Alors que le pays se prépare aux élections de 2025 et 2027, des jeunes issus des différentes catégories dénoncent leur exclusion dans les institutions qui prennent des décisions. Leur aspiration est de vivre dans une société où chaque voix compte et où chaque talent est valorisé. Ils exhortent les candidats à ne pas oublier leurs besoins dans leurs programmes politiques.
Selon l’Unicef, 35,7 % de la population burundaise ont l’âge compris entre 15 et 34 ans. Malgré ce taux élevé, l’exclusion politique des jeunes persiste. Cela constitue l’un des défis majeurs auxquels la jeunesse est confrontée dans le pays.
« Pour avoir un poste, il faut être uwocavunye pour dire quelqu’un qui a combattu ou avoir un père qui fut un combattant », raconte un étudiant de l’université du lac Tanganyika.
Cet étudiant explique que cette exigence n’est pas fondée car la plupart des jeunes burundais n’ont pas connu la guerre civile qui a secoué le pays.
Pour obtenir un poste dans les institutions publiques, souvent, il faut une contribution financière dans votre parti alors qu’il n’y a pas de travail. « Dans un système où la contribution financière semble primer sur la capacité et la volonté, de nombreux jeunes se sentent exclus de la course électorale », explique un étudiant en Sciences politiques à l’université du lac Tanganyika.
Il explique en outre qu’au Burundi, il y a une profonde injustice sociale, où le mérite est souvent relégué au second plan au profit du favoritisme et du népotisme. Cette exclusion se manifeste par le fait que pour occuper des postes, il est souvent nécessaire d’avoir des liens familiaux ou politiques plutôt que des compétences ou des mérites personnels.
« La nécessité d’avoir un parent ou des parrains politiques pour obtenir un poste dans les institutions gouvernementales crée une barrière supplémentaire pour ceux qui viennent de milieux défavorisés », ajoute l’étudiant.
Selon les jeunes, le Code électoral pour les prochaines élections ne joue pas en leur faveur : « Par exemple, pour être éligible aux différents postes, la caution exigée est élevée. Ce qui empêche les jeunes à se présenter », dénonce un étudiant de l’université du Burundi.
Selon d’autres étudiants interrogés, il existe des menaces chez certains jeunes jugés infidèles à leurs chefs. Une fois qu’ils ont eu de la chance d’obtenir des postes dans les institutions politiques, ils sont sous surveillance.
Ces jeunes sont en effet confrontés à des menaces ou à de l’intimidation de la part de certains acteurs politiques. Ce qui les dissuade de se présenter aux élections.
Nos sources évoquent d’autres défis, comme des élites politiques burundaises qui dénigrent souvent la capacité de la jeunesse burundaise.
« Aujourd’hui, les idées des jeunes sont souvent ignorées parce qu’ils sont jugés immatures par les élites politiques », dénonce un membre de l’association de l’ONG African Rebirth.
Lors de l’attribution des emplois, les jeunes dénoncent vigoureusement le favoritisme et le clientélisme qui règnent. Il faut qu’il est des liens familiaux avec le pourvoyeurs ou des affiliations politiques spécifiques ce qui limite ainsi leur capacité d’influencer les processus décisionnels.
« Pour décrocher un emploi, il faut être lié à l’employeur par des relations personnelles ou familiales », explique Aimable Ndayikengurukiye, qui gère une petite boutique à Kanyosha.
Il fait savoir qu’il existe aussi l’exclusion économique des jeunes où des employeurs favorisent leurs enfants ou des amis proches au détriment du mérite et des compétences.
Appel à l’action des candidats aux élections
Face à ces défis, des jeunes, des associations de jeunes et des acteurs de la société civile appellent à une action concrète de la part des candidats aux élections.
Ils demandent des politiques et des programmes gouvernementaux inclusifs et sensibles aux besoins des jeunes pour diminuer le chômage. D’autres souhaitent des projets solides et innovants qui favorisent la création d’emplois pour eux et la promotion d’une culture de mérite et de compétence dans le recrutement.
Les jeunes plaident pour la révision du Code électoral afin de permettre une plus grande représentation en leur faveur dans les institutions politiques.
Gérard Hakizimana, représentant légal de la Force de lutte contre le Népotisme et le Favoritisme au Burundi (FOlucon-F), demande aux candidats aux prochaines élections de présenter des projets solides pour toutes les catégories des Burundais afin d’éviter l’exclusion que ce soit pour les jeunes ou d’autres catégories sociales.
Il salue également les efforts du gouvernement en matière de transparence dans les appels d’offres. Hakizimana encourage les jeunes à saisir les opportunités en participant activement à la compétition pour les emplois et en se basant sur leurs mérites. « Actuellement, il y a des jeunes chômeurs qui ne déposent jamais leurs dossiers de candidature. Il faut qu’ils s’habituent à la compétition pour que le travail revienne à celui qui le mérite. » ajoute le représentant de Folucon-F.
Éric Nsengimana, le président et représentant international de l’Ajap (Association pour une jeunesse africaine progressiste), demande aux candidats aux élections prochaines de mettre en avant des projets porteurs de revenus qui permettent de créer des emplois pour les jeunes dans les secteurs de l’agriculture, de l’élevage, de la transformation agro-pastorale et des projets d’industrialisation.
Pour Aubry Hector Baribata, président du club de science politique à l’université du Lac Tanganyika, « il faut que l’État soit conscient que la jeunesse est le pilier du développement durable d’un pays ».
Aubry suggère aussi au gouvernement de proposer aux jeunes des formations solides dans les différents secteurs pour que ces derniers entrent dans les institutions qui prennent des décisions dans notre pays.
La jeunesse invite les Burundais à choisir des candidats capables de gouverner avec des projets solides. Plusieurs d’entre eux souhaitent des dirigeants qui se soucient de leurs problèmes, en particulier du chômage. Ils veulent également que les jeunes soient représentés dans les différentes institutions, car ce sont eux qui sont majoritaires dans le pays et qui possèdent la force pour travailler.
Les jeunes de divers horizons réclament la création de réseaux inclusifs pour assurer la participation de tous. Et pour multiplier les emplois, Levy Calmant Habarugira, un chômeur, appelle les dirigeants à se concentrer sur la construction des infrastructures, le développement agricole et la lutte contre la corruption. Aimable, lui, demande des projets concrets et un soutien réel pour les jeunes.
Promesses électorales et abandon
Dans le paysage politique du Burundi, les jeunes se retrouvent souvent au cœur d’un jeu de marionnettes, manipulés par des politiciens en quête de pouvoir et d’influence. Tout particulièrement lors des périodes électorales.
Des jeunes sont utilisés comme instruments au service des intérêts des acteurs politiques, avant d’être abandonnés une fois les scrutins terminés, avec pour seules compagnies les promesses non tenues et les projets avortés.
Une pratique politique courante et pas qu’au Burundi qui, trop souvent, sacrifie l’avenir de toute une génération aux profits des ambitions personnelles. Les jeunes, en quête de perspectives et d’espoir, se retrouvent ainsi pris dans une situation où leurs aspirations sont détournées à l’avantage de stratégies politiciennes éphémères.
Le récent appel du président de la République, Evariste Ndayishimiye, lors du lancement officiel de la campagne de l’éducation civique et électorale, met en lumière cette réalité insidieuse. Il a en effet exhorté les jeunes à ne pas se laisser entraîner par les politiciens opportunistes.
Dans son discours, le président de la République a appelé la jeunesse burundaise à se méfier des discours de haine utilisés par les élites politiques pendant la période des élections.