développement comme le nouveau nom pour la paix ».
En tout état de cause, {Proficiat Votre Sainteté } !