Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu,
Tharcisse Tungabose.
Votre qualité principale ?
L’honnêteté et je ne suis pas rancunier. Si j’ai à dire, je le dis sur place.
Votre défaut principal ?
Des fois, je suis léger. Un vilain défaut qui m’a privé tant d’opportunités.
La qualité que vous préférez chez les autres ?
La compréhension, l’ouverture d’esprit, l’humilité, la tolérance.
Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ?
L’ostentation. Ces personnes qui veulent toujours montrer qu’elles valent mieux que les autres.
La femme que vous admirez le plus ?
Cette femme modérée dans sa façon d’être, qui n’a pas peur de dire tout haut ce qu’elle pense. Sans offenser personne.
L’homme que vous admirez le plus ?
Un homme ouvert d’esprit. Malgré les vicissitudes de la vie, qui essaie toujours de transmettre et de partager la joie de vivre.
Votre plus beau souvenir ?
-Mon 1er voyage en Egypte. C’était au cours d’un stage professionnel. Dans les rues cairotes, nous frisions de peu d’être tournés en dérision. Ne parlant pas bien ni anglais ni arabe, dans les restaurants, c’était le quiproquo.
-L’autre souvenir, c’est lorsque pour la toute 1ère fois, j’assiste à un match de football au stade FIFU (Fédération indigène de football d’usumbura/l’ancien stade FFB) en 1973, ce jour-là, Muzinga FC croisait le fer avec Burundi Sport Dynamic. Une journée mémorable. Voir mes joueurs préférés évoluer sur terrain à quelques mètres, j’avais les étoiles plein les yeux.
-Une autre rencontre est restée gravée dans ma mémoire. Le quart de finale de la Coupe des Clubs champions entre Vital’o et le club kenyan de Gor Mahia. Une rencontre d’anthologie.
Votre plus triste souvenir ?
En 1974, je suis en 8ème année. Ayant l’habitude d’accompagner les joueurs au terrain. Ce jour-là, c’est Geka Sports qui joue contre Dragon. Dans mes mains, des sacs dans lesquels se trouvent des ballons de l’équipe Geka Sports. Un stratagème dont j’étais coutumier qui me permettait d’entrer sans payer. Ce jour, la « tactique » n’a pas fonctionné. Un certain Alexandre, surnommé Mahamba, président de Dragon m’a remarqué.
Pris de peur, j’ai couru, il a fini par m’attraper et me jeter par-dessus la clôture du stade. Je suis tombé sur le dos sur un vieux groupe électrogène. Evanoui, je me suis réveillé à l’hôpital dans le service des urgences de l’hôpital Prince Régent Charles. J’y ai passé toute une nuit.
A plus de 60 ans, des regrets ?
Je n’ai pas eu d’opportunités pour couvrir les grands évènements sportifs (CAN, Coupe du monde, etc.). Certes, une fois, j’ai couvert le championnat de la Francophonie en 1997 à Antananarivo. C’est là que j’ai compris le fossé entre le journalisme burundais et celui des autres pays. N’ayant jamais utilisé l’internet, j’ai frisé le ridicule.
Commentateur des grands classiques du foot burundais. Cette période ne vous manque pas ?
Et comment ! Une sacrée époque. Figurez-vous que même lorsque c’était Inkona qui jouait contre Dragon, le stade était archi-comble. Un public fou de joie dans une ambiance festive. Hélas, une ferveur qui a quasiment disparu. A cette époque, pour les joueurs, le plus important, c’était l’amour du maillot. Ils n’étaient pas encore avides de l’argent comme aujourd’hui.
Journaliste sportif pendant 39 ans. Un match vous a marqué ?
En 1992, la rencontre Burundi vs Ghana dans le cadre des éliminatoires de la CAN. A la retransmission avec Tharcisse Harerima, feu Babu Bacu, contre toute attente, le Burundi bat ses hôtes. Une joie indescriptible. Au micro, ma voie est étranglée de joie. Bref, compte tenu de l’adversaire du jour, le Ghana qui est une grande nation de football africain, dans les tribunes, c’est l’euphorie totale. Cette année, on rate de peu de décrocher la 1ère qualification à la CAN alors que tout le monde donnait le Burundi perdant.
Quel serait votre plus grand malheur ?
Mourir dans un état grégaire, privé de mobilité et de mes facultés cognitives.
La plus belle date de l’histoire burundaise ?
10 janvier 1932 : la naissance du prince Louis Rwagasore.
La plus terrible ?
Le 21 octobre 1993. Mon père, mes cousins, des voisins, etc. Beaucoup de mes proches ont été tués à Muramvya.
Votre passe-temps préféré ?
La lecture, la marche. Chaque fois, je m’arrange pour trouver 30 minutes pour faire du sport. Avant, je jouais au football, à cause de mon nerf sciatique, je me tiens à l’écart des terrains.
Votre lieu préféré au Burundi ?
Le mausolée du Prince Louis Rwagasore à Kiriri. Sa vue plongeante sur la ville de Bujumbura est magnifique. Si c’était possible, je proposerai qu’un ou deux bancs y soient installés. Lorsque j’ai envie de méditer, c’est ma seule destination.
Le pays où vous aimeriez vivre ?
Le Burundi. Souvent, lorsque je cause avec des amis à l’étranger (France, Canada, etc.) ils me proposent de les rejoindre. Et gentiment, je décline. Si c’est pour des vacances, je partirai. Mais, à mon âge, mon corps ne peut plus supporter le froid, la vie mouvementée en Europe.
Votre rêve de bonheur ?
Une vie paisible. Si c’était possible, j’aimerais développer l’agro-business.
Votre plat préféré ?
Les graines de maïs mélangées avec des haricots bien cuits. Je raffole aussi des macaronis.
Votre chanson préférée ?
Mélomane, elles sont très nombreuses.
Avez-vous une devise ?
Honnêteté, convivialité, humilité.
Le métier que vous auriez aimé exercer ?
J’aurai aimé étudier la sociologie. A la fin de mes humanités générales, une envie pressante me pousse vers l’ISCAM (Institut des Cadres Militaires). Pour des raisons encore « obscures », je m’y vois recalé. Orienté dans la faculté de droit à l’Université du Burundi, le destin fera que j’embrasse la carrière de journaliste.
Comment avez-vous bifurqué dans le journalisme ?
Un hasard! En pleines vacances, juste après la fin de nos études secondaires, de retour d’une ballade le long du lac Tanganyika. Avec des amis, nous arpentons la Rue du 13 octobre (elle se trouve en face de la RTNB). Arrivés à la hauteur de la RTNB, un attroupement de gens nous interpellent. Il s’agit d’un communiqué. Après lecture, nous constatons que la RTNB cherche des journalistes. Les profils recherchés collent bien aux nôtres. Nous nous sommes fait inscrire sur place. Deux semaines plus tard, on a passé un test que j’ai réussi avec brio. A 21 ans, j’intègre l’équipe des journalistes de la RTNB. Le début d’une grande histoire d’amour avec la radio qui durera 39 ans.
Vous êtes un journaliste sportif très cultivé. A l’époque où il n’y avait pas encore d’internet. Comment vous documentiez-vous ?
La lecture et l’écoute des autres radios. Toutefois, je dois avouer que c’était un véritable casse-tête. Les seules sources de documentation c’étaient le Teletex, l’abonnement à l’AFP (Agence de Presse Française).Les papiers étaient envoyés par fax. Pour avoir une longueur d’avance, j’ai suggéré à Tharcisse Harerimana (un ancien collègue, ndlr) afin que nous soyons abonnés à certains journaux internationaux, tels que France Football, l’Equipe. J’aimais lire tout ce qui me tombe sous le nez et, je faisais le tour des radios internationales (Deutsche Well, BBC, RFI).
Aujourd’hui, la qualité des émissions sportives se perd. Votre commentaire ?
C’est la loi du moindre effort. Les journalistes lisent peu. Des fois, certains hésitent même pour lire correctement le nom d’un joueur.
Tungabose, fan de quelle(s) équipe(s) ?
Je suis et je resterai un fan invétéré de Vital’o et de FC Barcelone.
D’après vous, le grand joueur de l’histoire du Burundi ?
Une question difficile. Un certain Modéra m’a marqué. Un pur numéro 10. En clignement d’œil, il pouvait orienter le jeu à sa guise. L’autre joueur, c’est Malick. Défensivement limité, il était très adroit devant le but adverse. Un vrai artiste balle au pied. Je citerai aussi le joueur d’Inter FC Pepe Service. L’autre, bien qu’il n’ait pas fait long feu, c’est Muvala. Le latéral François Ngendabanka d’Inter FC, à mes yeux, reste un des meilleurs joueurs à son poste. Grâce à ses montées, il a révolutionné le jeu de couloir. Mafyiritano de Muzinga figure dans cette liste. Parmi les portiers, je citerais Nguema Pierre, Mackenzie, etc.
Et le plus grand entraîneur de football que le pays a connu?
Incontestablement, Rashid Sheradi. L’entraîneur algérien qui a aidé Vital’o à se hisser en finale de la Ligue africaine des clubs champions en 1992. Secondé par Gilbert Kanyenkore alias Yaoundé, l’algérien savait quand il fallait remobiliser ses troupes et les justes mots pour les motiver. Pour tout dire, il avait dans le sang le langage du football.
L’autre entraîneur, c’est Alexandre Laketsky, l’ancien coach d’Inter FC. Très pragmatique. Je pense d’ailleurs que sans lui, Ndindi n’aurait pas pu mettre sur pied la fameuse équipe nationale qui s’est hissée en finale de la Coupe d’Afrique Junior en 1995. Je dois aussi reconnaître que Ndindi reste un grand tacticien.
Le niveau qui va decrescendo, pratiquement dans toutes les disciplines sportives. Votre réaction.
Il n’y a pas de planification sur le long terme. La part belle doit toujours être accordée aux pépinières. Il ne suffit pas de décentraliser, il faut préparer de la base au sommet. Aussi, les dirigeants doivent comprendre que leurs antagonismes n’ont plus de place dans le sport.
Une envie de retourner dans les studios radio ?
C’est mon souhait. Même retraité, j’estime que j’ai encore du talent. Je suis d’ailleurs en contact avec de potentiels employeurs. Peut-être que d’ici quelques mois, on pourrait encore débattre des sujets sportifs.
Croyez-vous à la bonté humaine ?
Absolument. Elle se manifeste au quotidien. Néanmoins, cette qualité commence à se raréfier.
Pensez-vous à la mort ?
Un passage obligé qu’il convient de négocier avec douceur.
Si vous comparaissez devant Dieu, que lui direz-vous ?
Me voici. Que votre volonté s’accomplisse.
Propos recueillis par Hervé Mugisha
Annonçant les rencontres de l’équipe nationale Intamba Tharcisse utilisait l’expression « »Intamba murugamba , intamba murugamba!!! » Dès lors le nom de l’équipe change et devient « »Intamba murugamba »! Merci mutama Tharcisse Tungabose
Il est le grand journaliste de sport qu’a connu le Burundi avec cette émission sportive de vendredi pleine des info recherchés et de qualité mélangé avec une musique douce personne n’est raté cette émission sportive même ceux qui étaient dans le maquis quand il y avait une accalmie ils ne rataient pas cette émission sportive de radio kabondo.
@Kayo
« Il est le grand journaliste de sport qu’a connu le Burundi… »
Merci pour les autres qui ne cessent de se couper en 4 pour bien te commenter les événements sportifs.