Pour mieux vulgariser les formations dispensées et propager les acquis du programme de consolidation de la paix, BBB, ’’Building Bridges in Burundi’’, le recours au théâtre s’est avéré nécessaire. C’est pour la sensibilisation de la population et l’appeler au changement.
Par différentes représentations, l’adage latin ’’Castigat ridendo mores’’, ’’corriger les mœurs par le rire’’, y trouve ses lettres de noblesse. Différents sketches attirent des foules, le public s’esclaffe, mais les éclats de rires alternent avec des moments d’écoute attentive, l’indignation du public peut faire place aux applaudissements quand il y a un dénouement heureux.
Quand les acteurs se mettent en place, le public s’invite et se met vite en symbiose pour écouter tel acteur remonté contre son épouse qui ne lui donne que des filles « alors que son dos s’use à force de travailler chaque nuit dans l’espoir d’avoir un garçon ».
Les acteurs dont la plupart sont des bénéficiaires de cette initiative lancée par un consortium de 4 ONG internationales (Help a Child et American Friends Service Committee, Cord, Mensen Met Een Missie) et exécutée en partenariat avec plusieurs associations et ONG locales, sont engagés à être ses ambassadeurs de ce programme BBB.
Les représentations sont variées : il y a par exemple des sketches appelant au changement des normes liées au genre, un plaidoyer pour l’égalité entre filles et garçons.
Avec le poids de la culture et autres préjugés, les garçons semblent jouir de tous les privilèges par rapport aux filles dans certaines familles. Une femme sans descendance mâle est méprisée quand il n’y a pas de sensibilisation pour que tous les enfants soient pris au même pied d’égalité.
« Le silence tue les victimes du viol »
Les sketches joués permettent également de sensibiliser la population à lutter contre les violences sexuelles basées sur le genre : un mal à fustiger, à éradiquer, à dénoncer pour que les victimes soient secourues et réconfortées.
Il faut une prise de conscience pour que les familles des victimes ne tentent pas d’étouffer l’affaire et ou se contenter des règlements à l’amiable. « C’est à décourager car il y a risque de récidive pour le violeur », lance une femme dans la foule.
Parmi ces sketches figurent des représentations appelant les femmes à adhérer aux associations d’épargne et de crédit pour leur épanouissement. Certains hommes sont réticents et n’autorisent pas leurs épouses à être membre de ces associations.
« Je n’entends pas m’asseoir avec ces femmes qui veulent enterrer notre culture », clame haut et fort un acteur opposé à « ces histoires d’égalité entre homme et femme ». Une déclaration accueillie par des huées du public.
Mais grâce aux formations et à la sensibilisation, ces derniers comprennent que l’épanouissement de leurs épouses contribue au développement et au bien-être de leurs familles comme le témoigne les spectateurs venus admirer ces acteurs.
« Nous venons d’apprendre qu’il y a des femmes qui se voient refusées l’autorisation d’adhérer aux associations par leurs maris. Et il y a également des hommes qui étouffent les cas de viol dont leurs filles sont victimes », fait savoir une femme venue assister à ces sketches. Dans de telles situations, souligne un autre spectateur, il faut en parler et saisir la justice. « Opter pour le silence, c’est condamner la victime. »
D’après un jeune homme interrogé après avoir assisté à ces représentations, il faut que les gens comprennent que la femme est le pilier du développement familial.
Dans une de ces sketches, rappelle-t-il, il y a un homme qui n’entendait pas autoriser son épouse à être membre d’une association alors que la démarche de cette femme s’avérait bénéfique pour la famille.
Être membre d’une association d’épargne est bénéfique
Selon lui, la femme ne s’est pas découragée et n’a pas cédé aux adages traditionnels. « Elle a adhéré en cachette aux associations et a pu sauver son mari. Ces associations contribuent au bien-être familial ».
Après ces représentations, une dame, la cinquantaine, a demandé la parole pour livrer un message : « Le rôle de la femme leader est primordial dans le ménage et au niveau social, quand des conflits éclatent dans le voisinage, cette femme leader contribue avec le concours des autres femmes formées à résoudre les mésententes ou à orienter les parties en conflits vers les juridictions ».
En cas d’injustice, fait savoir cette dame, une femme comme moi peut aller demander à être rétablie dans ses droits et être entendue. « Mon appel aux autres femmes, c’est de se confier à la justice en cas de problème dans le voisinage, elles peuvent approcher les femmes leaders pour que leurs différends soient réglés ».
Avec ce sketch, avoue un conducteur de taxi moto qui s’est arrêté pour suivre ces sketches, je viens d’apprendre. « Maintenant je peux donner des conseils là où il y a des mésententes ou demander aux aînés d’apporter leur contribution ».
Quand vous adhérez à un tel projet, indique-t-il, il faut demander à votre conjoint de vous emboîter le pas. « S’il y a réticence, il faut lui montrer la plus-value. Après avoir compris qu’il y a un bénéfice, comme dans cette pièce, l’autre conjoint peut se raviser ».
Ce genre de situation, insiste ce conducteur de taxi-moto, n’est pas un cas isolé. « Il faut prodiguer des conseils. Vous avez vu que l’homme têtu a fini par changer et ce dernier a promis d’aller convaincre ses amis ».
« Une femme dynamique est un atout pour son mari »
Avec ces représentations, souligne Richard Gasivya, chef de colline Gasenyi Centre en commune de Buganda de la province Cibitoke, le message passe. « Ces problèmes font partie de notre quotidien avec des hommes qui oppressent leurs femmes. Nous donnons toujours des conseils. Certains hommes n’autorisent pas leurs épouses à adhérer aux associations, à faire du commerce arguant que c’est pour autre chose. Nous leur prodiguons des conseils ».
Ce chef de colline affirme que ces sketches contribuent à sensibiliser la population en prolongeant l’action de l’administration. De notre part, fait-il remarquer nous allons multiplier des rencontres et demander surtout aux hommes de permettre à leurs épouses d’adhérer aux associations, à faire du commerce et tout ce qui peut améliorer le bien-être de leurs familles, participer au développement de la commune.
Selon lui, il faut multiplier des rencontres pour sensibiliser les hommes décidés à entraver l’épanouissement de leurs épouses pour que ces dernières ne s’émancipent pas, restent dans la précarité, à demander que l’homme lui apporte tout.
« Un peu de baume, des tongs, de petites choses dont une femme pourrait se procurer en exerçant une certaine activité ou en adhérant aux associations d’épargne et de crédit et il y en a dans notre commune ».
Si une femme devient membre de ces associations, affirme Richard Gasivya, chef de colline Gasenyi, elle apporte quelque chose au foyer parce que le mari ne peut pas subvenir à tous les besoins.
« Il peut arriver qu’il soit absent, il faut que la femme paie les frais scolaires, achète de quoi nourrir la famille mais quand elle doit attendre tout du mari, le foyer reste dans la précarité », fait savoir cet administratif à la base.