Lundi 23 décembre 2024

Editorial

Au-delà de l’incorrection

21/11/2014 19

Antoine KaburaheLa conférence publique que devait animer ce mercredi le diplomate algérien Idriss Jazaïry à l’Institut Français du Burundi a été interdite in extremis. A quelques heures de la présentation. C’est un simple appel du « cabinet civil du président » qui a annoncé l’annulation à l’ambassade de France.

On passe sur la forme, l’incorrection de prévenir ainsi une ambassade « amie », mais sur le fond, cette annulation interroge. « Vers le dialogue et la culture de paix » était une conférence (la première d’un cycle) préparée sous l’égide du ministère à la Bonne Gouvernance qui, comme chacun le sait, dépend de la présidence. Théoriquement donc, la présidence ne pouvait pas ignorer la tenue de cette rencontre, préparée de longue date.

Et pourtant, c’est de la même présidence, du cabinet civil du président, que viendra l’ordre d’annulation. Etrange… Mais au moins on peut tirer un enseignement : le ministère à la Bonne Gouvernance ne pèse pas lourd face au cabinet civil du président. Soit.

Et pourtant, le Burundi est censé être un pays « démocratique ». En tout cas, le gouvernement ne manque jamais l’occasion de le rappeler. Mais l’on peut s’interroger sur l’ouverture de nos autorités qui ne peuvent pas accepter un simple débat dans un cadre intellectuel. Le panel était en effet constitué de professeurs d’universités, et l’invité n’était pas n’importe qui. Idriss Jazaïry est un intellectuel de haut vol, ancien d’Oxford et Harvard, un diplomate avec une riche expérience, notamment aux Nations unies. Quel danger d’accueillir un invité comme celui-là ? Aucun, à mon sens.

Ce qui s’est passé à l’IFB est loin d’être anecdotique. Cette interdiction de la conférence est révélatrice d’un malaise croissant. A la veille des élections, le pouvoir semble de plus en plus nerveux, allergique au débat, à la contradiction. Comme si l’on voulait nous imposer une pensée unique. Si pensée il y a…

Forum des lecteurs d'Iwacu

19 réactions
  1. borntomakelovenotwar

    «Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne!» disait Jean-Pierre Chevènement. Il ne doit y avoir d’opposition dans un même gouvernement. La décision vient du sommet, le Chef de Cabinet a rang de Ministre, de superMinistre d’ailleurs parce qu’il est aussi Lieutenant-Général aussi de rang de Ministre. Idem pour le cas. Quant au débat, il attendra, ce qu’il allait dire se dit déjà dans le petit peuple, peut-être qu’on voulait une voix beaucoup plus audible.

    • borntomakelovenotwar

      Le Chef de Cabinet Civile à Présidence de la République.

  2. Godefroid

    Notre pays est devenu comme un terrain conquis par les neo colonialistes et leur negres de service. Je pense que les Algeriens qui vivent sous une dictature sans precedent ont beaucoup besoin de cette conference que les Burundais. On a pas de lecons a recevoir de ces faux intelectuels. Ce diplomate ne peut pas tenir ce genre de conference dans son pays d’origine au risque de perdre sa vie ou aller en prison.

  3. SERWENDA

    Si votre diplomate venait parler d » inama nshingiro » de « gupanga akarere », il aurait eu des acclamations de tous les bagabo et, comme par osmose, de tous ces hommes en costumes qui ne réfléchissent que par leurs colonnes vertébrales. Mais sachez qu’ayant un patrimoine intellectuel que vous avez bien voulu nous communiquer, ceux qui pouvaient piger ne sont pas ceux instruits par le bruit des mitraillettes. Pour les gens de ce calibre, les concepts sont par palier. La détermination de l’origine logique des mots qui auraient été employés dans cette conférence, leur valeur et leur portée n’est pas de la sphère des bagabo. N’ y piger que dalle, voilà la crainte inscrite dans l’ADN de ceux qui ont été propulsés dans les postes de responsabilité par le concours de circonstances qu’on ne trouve nulle part ailleurs qu’au Burundi. Hagupfa uno musi wopfa ejo dit-on.

  4. BUSORONGO

    C’est bien d’avoir précisé de quel ministère s’agissait-il. Mais n’oubliez pas que ce ministre est fervent activiste de Minani et membre de la sixième colonne de l’Uprona.
    Ceci a son importance car il se pourrait que le ministre veuille utiliser les moyens d’Etat pour humilier son gouvernement. Si les services habilités de la Présidence l’ont su tardivement rien n’empêche d’interdire cette conférence.
    Des fois je me demande si l’intellectuel burundais est le même que partout ailleurs. N’est-il pas vrai qu’il y a des « tueurs d’Etats » dans ces organismes internationaux ? Et si cet imminent diplomate n’était qu’un « sniper » pour neutraliser notre gouvernement d’abord avant que n’arrivent d’autres malheurs ? Comment peut on naïvement croire qu’un diplomate ne fut-ce que algérien peut monter d’échelons comme ca sans sacrifice dans son carrière ? Je vous dits bien que si vraiment de ce diplomate conférencier voulait quelque chose de positif aux burundais son pays l’Algérie ne le laisserait pas trimbaler dans des conférences stériles en Afrique subsaharienne. On lui trouverait mieux.
    A propos de l’ambassade de France au Burundi je me retiens pour le moment mais retenez bien qu’il était principal organisateur (ce mercredi) et le jour suivant ou dans la même soirée il y a eu accord entre parti d’opposition dont celui du ministre en question. Et comme par hasard c’est ce medium public français RFI qui est le premier a annoncer, presque en exclusivité, la nouvelle !!!

  5. Theus nahaga

    cela a un nom simple: MEDIOCRITE

  6. Burundi Amahoro

    Non seulement ce pouvoir semble de plus en plus nerveux, mais il est aussi surmené. La façon d’agir de nos autorités prouve que la pensée est loin d’être en avant. Le petit clan des décideurs ne tolèrent plus les discussions ni les réflexions des intellos, celles-ci les agacent, car la plupart n’y comprennent rien et n’y voient qu’une menace. Qu’attendons-nous d’une telle « démocratie »? Est-ce que ces hommes du pouvoir qui agissent instinctivement, comme le disent mes compatriotes, vont-ils tenir encore neuf mois?

  7. Kafando Diego

    Comment Buyoya et Bagaza pouvaient-ils etre plus puissants que les bagabos d’aujourd’hui? Plus populaires????

    Si les bitsinas sont notre maitre a penser, toujours au garde-a-vous, alors je peux comprendre.
    Et si c’est comme ca, turapfuye ntagisivya. Car, agaseseme kibitsinas vyabagabo kazodusesesha agatabi ataho turashika.

    Dutwaze cerveau et le coeur humains sinon ca y est.
    Le message s’adresse a tous les bagabo et bashingantahe.

  8. Wazamani

    A quoi vouliez-vous vous attendre, cher Kaburahe, dans notre République bananière, où le chef pense plus aux avocatiers qu’aux réflexions intellectuelles? Je pense que nos ministres, pas seulement celui de la bonne gouvernance qui vient d’avoir une véritable gifle en pleine figure, se rendent compte que le richissime Bunyoni est le vrai décideur de ce pays. Malheureusement, toutes ses décisions déshonorent son chef fantôme, monsieur l’horticulteur PITA.

  9. Karabona simon

    On ne sait où on va au Burundi. Pourquoi une telle action? Une conférence annulée? Le pouvoir est prêt à museler tout ce qui bouge. Avant hier, c’était l’opposition, hier, c’était la presse et la société civile qui étaient muselées, aujourd’hui c’est l’église, la communauté internationales qui sont visées. Demain, on va même empêcher le vent de souffler, la pluie de tomber, le soleil de se lever. Pauvre pouvoir burundais, votre fin tragique approche.

  10. Mutima

    Cher Antoine, les trois dernières phrases de votre éditorial révèlent, à s’y méprendre, à un aveu que «l’invité» en question allait parler de sujets à débat, surtout qui critiquent les pratiques et l’exercice du pouvoir du gouvernement actuel!

    D’emblée, j’aimerais vous demander de descendre de votre piédéstral : vous ne trouverez nulle part au monde un gouvernement qui acceptera d’endosser ou de cautionner un individu, illustre soit-t-il, qui viendra critiquer ses pratiques!… Sauf s’ils se font prendre dans le piège!…

    Pour ce cas-ci, le «pot-aux-roses» ou le «poteau rose» a été détecté à temps! Mais au-delà de tout cela, le gouvernement ne devrait pas faire de politique de rattrapage. Cela ternit beaucoup plus son image que ça ne l’illumine.

    Chaque ministère devrait comprendre qu’on doit travailler dans le but de mousser l’image du pays, et surtout du gouvernement! Inviter, endosser ou commanditer une personne qui ne fera que vous critquer « publiquement », revient carrément à se tirer dans le pied!

    Cela étant dit, des conseillers et des consultants existent pour faire le même travail, mais eux le feront discrètement. C’est une distinction à faire!

    Même s’il est possible de comprendre votre frustration, protéger ses intérêts en corrigeant une tarre ne veut pas dire refuser un débat contradictoire ou vouloir imposer une idée unique, mais tout simplement qu’on ne veut pas faciliter la tâche à son adversaire!

    C’est très simple : un gouvernement qui laisserait un ministère inviter ou endosser un conférencier qui va critiquer le même gouvernement ou ses pratiques, serait comme un père qui laisserait sa fille ou son fils inviter à la maison une autre personne en lui disant : «Viens dire du mal de mon papa, s’il te plaît!»

    Ce gouvernement ne vous interdit pas d’interviewer ce diplomate et/ou de publier ce qu’il va vous répondre! Ce serait cela le vrai refus d’un débat contradictoire!

    Pour tout le reste, vaut mieux prévenir que guérir!

    En terminant, j’ai entendu parler de cette pensée qu’on veut imposer comme unique : « le gouvernement ne veut pas de débat contradictoire! ».

    Ou celle-ci : « l’opposition ne veut pas de débat contradictoire! »… C’est peut-être là le vrai débat!… Et si par chance quelqu’un a songé ou pensé, ne fût-ce qu’un instant, à inviter un conférencier pour débattre de ce dernier thème, alors là les burundais auront évolué!…

    • Saviez-vous ce que le conférencier devait dire, et s’il y avait un débat, saviez-vous quelle serait sa réponse? Mwicura iki??

    • Zamuka

      Il y a une différence entre conférencier et participants à la conférence. Le débat aurait été ouvert et ils ont juste eu peur d’une enième bourde des officiels, nos ministres plus que médiocres.

  11. La conclusion de votre éditorial qui pose la question de savoir s’il y a une pensée dans les pouvoirs qui nous gouvernent est la seule logique face aux agissements du pouvoir ou des pouvoirs parce qu’on ne sait plus qui gouverne dans ce pays.

  12. Malomalo

    Je doute qu’on aura une explication de celui qui a pris cette décision. Mais en tout cas, ça n’honore pas le gouvernement.

  13. Musita

    C’est dommage franchement!
    Mais rien d’étonnant car avec les seigneurs qui nous gouvernent, la tendance est d’empêcher tout ce qui est débat contradictoire. Wait and see!!!

  14. Gakunzi

    Nonw mwari muzi ko bigenda gute? Igihugu gitwarwa n’abantu biyitirira bakongera bagahamarirwa ibitsina vyabo.
    Iyumvire Nduwimana basigaye bamuhamagara » mugabo Nduwiman » , umugabo  » Onesime Nduwimana », umugabo « Bunyoni ». Umaze guhamagarirwa igitsina, ukavyimvamwo ko ugendera igitsina. On ne pense jamais, on agit selon l’instinct. C’est CE qui arrivent aux bagabo qui entourent le mugabo en decadence « Nkurunziza »

  15. ninde

    Ivyabo bantu nagahomerabunwa nta nicamira

  16. Nzobandora

    Rien à ajouter à votre correcte analyse mais il sera terriblement difficile voire impossible qu’une pensée unique soit imposée aux burundais de 2014.Même Buyoya et Bagaza qui étaient plus puissants n y sont pas arrivés.

A nos chers lecteurs

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, mais une information rigoureuse, vérifiée et de qualité n'est pas gratuite. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à vous proposer un journalisme ouvert, pluraliste et indépendant.

Chaque contribution, grande ou petite, permet de nous assurer notre avenir à long terme.

Soutenez Iwacu à partir de seulement 1 euro ou 1 dollar, cela ne prend qu'une minute. Vous pouvez aussi devenir membre du Club des amis d'Iwacu, ce qui vous ouvre un accès illimité à toutes nos archives ainsi qu'à notre magazine dès sa parution au Burundi.