Béatrice Nyamoya estime que le Sénat a commis l’irréparable en approuvant les noms des gouverneurs en violation de l’équilibre genre. Selon elle, des droits de la femme, c’est un recul par rapport aux acquis d’Arusha et la conséquence d’un leadership politique faible.
<doc5950|right>{Comment avez-vous accueilli ce changement à la tête des provinces : il ne reste qu’une seule femme ?}
C’est dramatique. Avoir trois femmes gouverneurs sur 17 provinces était largement insuffisant. Cette exclusion reflète l’absence de volonté politique pour intégrer les femmes dans les instances de prise de décisions.
{Quid du quota de 30% préconisé par l’Accord d’Arusha ?}
L’acte posé par le Sénat vient de confirmer la perpétuelle violation de cet Accord d’Arusha par ceux-là même censés le protéger. Il y a un manque de respect des engagements déjà pris par le pays, un non respect de la loi et des textes réglementaires. Le pouvoir fait fi des accords déjà conclus, ce qui est grave quand vous dirigez un pays.
{A quoi est due cette méfiance ?}
C’est la conséquence d’avoir un leadership politique extrêmement faible car il affecte l’ensemble de la gestion du pays. Déjà, avec un président de la République qui est contre la succession, il faudra attendre 2015 pour avoir quelqu’un qui soit ouvert à la question du genre. C’est pourquoi nous interpellons le pouvoir, l’opposition, la société civile et la communauté internationale de se pencher sur certains comportements qui sont en train de freiner les élans liés au développement du Burundi.
{Quelles peuvent être les conséquences de cette exclusion ?}
Cela entache la responsabilité du parti au pouvoir qui, au lendemain des élections de 2005, avait plutôt montré une image positive de lui-même. Nous avons le regret de constater que la représentativité de la femme dans les institutions est aujourd’hui en pleine régression. Cette situation hypothèque l’avenir du pays. Le Burundi vient d’adopter le CSLP. Ce cadre intègre pratiquement dans tous les domaines la dimension genre. Comment se fait-il que le pouvoir adopte des politiques et en même temps se comporte différemment ?
{Que faut-il faire pour rétablir les femmes dans leurs droits ? }
Nous espérons que ceux qui doivent rectifier le tir vont se rendre compte qu’ils sont effectivement en train de passer à côté de la plaque. Notre appel va aussi à l’endroit de ceux qui soutiennent le Burundi sur cette série de programmes (Vision 2025, Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté). On ne peut pas exécuter ces programmes en écartant la femme. Aujourd’hui, on parle de la problématique de la surpopulation au Burundi. Comment le pouvoir compte-t-il réussir ce pari sans la femme dans les sphères de prise de décisions ?
{Un message à l’élite féminine burundaise…}
Soyez alerte, soyez solidaires et battez-vous pour la cause de la femme dans le développement de ce pays.
| Les femmes qui ont marqué la vie de notre pays, selon Mme Nyamoya
A la question de savoir si le limogeage des femmes dans les instances de prise de décisions n’est pas consécutif à leur incompétence, Béatrice Nyamoya estime que c’est un prétexte malsain. Et de donner l’exemple de trois femmes de son choix qui ont brillé par leurs compétences mais limogées pour des raisons politiques ou autres. Antoinette Batumubwira à la tête de la diplomatie burundaise. A sa connaissance, il n’y a aucun homme avant ou après qui lui soit arrivé à la cheville dans la gestion du ministère des Relations extérieures et de la Coopération.
Françoise Ngendahayo à la tête du ministère de la solidarité. A un moment critique, témoigne Mme Nyamoya, la ministre s’est exprimée sur les tortures infligées à l’ancien vice-président de la République, Alphonse Marie Kadege. Elle a osé aller à l’encontre de son propre gouvernement en disant non à ces pratiques, alors quand on sait qu’il y a des hommes et même des femmes qui auraient opté pour le silence.
Euphrasie Bigirimana, ancien ministre du Commerce. C’est une femme dotée d’une personnalité politique, qui parlait avec conviction tout en maîtrisant sa matière.
Ce qui manque dans ce pays, lâche-t-elle, c’est la volonté politique de chercher les femmes capables et de les mettre à des postes de responsabilité pour qu’elles puissent jouer pleinement leur rôle. |