Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Sylvestre Ciza.
Votre qualité principale ?
Je pense que je suis un bon travailleur. Je travaille beaucoup pour gagner ma vie.
Votre défaut principal ?
Je m’énerve souvent. Lorsque je vois quelqu’un en train d’être maltraité, je ne supporte pas. J’ai toujours envie de m’interposer et quand je ne peux pas, ce sentiment d’impuissance me ronge.
La qualité préférée chez les autres ?
J’aime les gens qui ont une certaine empathie, qui ne cultivent pas la violence, qui sont souples et qui comprennent les autres.
Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ?
J’exècre la haine et tous ses corollaires.
La femme que vous admirez le plus ?
La mienne. Elle est là pour m’accueillir comme il faut, me servir chaque fois que de besoin. C’est une femme, parfois un peu sévère, elle ne tolère pas la fainéantise. Elle admire des travailleurs assidus. Bref, j’admire toute femme respectueuse envers son conjoint et envers les autres.
L’homme que vous admirez le plus
Tout homme qui a donné sa vie pour sa Nation, comme le Prince Louis Rwagasore. Ici je peux citer encore Nelson Mandela. En gros, j’admire tout homme intègre, impartial, qui ne se vante pas, qui témoigne ses paroles par des actions concrètes.
Votre plus beau souvenir ?
C’est lorsque j’ai eu mon diplôme D4. J’avais suffisamment travaillé pendant plusieurs années, et lorsque je l’ai obtenu, j’étais très content. C’était au cours de l’année scolaire 1972-1973.
Votre plus triste souvenir ?
J’en ai deux principaux. Le premier, c’est lorsque j’ai perdu mon père, en 1994, de mort naturelle. Le second, c’est la mort de ma mère, en décembre 2018.
Quel serait votre plus grand malheur ?
Ma mort avant que je me repente.
Le plus haut fait de l’histoire burundaise ?
L’indépendance du Burundi, puis la venue de la démocratie en 1993. Ensuite, c’est le moment que nous vivons aujourd’hui. Le pays est relativement en paix. Je ne suis plus réfugié, il ne faut plus qu’il y ait des réfugiés.
La plus belle date de l’histoire burundaise ?
C’est peut-être en 2005 lorsque le chef de l’Etat Pierre Nkurunziza a accédé au pouvoir comme président de la République du Burundi.
La plus terrible ?
Dans ma vie, c’est lorsqu’on a perdu le père de la démocratie Melchior Ndadaye. Car presque tous les malheurs se sont abattus sur notre pays. Nous avons peiné pour nous en sortir.
Le métier que vous aimeriez faire ?
J’aurais aimé être journaliste même si souvent il y a des menaces. J’aurais aussi préféré être écrivain ou homme de théâtre.
Votre passe-temps préféré ?
Je joue de la musique et je lis souvent. Je suis vraiment esclave du livre.
Votre lieu préféré au Burundi ?
C’est ici à Kirundo, tout près des lacs du nord.
Le pays où vous aimeriez vivre ?
Depuis longtemps j’ai rêvé vivre en Europe exactement en Allemagne ou en France.
Le voyage que vous aimeriez faire ?
Un voyage en France pour voir des sites touristiques, des monuments, etc.
Votre rêve de bonheur ?
Etre un bon musicien. Que mes œuvres, mes chansons soient admirées par beaucoup de monde.
Votre plat préféré ?
Moi je ne suis pas très exigeant en matière de plat. Mais j’aime beaucoup le poisson.
Votre chanson préférée ?
J’aime beaucoup la chanson de David Nikiza : « Shorezi inyange, yobora yobora ».
Quelle radio écoutez-vous ?
La radio nationale. J’écoute aussi souvent RFI parce qu’il y a des émissions suffisamment variées. C’est riche.
Avez-vous une devise ?
Amour du travail pour ne pas mourir pauvre.
Votre souvenir du 1er juin 1993 ?
La peur. On avait tellement peur ici à l’intérieur du pays. On pensait qu’on allait mourir. Ce jour-là, je n’ai pas bougé de la maison. La journée a été terrible. Mais personne ne m’a touché. Mais j’ai vécu une situation de stupeur, de panique.
Votre définition de la démocratie ?
Pour moi, c’est une façon de se sentir libre, capable d’exprimer ses idées sans contraintes. Quand la justice est là pour tout le monde et pas une justice partiale qui incite à la haine.
Votre définition de l’indépendance ?
Pour un pays, il faut qu’un pays soit libre, sans ces gens de l’extérieur qui nous intimide, qui nous fassent des fausses promesses, que chaque Burundais vive à l’aise quoi que pauvre.
Votre définition de la justice ?
Un arbitre, un médiateur juste et impartial. Que tous les justiciables y aient accès et soient traités de la même façon sans distinction. Qu’on ne parle plus de pourboires, des pots de vin pour avoir gain de cause.
Si vous étiez ministre de la Culture, quelles seraient vos deux premières mesures ?
Promouvoir la musique et le sport. En deuxième lieu, il faut un soutien moral et physique pour la jeunesse et encourager ces jeunes artistes afin qu’ils puissent aller de l’avant, progresser positivement.
Croyez-vous à la bonté humaine ?
Bien sûr j’y crois. S’il n’y en avait pas, je ne serais plus peut-être encore en vie. Il faut y croire, tous les hommes ne sont pas mauvais.
Pensez-vous à la mort ?
Evidemment. Parce qu’un jour ou un autre, je vais mourir. C’est inévitable, un passage obligé.
Si vous comparaissez devant Dieu, que lui diriez-vous ?
Je lui demanderais d’avoir pitié de moi, de m’accueillir dans son Royaume. Ensuite, je lui demanderais d’être un peu compatissant avec les vivants, qu’il soit si doux comme il l’est toujours.
Propos recueillis par Rénovat Ndabashinze