Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Tharcisse Ndayizeye.
Votre qualité principale ?
Je suis entreprenant. Un bon coach. Mes amis me disent qu’ils font recours à moi quand ils veulent entreprendre quelque-chose. Un de mes cinq amis a écrit que je me comporte comme l’abeille qui, à tout prix, trouve du miel sur chaque fleur.
Votre défaut principal ?
(Rires). J’ai tendance à croire que je n’ai que des qualités. Mais le principal défaut est mon franc-parler. Le plus souvent, je suis capable de dénoncer un défaut de quelqu’un en sa présence pour qu’il se corrige. Ce que les autres hésitent souvent de faire.
La qualité que vous préférez chez les autres ?
Honnêteté. La vérité est la clef de plusieurs portes
Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ?
Le mépris qui est une atteinte à la dignité humaine. Cette dernière est une valeur irremplaçable.
La femme que vous admirez le plus ?
Ma maman. En effet, un jour, elle a posé un geste extraordinaire. Elle a demandé un crédit de 4000BIF aux voisins alors qu’elle avait 30 000BIF. C’était juste pour tester si elle peut compter sur eux. Côté gestion, mon épouse n’a pas d’égale.
Parmi les leaders femmes, j’apprécie l’humilité de la 1ère Dame dans ses discours spirituels et d’encadrement de la fille/femme burundaise. Son accoutrement et celui de ses enfants me poussent à la considérer comme Femme leader surtout sous dimension socle familial.
L’homme que vous admirez le plus ?
Mon papa Mathieu Burigambi qui vient de me quitter le 14 janvier 2019. Il reste ma source d’inspiration. Il était prisonnier de la vérité quelles que soient les conséquences.
Comme acteur de l’environnement, le Pape François est un leader mondial, un modèle. Dès son Pontificat, il a appelé tout le monde surtout les dirigeants pour: « agir ensemble afin de sauver notre maison commune » en affirmant que les changements climatiques, la perte de la biodiversité et la déforestation sont décourageants.
Il dénonce une négligence collective au nom de la planète. Il s’avère impératif de mener des actions immédiates et fortes pour sauvegarder l’environnement.
Votre plus beau souvenir ?
Ils sont nombreux. Mais, le principal c’est quand j’ai failli être enterré vivant. J’ai été déclaré mort par le médecin soignant Français (Fabrice) de l’organisation MSF (Médecin sans Frontière) alors que j’étais en état comateux. Et en route vers la morgue, j’ai toussé et le brancardier à rebrousser chemin vers mon lit d’hospitalisation. Cela se passe en février 2002 à l’hôpital de Kayanza quand je faisais mon Service Militaire Obligatoire.
Je suis persuadé, surtout qu’en milieu rural, il y a des gens qui sont enterrés vivants.
Votre plus triste souvenir ?
Là aussi, ils sont nombreux mais l’injustice subie en Afrique Australe m’a beaucoup marqué. Je travaillais comme Manager d’une entreprise.
Tenez ! Le mal que connaît l’Afrique australe sur la xénophobie s’étend au-delà de l’Afrique du sud. Car, ils ont un caractère xénophobe en Afrique du sud, en Mozambique, en Zambie. En Mozambique, la justice pour un étranger n’existe pas, pour la simple raison que tu es étranger. C’est le pays parmi, les plus corrompus du monde. On nous a volé des biens à l’entreprise. Quand j’ai porté plainte, j’ai été emprisonné deux jours. C’est grâce à MANEGE François qui a intervenu avec un avocat pour dénoncer cette injustice.
Quel serait votre plus grand malheur ?
« Manquer de la compassion a quelqu’un en Détresse ».
Cela me rappelle, quand j’ai accompagné un ami intime, voisin et Collègue d’Université (Jackson) vers l’Hôpital Roi Khaled dans l’espoir que sa femme donne naissance. C’était le 15 juin 2016.
Nous avons perdu la maman de 23 ans et l’enfant. J’ai failli ne pas rentrer à la maison. Car, je ne trouvais pas quoi dire à mes enfants sur la mort d’une maman qui leur était proche, familière. Elle était la seule autorisée de prendre notre enfant chez elle. J’ai été foudroyé. J’ai pleuré et quelqu’un m’a demandé pourquoi je pleure alors qu’apparemment la défunte était de l’autre ethnie !!! Cela a sonné comme un poignard dans mon dos et j’ai failli finalement déprimer.
Le plus haut fait de l’histoire burundaise ?
C’est l’indépendance de notre Pays
La plus belle date de l’histoire burundaise ?
La date de Naissance du Prince Louis Rwagasore, héros de l’indépendance.
La plus terrible ?
La date de la mort du président Melchior Ndadaye
Le métier que vous auriez aimé faire ?
Coach d’un club de football, entrepreneur, etc.
Votre passe-temps préféré ?
Passer du temps avec mes enfants. Mettre mes enfants en voiture et circuler en ville et répondre à leur question et leur offrir des biscuits et du jus. Tout ce qu’un enfant de Bujumbura peut demander comme ballon, vélo, etc.
Votre lieu préféré au Burundi ?
Ma colline natale, Mubira, zone Nyagasasa (i Bushungura)
Le pays où vous aimeriez vivre ?
Burundi
Le voyage que vous aimeriez faire ?
J’ai vraiment hâte de visiter Israël pour un rapprochement réel des écritures bibliques
Votre rêve de bonheur ?
Voir mes enfants heureux, fonder et réussir leurs foyers
Votre plat préféré ?
(Rires). Petits pois mélangés aux pommes de terre
Votre chanson préférée ?
Soon and very soon, we are going to see The King alleluia, alleluia, d’Andréa Crouch
Quelle radio écoutez-vous ?
Je regarde la télévision nationale lors des émissions Tumarane Irungu et Ninde. Comme enseignant, c’est juste pour détecter le degré de la compréhension de notre population. Pour l’actualité internationale, j’écoute la Radio France Internationale (RFI).
Avez-vous une devise ?
« Tout est possible, à condition d’écouter, d’avoir de la patience et de la détermination.»
Votre souvenir du 1er juin 1993 ?
Je n’ai pas vraiment de souvenir. Comme jeune élève sans proche qui est dans les postes politiques ou qui prétend l’être, je n’avais pratiquement rien à perdre ou à gagner.
Votre définition de l’indépendance ?
C’est recouvrer la dignité Humaine. Mais je crois que finalement la lutte pour l’indépendance est un combat continuel. C’est comme le virus et l’antivirus. On doit mettre à jour la lutte par des stratégies adaptées, appropriées et au bon moment.
Votre définition de la démocratie ?
C’est l’expression d’une personne de ce qu’elle veut dans le présent et dans le futur. Mais curieusement je ne pense pas qu’il y a un modèle standard applicable à toutes les sociétés du monde. D’où, il faut une adaptation et un modèle propre à chaque communauté ou un terroir spécifique.
Votre définition de la justice ?
C’est une organisation de la société pour que chacun jouisse de ses droits et libertés selon la loi et les usages.
Si vous étiez ministre de l’Environnement, quelles seraient vos deux premières mesures ?
– Valoriser le lac Tanganyika en proposant un ouvrage ultramoderne national (pour la valorisation du lac Tanganyika) sous forme d’Hôtel et lieux de loisirs où on s’approvisionne en Ndangala ou en d’autres produits halieutiques et aquacoles spécifiques à ce patrimoine, où on assiste aux ‘’murisho’’ des tambours, etc. Une façon d’attirer les touristes (pour faire entrer les devises) du monde (500 dollars par exemple par visiteur hors continent en une journée et 100 dollars pour un Africain).
– Elaborer un plan permettant la réparation des dommages causés par tout pollueur local, régional, occidental ou ailleurs car ces derniers s’enrichissent au détriment des communautés.
Si vous étiez ministre de l’Education, quelles seraient vos deux premières mesures ?
Ma première mesure serait l’introduction d’un cours/séance de détection des talents des enfants dans toutes les classes, toutes écoles : des athlètes de tout genre : course, saut, natation, boxe, dessin, jeux comme football, basketball, volleyball, javelot, disque, etc.
Nos enseignants croient toujours que pour être intelligent, il faut avoir maximum en calcul/maths et en français alors que le monde a migré vers autre chose.
Je ne sais pas si Albert Einstein, Messi, Usain Bolt, Serena Williams, etc ne seront pas toujours connus comme des génies chacun dans son domaine.
Une place de choix serait donnée aux valeurs humaines et aux martyrs. La croix de NDADAYE, un itinéraire qui montre son parcours de souffrance du palais jusqu’à la maison dans laquelle il a été tué et devrait être dans l’ouvrage des Martyrs. Idem pour les élèves de BUTA comme ils sont appelés les martyrs de fraternité. Ce lieu devrait être visité et renseigné dans les manuels scolaires.
Croyez-vous à la bonté humaine ?
Bien sûr. Oui, j’ai des exemples de Perles rares avec des cœurs très ouverts au monde. Ici je note trois personnes en plus des Héros déjà mentionnés.
Mon oncle Me Anatole Nsengiyumva qui est mon modèle social. Il est l’obole de l’indiffèrent qui passe et a une affection et un don de l’ami qui demeure.
Monseigneur Hermenegilde Ndoricimpa qui est ma boussole d’intelligence stratégique d’entreprise dans une bienveillance active sans égal.
Le sage François Manege qui est mon mentor.
Pensez-vous à la mort ?
Oui. Mais la mort est inéluctable. C’est ce que l’on ne peut ni éviter ni réparer. Curieusement, je ne sais pas si c’est cause de ce qui s’est passé en 2002 quand on m’a emballé pour m’acheminer à la morgue. Je n’ai pas peur de la mort et je ne la situe pas même proche de moi. Car, j’ai un programme des actions à réaliser et je ne perds pas le temps pour réfléchir à quelque chose qui échappe en grande partie à mon contrôle.
Si vous comparaissez devant Dieu, que lui direz-vous ?
Rien. Il est omniscient, plutôt, il peut me rappeler ce que j’ai oublié et me faire savoir ce que j’ignore. Néanmoins, si je dois dire quelque chose, je ne manquerais pas l’opportunité de poser une série de questions qui me sont jusque-ci sans réponse.
Propos recueillis par Rénovat Ndabashinze