Au moment où le très contesté projet de loi régissant la presse au Burundi est à l’Assemblée nationale pour étude, les professionnels des médias, les politiciens, les hommes de loi, la société civile et les religieux donnent leurs avis et considérations.
D’après Vincent Nkeshimana, président de l’Association Burundaise des Radiodiffuseurs (ABR), l’actuel projet de loi vient alourdir, voire rendre impossible, les tâches du Conseil National de la Communication (CNC).
Il vient ensuite, ajoute-t-il, restreindre la liberté de la presse : « Il ne reconnait pas que les journalistes doivent collecter les informations, les traiter et les diffuser sans devoir révéler les sources.»
Pour Sylvestre Ntibantunganya, ancien président de la République et actuel sénateur, il s’avère indispensable que la liberté de la presse soit consacrée par cette loi. « Il ne faudrait pas qu’il y ait une substitution au niveau de l’exercice du pouvoir consacré par la Constitution. Le CNC est à la fois consultatif et délibératif mais en aucun cas il ne peut être substitué aux pouvoir judiciaires », précise-t-il.
En outre, pour lui, il ne faudrait pas mettre dans une loi des amendes qui tuent la presse. « Les amendes sont destinées à redresser plutôt qu’à tuer », rappelle-t-il.
Cependant M. Ntibantunganya reste optimiste. Il espère que les représentants du peuple vont faire preuve de sagesse quand ils étudieront ce projet de loi pour permettre aux Burundais d’avoir une loi de la presse répondant aux exigences du monde moderne.
D’après François Bizimana, porte-parole du parti CNDD, si cette loi n’est pas bien étudiée, elle ne viendra que pour faire reculer la presse. «C’est un projet de loi ambigu, qui entraînera l’arbitraire dans sa mise en application», indique-t-il. Il viole selon lui, la Constitution au moment où il confère au CNC des pouvoirs judiciaires.
« Faire taire les journalistes et les Burundais »
Au parti Sahwanya Frodebu, selon Frédéric Bamvuginyumvira, vice-président de ce parti, ce projet de loi vise à faire taire les journalistes et l’ensemble des Burundais. Il conseille aux députés que, pour remédier à la situation, il s’avère indispensable de consulter les concernés qui sont les professionnels des médias. Au cas contraire, avise-t-il, le gouvernement burundais fera face à une situation chaotique puisque personne ne va tolérer un pouvoir dictatorial. « Le projet de loi privilégie beaucoup les punitions au lieu de créer un climat favorable à la promotion de la démocratie qui repose sur le droit d’expression », conclut-il.
Même son de cloche chez les religieux. Mgr Bernard Ntahoturi de l’Eglise Anglicane demande aux députés de sauvegarder l’étape déjà franchie en matière de liberté d’expression. Et cela, souligne-t-il, permettra aux Burundais de rester « formés et informés ». Il rappelle que la présence des médias dans un pays est un signe éloquent du niveau de démocratie et de développement d’une société. « Il faut donc maintenir cette diversité d’opinion », martèle-t-il.