C’est un ministre des Affaires Etrangères atypique qui part. Le successeur possède les qualités pour réparer les dégâts. <doc1917|left>Malgré leur devoir de réserve, globalement, les diplomates étrangers accrédités à Bujumbura ne cachent pas trop leur soulagement de voir limogé Augustin Nsanze. Il n’y a pas longtemps, lors d’une rencontre avec les diplomates, comme à des gamins malpolis, au sujet de la situation sécuritaire, le ministre Nsanze, leur sommait d’écouter « la version du gouvernement plutôt que celle de leurs petites amies ». Il n’hésitait pas à menacer : « Ceux qui ne sont pas contents peuvent faire leurs valises ». En privé, il n’hésitait pas à raconter avec fierté qu’il en avait déjà « viré quelques uns ». Car Augustin Nsanze était tout sauf un diplomate. Les anecdotes foisonnent. La meilleure : une fois, au cours d’un dîner à l’hôtel Tanganyika (ceux qui étaient présents s’en souviendront), il a planté à table un ambassadeur d’un pays européen, devant tous les invités, parce que l’un des convives avait dit une parole qu’il lui avait déplu. Effarés, les invités ont vu le ministre se lever et partir sans un mot. Impossible de cacher son hostilité Augustin Nsanze était mal dans sa peau et cachait mal son hostilité envers les « Bazungu ». Qu’il détestait les « Bazungu » était un secret de polichinelle. Problème, dans sa fonction, il était appelé à les rencontrer presque chaque jour. On imagine ce qu’il endurait au quotidien. C’est ainsi qu’il était toujours crispé, avec ce profil« nauséeux » qui lui collait au visage. Même pour réceptionner un don, Augustin Nsanze se faisait violence, il arrivait à peine à esquisser un rictus. Enfin, un diplomate pour réparer les dégâts Et sur le plan diplomatique, son passage est un désastre. La diplomatie burundaise n’a jamais connu autant de couacs. Sa dernière sortie à Téhéran restera dans les annales de cette diplomatie bizarre. Essayez de trouver la moindre cohérence dans ce qui va suivre : à Téhéran donc, le ministre Nsanze était, semble-t-il, porteur d’un message personnel du président Nkurunziza au président iranien. Pour la petite histoire, le Burundi est à majorité sunnite, même s’il y a une petite communauté shiite. Au moment où notre chef de la diplomatie se trouve reçu par les plus hautes autorités à Téhéran (l’Iran est à majorité shiite), l’Arabie saoudite ( à majorité sunnite) envoie son prince héritier chez nous … et au lendemain d’une visite en Israël du premier vice-président burundais. Et tout le monde sait l’amour fou, surtout ces derniers jours, entre Israël et la République Islamique d’Iran… Voilà ce qu’était devenue la diplomatie burundaise sous Nsanze, une cacophonie, sans aucune ligne directrice. Que dire du successeur ? Il a du boulot. Laurent Kavakure va devoir rassurer les amis du Burundi, renouer la confiance perdue. Mais l’Ambassadeur Kavakure part avec quelques atouts : son aura personnel d’abord. C’est un homme très ouvert, simple, accueillant. Un diplomate quoi ! Quand il est arrivé à Bruxelles, il a trouvé une communauté burundaise divisée sur le plan ethnique. Il a tout fait pour rapprocher les communautés. Il a ouvert vraiment l’ambassade du Burundi, qui est devenu un espace de rencontre, les Burundais ont commencé à s’y retrouver, à commémorer ensemble la fête nationale… Laurent Kavakure est un homme qui fait l’unanimité dans toutes les communautés ethniques. Doux, patient, personne ne l’a jamais entendu élever la voix et pourtant, derrière son air d’un bonze endormi , c’est un grand travailleur. Il devrait rapidement réparer les dégâts de son prédécesseur. Quant à Augustin Nsanze, loin des cocktails et autres dîners avec les « Bazungu », inévitables quand on est ministre des Affaires Étrangères, espérons qu’il va enfin se dérider un peu et apprendre à sourire…