Dimanche 22 décembre 2024

Société

Avec le problème de déplacement des élèves, les résultats scolaires risquent d’en souffrir

22/05/2024 Commentaires fermés sur Avec le problème de déplacement des élèves, les résultats scolaires risquent d’en souffrir
Avec le problème de déplacement des élèves, les résultats scolaires risquent d’en souffrir
Les élèves en attente de bus

Depuis plusieurs mois, le Burundi est confronté à une série de pénuries des carburants. Comme conséquences notamment, les déplacements par bus deviennent une véritable équation à plusieurs inconnues. Les élèves sont touchés et la ponctualité exigée à l’école en souffre. Ces conditions d’apprentissage difficiles mettent les parents et les enseignants en alerte. Ils appellent le gouvernement à tout faire pour un retour à la normale.

Depuis plus de deux mois, différentes stations-services dans la capitale économique Bujumbura sont régulièrement à sec. Aujourd’hui, des véhicules affluent et font la queue sans aucune promesse d’être servis. Certains propriétaires de véhicules affirment passer plus de quatre jours sur les stations. D’autres disent totaliser une semaine en attendant l’arrivée de l’or noir. Les files d’attente devant les stations-services peuvent s’étirer jusqu’à plus d’un kilomètre.

A la suite de cette pénurie des carburants, les bus de transport en commun se font rares sur les parkings au centre-ville de Bujumbura. Ainsi, il s’y observe de longues files d’attente des passagers le matin et les choses se compliquent davantage dans les après-midis. Lorsqu’un bus se présente, des passagers le prennent d’assaut et se bousculent pour entrer. Certains passent par les fenêtres.

La situation est la même tous les matins sur les parkings dans les quartiers. Certains propriétaires de véhicules privés préfèrent les laisser à la maison pour prendre le transport en commun. Le transport sur moto, tricycle et vélo étant interdit dans les quartiers du centre-ville par le ministère de l’Intérieur, la situation est intenable. Parmi les plus touchés, il y a les élèves qui doivent se rendre à l’école.

Notre constat du lundi 13 mai 2024, à 8h, en zone urbaine de Gihosha les élèves étaient toujours en attente de bus alors que pour la plupart des écoles, les cours débutent à 7h30. Plusieurs autres élèves étaient encore dans la rue. Les uns marchaient à pied. Les autres fonçaient et donnaient des coups de coudes pour entrer et avoir une place dans les rares bus de transport en commun qui surgissaient.

Ces élèves infortunés disent que quand un bus arrive, ce sont la ruée et les bousculades pour entrer et des fois, il y a des blessés. « Souvent, nos uniformes sont déchirés et les bagarres éclatent. Nous vivons un calvaire », font-ils savoir.

Il en est de même pour M. N, élève du post- fondamental au lycée du Saint Esprit situé en zone urbaine de Gihosha. Cet écolier vit en zone urbaine de Kanyosha au sud de Bujumbura. Ses parents n’ont pas réussi à le faire inscrire aux bus scolaires de l’Office du transport en commun, Otraco. Tous les 5h30 du matin, il doit se préparer pour se rendre à l’arrêt bus. « Cette situation de pénurie des carburants a compliqué davantage les choses. Arriver à l’école est un parcours de combattant. C’est rare que j’y arrive à temps ».

Le déroulement des cours perturbé

Le lycée du Lac Tanganyika tente de s’adapter à la situation

P.F est un enseignant au lycée du Saint Esprit. Il considère que les élèves et les enseignants vivent la même situation. « Le problème de déplacement touche tout le monde. La situation est grave. Elle affecte fortement les apprentissages. Les élèves et les enseignants arrivent tous en retard. Tous sont fatigués au moment du déroulement des cours. Ce qui empêche la concentration », témoigne-t-il.
Il fait observer que dans cette période où on approche les tests nationaux, le secteur éducatif est fortement touché et que les programmes des cours à test risquent de ne pas être terminés.

Les élèves au lycée Vugizo qui viennent par bus scolaires ne sont pas non plus épargnés. Il arrive que les bus qui les ramassent leur parviennent avec retard. Les chauffeurs donnent comme explication la pénurie des carburants. « La situation est grave et a des répercussions sur l’apprentissage et la maitrise de la matière », racontent ces élèves.

Dans pareilles situations où les bus scolaires sont en retard ou manquent du carburant, les parents d’élèves sont obligés de chercher d’autres moyens pour déplacer leurs enfants. Surtout que, la majorité des conducteurs de bus sont contraints de faire la queue pendant plusieurs jours dans différentes stations-service.

Certains conducteurs de bus scolaires déplorent le fait qu’ils ne soient pas autorisés à se rendre dans les pays voisins, comme la République démocratique du Congo, pour y chercher du carburant. « Il y a beaucoup de carburants en RDC. Pourquoi ne pas nous permettre de l’importer de là-bas au regard de la pénurie persistante dans notre pays ? », s’interroge l’un d’entre eux.
« Les élèves arrivent en retard et les enseignants sont obligés de les attendre ou de répéter la partie ratée du cours dès qu’ils arrivent. Ce qui est perturbant quand il faut répéter deux fois voire trois fois la même leçon alors que la matière est vaste », se lamente la directrice de l’école Les Lierres.

Selon les élèves rencontrés à l’école secondaire des Techniques administratives, le déplacement leur est tellement difficile aujourd’hui. Ils sont obligés de se réveiller très tôt le matin que d’habitude pour, malheureusement, passer des heures et des heures sur les files d’attente aux arrêts bus.

Au lycée du lac Tanganyika I, la situation est la même. Bella Sonia Irankunda est une élève à cet établissement localisé en zone urbaine de Buyenzi. Cette habitante de la zone urbaine de Gihosha, quartier Muyaga à la périphérie nord de la mairie de Bujumbura n’en revient pas. « Depuis un mois, je suis toujours en retard. Parfois, par chance j’ai un lift. À défaut, je marche à pied. J’arrive à l’école en suant. Il m’est impossible de bien suivre les cours. Ici, le retour à la maison est aussi compliqué. Mes résultats seront impactés », s’inquiète-t-elle.

Ces élèves qui sont dans le désarroi lancent un cri d’alarme. « Nous lançons un cri d’alarme au gouvernement afin qu’il puisse résoudre ce problème de pénurie des carburants car, il nous perturbe même économiquement. Nous sommes en effet des fois obligés de prendre des taxis », déplore par exemple un autre élève du lycée du Lac Tanganyika.

La directrice de cette école fait savoir qu’ils ont dû laisser les heures d’étude obligatoire que les élèves faisaient avant et après les heures des cours. « Pour le moment, on ne ferme plus le portail de l’école comme avant parce qu’on comprend la situation même si les élèves avaient été bien sensibilisés qu’il faut prendre l’habitude de se réveiller très tôt afin d’éviter les retards », déplore la directrice du lycée du lac Tanganyika I.

Elle précise qu’elle a trouvé une solution transitoire afin de s’adapter à cette situation et d’éviter des résultats scolaires catastrophiques. Elle a demandé aux enseignants de laisser les interrogations données dans les premières heures pour attendre les élèves qui sont en retard.

Même lecture pour un enseignant au lycée municipal Rohero. Il considère que la situation est tellement préoccupante qu’il serait inhumain de refouler un élève qui est en retard. « Nous sommes conscients que rien ne va et le gouvernement n’est pas en mesure de décanter la situation dans l’immédiat. Nous-mêmes nous sommes touchés. On n’a pas d’autres choix que d’attendre l’arrivée des autres », compatit-il.

Un cadre au ministère de l’Education nationale et de la Recherche scientifique est du même avis. Il souligne en effet que même si aucune injonction de la part du ministère n’a été donnée, les élèves ne doivent pas être deux fois victimes. « Il est hors de question de donner une interrogation sans que tous les élèves soient arrivés. Nous comprenons parfaitement la situation. Le déroulement des cours est perturbé et la maîtrise de la matière est compromise. Ils sont toujours fatigués. Les compétences et connaissances étaient à un niveau très lamentable. La situation risque d’empirer », prévient-il.

Même la situation ne surprend pas outre mesure les parents d’élèves concernés, ils en sont fortement agacés. « Apparemment, la situation n’a pas évolué durant le week-end. C’est incroyable ! Que fait-on ? Nos enfants restent donc à la maison ? Beaucoup de nos enfants ne peuvent pas effectuer le trajet ni à pied ni à vélo. J’espère que cela va vite s’arranger car c’est ubuesque de ne pas envoyer nos enfants à l’école faute d’essence ou de gasoil », fustige une maman d’élève.

Les parents se disent inquiets par rapport à la réussite de leurs enfants qui traversent une situation assez grave. Ils demandent au gouvernement de trouver des solutions dans les meilleurs délais avant que le pire n’arrive.

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