Mercredi 27 novembre 2024

Editorial

Au-delà de la fosse commune de Rusaka

13/01/2017 7
Léandre Sikuyavuga
Léandre Sikuyavuga

« Je viens voir si je peux trouver les miens. » Réaction poignante d’un habitant de la colline Gasenyi, commune Rusaka, province Mwaro, ce mercredi 11 janvier. Une fosse commune venait d’y être découverte par des ouvriers qui terrassaient un terrain pour construire une école de métier. Propos émouvants, troublants, accablants, touchants… Les mots manquent pour les qualifier. En effet, comment après quarante-quatre ans, quelqu’un peut espérer reconnaître les siens, distinguer les ossements humains sans test ADN ? – Les administratifs disent que la fosse commune est de 1972-

La réaction de cette personne est la conséquence d’un grave traumatisme psychique de la guerre. Découvrir les restes de ses êtres chers tués et enterrés en masse suite à la barbarie humaine rouvre les blessures jamais pansées. Ce n’est pas une vue de l’esprit. C’est un orphelin de 1972 qui écrit ces lignes. Je sais ce que j’ai vécu, ce que je ressens encore, aujourd’hui. Cette « névrose traumatique de guerre » peut déboucher sur la dépression, la violence, voire le suicide.

Le cas de Rusaka n’est malheureusement pas le seul. Quelqu’un parlait de la dépression de sa sœur qui avait assisté à une scène pareille à Kivyuka, commune Musigati, lors des travaux de traçage d’une route : elle était accablée par des maux de tête, des palpitations, des étouffements, des insomnies. Avant de devenir finalement une malade mentale… !

Le Burundi est un petit pays. La localisation de nombreuses fosses communes que ce soit pour les massacres de 1972, 1988, 1993, etc. est connue. La Commission Vérité et Réconciliation a donc du pain sur la planche. Elle est dans l’obligation de les identifier et les protéger. Elles constituent, en effet, des preuves du passé douloureux et des lieux de mémoire. Ainsi, elle aura accompli une de ses missions qui vont permettre à notre société traumatisée par la violence de faire face à son passé. Autrement, au lieu de se réconcilier pour sortir de ces crises profondes et cycliques qu’a connues notre pays, la société pourrait replonger dans les violences.

Forum des lecteurs d'Iwacu

7 réactions
  1. Valéry Muco

    Ce qui m’étonne dans tout cela, ce ne sont pas les preuves (les charniers qui continuent à être découverts) de la multi-tragédie que vit notre pays depuis plusieurs décennies, mais plutôt comment les autorités burundaises se muent en scientifiques pour déterminer par un simple coup d’oeil la datation des restes humains découverts dans ces charniers !

    D’autres pseudo porte-paroles des victimes des tueries massives des années passées, mais qui ne se focalisent que sur les victimes de leur ethnie, se précipitent devant les micros et caméras des journalistes pour crier que ces charniers étaient connu depuis longtemps !
    Ah bon ??? Ces charniers étaient connu depuis longtemps ??? Et pourquoi ne l’avoir pas signalé aux autorités et à la CVR de pacotille estampillée CNDD-FDD ?

    Car ce qui se cache derrière ces sorties médiatiques relayées par certains médias, ce ne sont pas les propos tenus par les uns et les autres dans ces reportages, mais bien l’intention cachée de ces interventions. Lisez entre les lignes.

    En déclarant que les charniers qui continuent à être découverts datent de 1972, ils veulent réveiller la rancoeur des Hutus, puisque cela fait des années que tous les radicaux du régime aux discours ethnistes et leurs acolytes continuent à clamer haut et fort qu’il n’y a eu que des victimes de l’ethnie Hutu en 1972.
    L’association qui se réclame défendre la mémoire des victimes ne manque jamais l’occasion d’en faire la démonstration.

    Dans toute cette intoxication/désinformation bien huilée que beucoup perçoivent à tort comme des sorties médiatiques ridicules, il faut savoir que ce n’est pas le cas. L’objectif est visible pour qui veut lire entre les lignes. Réveiller et susciter la rancoeur d’une partie de la population burundaise en évoquant les souvenirs douloureux d’un passé sombre auquel la justice n’a encore rien dis.

    • Meurlsaut

      @Valéry Muco
      IL ne faudrait pas vous étonner de ces improvisations souvent irréfléchies! C’est le propre du pouvoir dd et ses acolytes. Et le hic c’est de croire que nous ne voyons pas tous leurs visées et propagandes ethnistes dans ces spectacles!!

    • minani

      mais qu’ont fait différents gouvernements qui se sont succedés pour au moins apaiser les tensions. ici je parle de bagaza , buyoya et les autres. si la justice n’est pas rendue, il faut toujours s’attendre à la vengeance. ceci est valable pour hier, aujourd’hui et demain. Les burundais (toutes ethnies confondues) continuent à semer la division. et bien, qu’ils s’attendent à des conséquences néfastes de leur comportement.
      .

  2. Congo

    Il écrit : cette névrose de guerre peut déboucher sur la dépression, la violence ,le suicide. Je respecte ce que vous ressentez et je espère que toute votre génération n a pas la même vision. Oui comparaison n’est pas raison mais on reste des humains. La 2ème geurre mondiale a fait au moins 50 millions de morts. Derrière ceux ci il y a au bas chiffre un milliard d humains, s ils devaient sombrer dans la dépression ,le monde ne serait qu un grand hôpital psychiatrique à ciel ouvert. Si tous devaient être violents,le monde ne serait que un grand Caracas. 44 ans plutard vos blessures semblent vives. Vous êtes peut-être père et grand père bientôt, et l éducation de tout ce monde ?

  3. ls

    « La réaction de cette personne est la conséquence d’un grave traumatisme psychique de la guerre »

    Malheureusement il n’y avait pas de guerre à ce moment là ni à Lusaka, Ni à Bugarama, Ni à Ngozi, ni dans la plupart des endroits qui ont été vidés de leurs intellectuels présents ou en formation(jusqu’aux enfants de la 7ième s’il vous plaît!)

    L’absence de de méfiance lors des convocations vers la mort ou encore mieux de résistance prouve à suffisance qu’il n’y avait pas de guerre.

    Ce crime est réellement inqualifiable(Crime de guerre?) et je pense c’est lui qui a ouvert la voie à d’autres crimes de masse de même acabit comme 1988, 1993….

    Ceux qui défendent les criminels y associés soit par solidarité ethnique soit par ignorance ou autres raison ne rendent service ni au pays, ni à eux-même, ni à leur progéniture. Tout le monde devrait participer à dénoncer ce crime et à citer les auteurs qu’il connaît devant les institutions compétentes.

    Cela nous permettrait permettrait d’aborder avec sérénité les autres crimes qui ont suivi et d’éviter les globalisations funestes avant de sceller la réconciliation nationale et définitive. C’est cela le prix de la paix durable que tout burundais mérite!

  4. Karabadogomba

    Si on faisait un examen psychique sur les Burundais, peu d’eux échapperaient au traumatisme, à la dépression. Aucune génération depuis l’indépendance n’en est épargnée.

    • Prudence

      Traumatisme, depression. .!!! Mais pourquoi des politiciens burundais et consort continuent aa speculer, a manipuler, aa se laisser manipuler pour en creer davantage? Pourquoi est il de plus en plus rare d’entendre de ceux le mot reconciliation des burundais? Puissent la conscience et la sagesse gagner les esprits qui revent vengeance, guerre, acaparement du pouvoir sans reel souci de servir et reconcilier le peuple burundais dans sa globalitee. Merci aa tous ceux dont nous devons encore la solidaritee permettant de transcender ceux catastrophes humanitaires.

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