Jusque-là, les collines de Gasarara, Mbare et Mayemba n’avaient jamais été reliées à un réseau électrique, la coopérative «Bahabona» de la commune Nyabiraba a réalisé une petite révolution. Elle a construit une mini-centrale hydroélectrique. Plus de 130 foyers sont éclairés.
«Nous n’espérions pas être reliés à l’électricité aussi tôt. La coopérative Bahabona a créé la lumière dans les ténèbres de Gasarara», témoigne Elie Mbuzenakamwe, habitant de la colline Gasarara.
Depuis 2018, il ne dépense rien pour l’achat des piles de radio et des bougies. Il regarde la télévision et recharge son téléphone portable à la maison. « Mes enfants révisent les cours le soir. Ce qui était impossible auparavant».
9 h 30. Sur la colline Gasarara de la commune Nyabiraba. La coopérative Bahabona a construit un micro barrage hydroélectrique d’une capacité de 30 kW sur la rivière Ruhete.
Il est situé entre les sous collines Mubira et Bugombe, à plus de 2 km de la route menant au chef-lieu de la commune Nyabiraba en passant par Muyira.
Sur la pente de la colline Mayemba, des câbles serpentent les maisons. En escaladant Gasarara, le constat est que tous les ménages sont raccordés en électricité.
Le barrage du captage est accessible après une heure de marche. La rivière Ruhete coule à flots. Un canal long de 160 m conduit l’eau vers le centre d’équilibre. De là, on aperçoit un gros tuyau qui amène l’eau vers la turbine. Deux câbles électriques partent d’une maisonnette en briques cuites.
Selon Oscar Minani, trésorier de la coopérative « Bahabona », le micro barrage leur a coûté plus de 63 millions BIF. Actuellement, plus de 130 ménages des collines Gasarara, Mayemba et Mbare sont éclairés.
Il fait savoir que l’idée de construction de ce barrage vient de six personnes. « Nous nous sommes mis en ensemble pour exploiter la chute de la rivière Ruhete ».
Ils se sont inspirés du barrage de Mageyo construit par un certain Peres. Puis, ils se sont également renseignés sur Internet sur le fonctionnement des barrages. C’était au début de 2014. Pour lever des fonds, ils se sont constitués en coopérative.
Ils ont sensibilisé les autres sur les avantages de la construction d’une telle infrastructure. «C’était un projet fou. Au départ, personne ne pouvait nous croire», raconte ce responsable. La population de cette localité ne comprenait pas comment elle pouvait aspirer à se construire un barrage alors qu’elle n’avait ni route ni centre de santé. Une soixantaine de personnes ont compris le projet et ont adhéré à l’idée.
«A partir de ce moment-là, nous avons commencé à cotiser pour constituer un capital à même de concrétiser ce grand projet», témoigne Oscar Minani.
Il n’était pas facile de collecter cet argent vu les revenus des membres. Hormis l’ambassade de la Belgique qui leur a octroyé un don de 13 millions BIF, personne ne les a appuyés. Les travaux ont débuté le 16 juin 2014. Mais les turbines ont commencé à tourner le 23 juillet 2017.
Faute de moyens, « Bahabona » n’a pas été en mesure d’acheter des câbles pour raccorder les ménages. Ainsi, elle leur a demandé de les acheter. Les habitants se sont regroupés pour s’en procurer. Même aujourd’hui, cette exigence demeure pour celui qui veut le raccordement en électricité.
Le tarif de l’électricité varie entre 2 000 BIF et 7 000 BIF par mois. Il dépend du niveau de revenus, du nombre de maisons éclairées et du type d’activités. Ce qui permet à la coopérative de payer les frais d’entretien et de gardiennage.
Les habitants s’en réjouissent
Pour l’heure, la population ne tarit pas d’éloges à l’endroit de la coopérative « Bahabona». La colline Gasarara est enclavée. Avant la construction de ce barrage, cette colline n’était pas animée le soir. Mais, grâce à cet éclairage, le commerce devient florissant. Les boutiques et les bars restent ouverts jusqu’à 23 h.
Egide Irakoze, coiffeur au centre de Gasarara, assure que cette centrale a boosté les activités génératrices de revenus. «N’eût été ce barrage, je serais désœuvré ». Il indique qu’il a démarré son métier en 2017. Il estime ses revenus entre 40 et 50 mille BIF par mois. «Je gagne car je ne paie que 7 000 BIF par mois ».
Melchior Bukuru, un client, témoigne que le courant l’aide beaucoup : « Ici, je me coiffe à 500 BIF. » Avant, il devait aller à Bujumbura pour se faire coiffer 1000 BIF. En plus, il payait 3000 BIF de transport.
Les élèves se disent également satisfaits. Ils révisent leurs cours, le soir. Donatien Ngendakumana, élève à l’école fondamentale Shingamano, salue l’initiative de cette coopérative. Avant l’électrification, ils révisaient sur des bougies.
Même son de cloche chez Jean Bizimana, le boutiquier de Gasarara. Depuis décembre 2017, il s’éclaire avec l’électricité produite par ce barrage. « Cette électricité est moins chère par rapport à la plaque solaire que j’utilisais ». Il paie aujourd’hui 4000 BIF par mois. Avant, il déboursait 12 mille BIF par mois pour recharger la batterie des plaques solaires.
Les défis ne manquent pas
Tous les bénéficiaires déplorent la faible intensité, surtout le soir. Certains n’arrivent même pas à éclairer leurs maisons. « Le barrage est là. Nous ne pouvons pas en profiter pleinement », déplore Janvière Sinzobatungana. Cette sexagénaire, membre de la coopérative, ne cache pas son mécontentement. Elle affirme que les habitants de Gasarara sont délaissés.
Selon elle, depuis l’année passée, les femmes membres de cette coopérative ont conçu beaucoup de projets: achat d’un moulin et d’une machine à fabriquer des savons. Mais elles sont bloquées. Elles ne peuvent pas démarrer à cause de la faible intensité. « Nous avons frappé à plusieurs portes, personne n’est venu nous prêter main forte».
Mêmes lamentations chez les menuisiers. Jean Bukuru se lamente qu’il ne peut pas réaliser son rêve : «Je prévois d’acheter une raboteuse. Cette capacité actuelle ne peut pas faire fonctionner la machine. »
Le manque de marché de matériel électrique est également un défi qui perturbe le quotidien des bénéficiaires de l’électricité. Pour remplacer un interrupteur, une prise, un fusible, un socket abîmé, il faut se rendre à Bujumbura pour l’acheter.
Georges Ntamagendero, électricien de ladite coopérative, soutient que les habitants ont raison de se plaindre : « Notre barrage n’est pas équipé d’un transformateur éleveur. » Ainsi, la capacité produite n’est pas suffisante pour alimenter les ménages, surtout le soir.
En outre, il fait savoir que les câbles conduisant l’électricité ne remplissent pas les normes. Pour augmenter la capacité de production électrique, cette coopérative prévoit l’achat d’un moteur de 100 KW, un tableau de contrôle, deux transformateurs (éleveur et abaisseur), une tribune et des câbles de haute tension. Ce technicien estime que ce projet coûtera plus de 150 millions BIF.