Vendredi 22 novembre 2024

Culture

Au coin du feu avec Tharcisse Ndayizeye

16/11/2019 Commentaires fermés sur Au coin du feu avec Tharcisse Ndayizeye
Au coin du feu avec Tharcisse Ndayizeye

Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Tharcisse Ndayizeye.

Votre qualité principale ?

Je suis entreprenant. Un bon coach. Mes amis  me disent qu’ils font recours à moi quand ils veulent entreprendre quelque-chose. Un de mes cinq amis a écrit que je me comporte comme l’abeille qui, à tout prix, trouve du miel sur chaque fleur.

Votre défaut principal ?

(Rires). J’ai tendance à croire que je n’ai que des qualités. Mais le principal défaut est mon franc-parler.  Le plus souvent, je suis capable de dénoncer un défaut de quelqu’un  en sa présence pour qu’il se  corrige. Ce que les  autres hésitent souvent de faire.

 La qualité que vous préférez chez les autres ?

Honnêteté. La vérité est la clef de plusieurs portes

Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ?

Le mépris qui est une atteinte à la dignité humaine.  Cette dernière est une valeur irremplaçable.

La femme que vous admirez le plus ?

Ma maman. En effet,  un jour, elle  a posé un geste extraordinaire. Elle a demandé un crédit de 4000BIF aux voisins alors qu’elle avait 30 000BIF. C’était  juste pour tester si elle peut compter sur eux. Côté gestion, mon épouse  n’a pas d’égale.

Parmi les leaders femmes, j’apprécie l’humilité de la 1ère Dame  dans ses discours spirituels et d’encadrement de la fille/femme burundaise. Son  accoutrement et celui de ses enfants me poussent à la considérer comme Femme leader surtout sous dimension socle familial.

 

 L’homme que vous admirez le plus ?

Mon papa Mathieu Burigambi  qui vient de me quitter le 14 janvier 2019. Il reste  ma source d’inspiration. Il était prisonnier de la vérité quelles que soient les conséquences.

Comme acteur de l’environnement, le Pape François est un leader mondial, un modèle. Dès  son Pontificat, il a  appelé  tout le monde surtout les dirigeants pour: « agir ensemble afin de sauver notre maison commune » en affirmant  que les changements climatiques, la perte de la  biodiversité et la  déforestation sont décourageants.

Il dénonce une négligence collective au nom de la planète. Il s’avère impératif de mener des actions immédiates et fortes pour sauvegarder l’environnement.

 

Votre plus beau souvenir ?

Ils sont nombreux. Mais, le principal c’est quand j’ai failli être enterré vivant.  J’ai été déclaré mort  par le médecin soignant Français (Fabrice)  de l’organisation MSF (Médecin sans Frontière) alors que j’étais en  état comateux. Et en route vers la morgue, j’ai toussé  et le brancardier à rebrousser chemin vers mon lit d’hospitalisation. Cela  se passe en février 2002 à l’hôpital de Kayanza quand je faisais mon Service Militaire Obligatoire.

Je suis persuadé, surtout qu’en milieu rural, il y a des gens qui sont enterrés vivants.

Votre plus triste souvenir ?

Là aussi, ils sont nombreux mais l’injustice subie en  Afrique Australe m’a beaucoup marqué. Je  travaillais comme Manager d’une entreprise.

Tenez ! Le mal que connaît l’Afrique australe sur la xénophobie s’étend au-delà de l’Afrique du sud. Car, ils ont un caractère xénophobe en Afrique du sud, en Mozambique, en Zambie. En Mozambique, la justice pour un étranger n’existe pas, pour la simple raison que tu es étranger. C’est le pays parmi, les plus corrompus du monde. On nous a volé des biens à l’entreprise. Quand j’ai porté plainte, j’ai été emprisonné deux jours. C’est   grâce à MANEGE François qui a intervenu avec un avocat pour dénoncer cette injustice.

Quel serait votre plus grand malheur ?

« Manquer de la compassion a quelqu’un  en Détresse ».

Cela me rappelle, quand j’ai accompagné un ami intime, voisin et Collègue d’Université (Jackson) vers l’Hôpital Roi Khaled dans l’espoir que sa femme donne naissance. C’était  le 15 juin 2016.

Nous avons perdu   la maman de 23 ans et l’enfant. J’ai failli ne pas rentrer à la maison. Car, je ne trouvais pas quoi dire à mes enfants sur la mort d’une maman qui leur était proche, familière. Elle était la seule autorisée de prendre notre enfant chez elle.  J’ai été foudroyé.  J’ai pleuré et quelqu’un m’a demandé pourquoi je pleure alors qu’apparemment la défunte était de l’autre ethnie !!!  Cela a sonné comme un poignard dans mon dos et j’ai failli finalement déprimer.

Le plus haut fait de l’histoire burundaise ?

C’est l’indépendance de notre Pays

La plus belle date de l’histoire burundaise ?

La date de Naissance du Prince Louis Rwagasore, héros de l’indépendance.

La plus terrible ?

La date de la mort du président Melchior  Ndadaye

Le métier que vous auriez aimé faire ?

Coach d’un club de football, entrepreneur, etc.

 Votre passe-temps préféré ?

Passer du temps avec mes enfants. Mettre mes enfants en voiture et circuler en  ville et répondre à leur question et leur offrir des biscuits et du jus. Tout ce qu’un enfant de Bujumbura peut demander comme ballon, vélo, etc.

Votre lieu préféré au Burundi ?

Ma colline natale, Mubira, zone Nyagasasa (i Bushungura)

Le pays où vous aimeriez vivre ?

Burundi

Le voyage que vous aimeriez faire ?

J’ai vraiment hâte de  visiter Israël pour un rapprochement réel des écritures bibliques

Votre rêve de bonheur ?

Voir mes enfants heureux, fonder et réussir leurs foyers

 Votre plat préféré ?

(Rires). Petits pois mélangés aux pommes de terre

Votre chanson préférée   ?

Soon and very soon, we are going to see The King alleluia, alleluia, d’Andréa Crouch

Quelle radio écoutez-vous ?

Je regarde la télévision nationale lors des émissions Tumarane Irungu et Ninde.  Comme enseignant, c’est juste pour détecter le degré  de la  compréhension de notre population. Pour l’actualité internationale, j’écoute  la Radio France Internationale (RFI).

Avez-vous une devise ?

« Tout est possible, à condition d’écouter, d’avoir de la patience et de la détermination

Votre souvenir du 1er juin 1993 ?

Je n’ai pas vraiment de souvenir. Comme jeune élève sans proche qui est dans les postes politiques ou qui prétend l’être, je n’avais pratiquement rien à perdre ou à gagner.

Votre définition de l’indépendance ?

C’est recouvrer la dignité Humaine. Mais  je crois que finalement la lutte pour l’indépendance est un combat continuel. C’est comme le virus et l’antivirus.  On doit mettre à jour la lutte par des stratégies adaptées, appropriées et au bon moment.

Votre définition de la démocratie ?

C’est l’expression d’une personne de ce qu’elle veut dans le présent et dans le futur. Mais curieusement je ne pense pas qu’il y a un modèle standard applicable à toutes les sociétés du monde. D’où,  il faut une adaptation et un modèle propre à chaque communauté ou un terroir spécifique.

Votre définition de la justice ?

C’est une organisation de la société pour que chacun jouisse  de ses droits et libertés selon la loi et les usages.

Si vous étiez ministre de l’Environnement, quelles seraient vos deux premières mesures ?

– Valoriser le lac Tanganyika en proposant  un ouvrage ultramoderne national (pour la valorisation du lac Tanganyika) sous forme d’Hôtel  et lieux de loisirs où on s’approvisionne en Ndangala ou en d’autres produits halieutiques et aquacoles spécifiques à ce patrimoine, où on assiste aux ‘’murisho’’ des tambours, etc. Une façon d’attirer les touristes (pour faire entrer les devises) du monde (500 dollars par exemple par visiteur  hors continent en une journée et 100 dollars pour un Africain).

– Elaborer un plan permettant la réparation des dommages causés par tout pollueur local, régional, occidental ou ailleurs car ces derniers s’enrichissent au détriment des communautés.

Si vous étiez ministre de l’Education, quelles seraient vos deux premières mesures ?

Ma première mesure serait l’introduction d’un cours/séance de détection des talents des enfants  dans toutes les classes, toutes écoles : des athlètes de tout genre : course, saut, natation, boxe, dessin, jeux  comme football, basketball, volleyball, javelot, disque, etc.

Nos enseignants croient toujours que pour être intelligent, il faut avoir maximum en calcul/maths et en français alors que le monde a migré vers autre chose.

Je ne sais pas si Albert Einstein, Messi, Usain Bolt, Serena Williams, etc ne seront pas toujours connus comme des génies chacun dans son domaine.

Une place de choix serait donnée aux valeurs humaines  et aux martyrs.  La croix de NDADAYE, un itinéraire qui montre son parcours de souffrance du palais jusqu’à la maison dans laquelle il a été tué et devrait être  dans l’ouvrage des Martyrs. Idem pour les élèves de BUTA  comme ils sont appelés les martyrs de fraternité. Ce lieu devrait être visité  et renseigné dans les manuels scolaires.

 Croyez-vous à la bonté humaine ? 

Bien sûr. Oui, j’ai des exemples de Perles rares avec des cœurs très ouverts au monde. Ici   je note trois personnes  en plus des Héros déjà mentionnés.

Mon oncle Me Anatole Nsengiyumva  qui est mon modèle social. Il  est l’obole de l’indiffèrent qui passe et a une affection et un don de l’ami qui demeure.

Monseigneur Hermenegilde Ndoricimpa qui est  ma boussole d’intelligence stratégique d’entreprise dans une bienveillance active sans égal.

Le sage  François Manege qui est  mon mentor.

Pensez-vous à la mort ?

Oui. Mais la mort est inéluctable. C’est ce que l’on ne peut ni éviter ni réparer. Curieusement, je ne sais pas si c’est cause de ce qui s’est passé en 2002 quand on m’a emballé pour m’acheminer à la morgue.  Je  n’ai pas peur de la mort et je ne la situe pas même proche de moi. Car,  j’ai un programme des actions à réaliser et je ne perds pas le temps pour réfléchir à quelque chose qui échappe en grande partie à mon contrôle.

Si vous comparaissez devant Dieu, que lui direz-vous ?

Rien. Il est omniscient, plutôt, il peut me rappeler ce que j’ai oublié et me faire savoir ce que j’ignore. Néanmoins, si je dois dire quelque chose, je ne manquerais pas l’opportunité de poser une série de questions qui me sont jusque-ci sans réponse.

 

Propos recueillis par Rénovat Ndabashinze

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Bio-express

Né en 1979, à Mubira, commune Mugamba,  province Bururi, Tharcisse Ndayizeye est un consultant agro-environnementaliste avec une longue expérience dans la région. Ingénieur agronome, il a travaillé comme consultant auprès des Nations-Unies dans les pays de la Communauté Est Africaine (Burundi, Kenya, Tanzanie, Uganda et Rwanda). Il a exercé aussi en Afrique australe comme consultant (Mozambique et Swaziland). Il est consultant formateur avec à son actif l’initiation et l’évaluation des groupements et des coopératives (rôles, responsabilités et compétences des organes, gestion des infrastructures communautaires), l’animation des cadres des concertations sur les différents maillons de filière riz, gestion des infrastructures communautaires, les points saillants d’un contrat. M. Ndayizeye a participé dans les consultations comme consultant pour l’élaboration de la loi régissant les groupements pré-coopératifs, la loi régissant les sociétés coopératives au Burundi et dans East African Community. Avec une maîtrise en Sciences de l’environnement, il est enseignant aux différentes universités dont principalement Université des Grands-lacs en Développement Communautaire, Université lumière de Bujumbura en Génie civil, Université Martin Luther King en Santé communautaire. Comme ancien membre du Conseil National de la Jeunesse, M.Ndayizeye a une longue expérience dans l’élaboration des politiques et programmes comme consultant et des fois comme président des commissions techniques nationales. Dans le domaine de consultance, des organisations locales, nationales, régionales et internationales font appel à ses prestations en général et des jeunes en particulier.

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