Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Sixte Vigny Nimuraba.
Votre qualité principale ?
L’amour de la recherche. J’aime comprendre les choses en profondeur. Même un domaine difficile, j’essaie de faire de mon mieux pour pouvoir m’y adapter d’une façon ou d’une autre.
Votre défaut principal ?
Vouloir savoir tout. Quand vous voulez apprendre tout, vous finissez par ne rien apprendre.
La qualité que vous préférez chez les autres ?
J’aime les gens qui fournissent des efforts. Si tout le monde se met au travail, cela va contribuer au développement du pays, pourquoi pas du monde entier.
Le défaut que vous ne tolérez pas chez les autres ?
Je ne tolère pas le mensonge et l’hypocrisie.
La femme que vous admirez le plus ?
Ma mère. Elle a fourni beaucoup d’efforts pour que je puisse atteindre ce niveau. Mon père vivait avec un handicap physique même avant ma naissance. C’est ma mère qui travaillait seule pour nous faire vivre.
Elle a fait preuve de bravoure dans des conditions difficiles. Elle mettait en avant l’amour, la charité. Et c’est dommage qu’elle ne soit plus en vie.
L’homme que vous admirez le plus ?
Mon père. Malgré son handicap physique, il a contribué mentalement à organiser la famille. Il est parvenu à scolariser ses enfants.
Votre plus beau souvenir ?
C’est le jour où j’ai décroché mon diplôme de master dans la résolution des conflits. J’avais vraiment l’envie d’être appelé maître.
Votre plus triste souvenir ?
La perte de ma mère. Il est vrai que j’ai été à côté d’elle pendant les derniers moments, mais il m’a été très difficile de gérer cette disparition.
La plus belle date de l’histoire burundaise ?
C’est le jour où le Burundi a accédé à l’indépendance. C’est quelque chose qu’on doit savourer. Mais il ne suffit pas de se contenter à chaque fois des cérémonies du 1er juillet. Il faut un engagement de tout un chacun pour maintenir notre indépendance et la faire valoir en tout et en tout lieu.
La plus terrible ?
Il y en a plusieurs. Je ne saurais en donner la plus terrible.
Le métier que vous auriez aimé faire ? Et pourquoi ?
C’est l’enseignement. J’ai toujours rêvé d’être enseignant. Quand j’ai commencé à enseigner à l’école secondaire et même à l’Université, j’ai remarqué que c’est un moment d’échange très fructueux avec les apprenants.
C’est un moment qui laisse des traces mais qui transforme aussi les vies. Enseigner est une bonne chose, mais transmettre la sagesse en est une autre. Quand vous enseignez tout en transmettant la sagesse cela peut vous amener à transformer non seulement le pays mais aussi le monde.
Votre passe-temps préféré ?
Dans mon temps libre, je joue à la guitare, au piano. J’aime la conduite des motos. J’aime aussi la lecture et écrire des poèmes. Quand j’étais à l’Université, j’ai produit un recueil de poèmes.
Votre lieu préféré au Burundi ?
Karusi, ma province natale.
Le pays où vous aimeriez vivre ?
Le Burundi. J’ai été à l’étranger pendant plusieurs années. J’y avais même du travail. Je pouvais donc y rester. J’aime savourer ce beau climat, Des étrangers préfèrent venir au Burundi pour y passer leur retraite.
Votre rêve de bonheur ?
Ce sont des contributions que je vais faire à la famille, à la nation et au monde entier. Mon rêve est la transformation de la société. Si les gens changent de comportement en termes de niveau de vie, de relations sociales d’une façon positive, cela me tient à cœur. Si je parviens à apporter ma contribution dans ce sens, cela m’enchantera.
Quelle radio écoutez-vous ?
La RTNB.
Avez-vous une devise ?
Non.
Votre souvenir du 1er juin 1993 ?
J’étais encore très jeune. Je n’en connais pas grand-chose.
Votre définition de la démocratie ?
D’une façon classique, c’est le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple. Pour moi, il faut que toute personne qui est dans une position de prise de décision fasse quelque chose qui améliore les conditions de vie des gouvernés.
Dans la démocratie, il faut du leadership. Je fais partie du Conseil international sur le leadership qui rassemble tous les experts leaders du monde entier. Ce que l’on met en avant, c’est le bien-être de toute personne.
Il faut que toute personne, quelle qu’elle soit, dans n’importe quelle position qu’elle occupe, améliore les conditions de vie de la population, les relations sociales, promeuve la paix, prévienne les conflits. Tout cela pourra asseoir la démocratie.
Votre définition de la justice ?
Ne faites pas quelque chose à autrui que vous ne voulez pas que l’on vous fasse. N’offense personne.
Si vous deveniez ministre des droits de l’Homme, quelles seraient vos deux premières mesures ?
Je ne suis pas intéressé par ce genre de poste. Ce qui m’intéresse, c’est ce que je suis en train de faire en tant que président de la Cnidh. Ce qui me tient à cœur, c’est la promotion et la protection des droits de l’Homme. Je vais donc enseigner à la population le bien fondé du respect des droits de l’Homme et le mal que l’on fait à autrui en les violant.
Vous traitez beaucoup de dossiers en rapport avec les droits de l’Homme. Quel est le dossier qui vous a le plus marqué ?
Je dois souligner ici que nous devons travailler dans la confidentialité pour certains dossiers. Mais vous devez savoir qu’il y a des dossiers très difficiles à traiter, notamment des dossiers sensibles impliquant des gens haut placés. Mais on doit toujours trouver des stratégies pour y faire face.
Quelle stratégie avez-vous prise pour remettre la Cnidh au statut A ?
Il a fallu d’abord savoir les causes de la rétrogradation. Ensuite, au terme de chaque évaluation par les institutions des droits de l’Homme, il y a des raisons qui sont avancées qui vous montrent pourquoi on a attribué telle ou telle note à une commission.
Il faut savoir comment travailler avec les partenaires et autres institutions des droits de l’Homme. Et ce sont ces dernières qui vous évaluent.
Il faut aussi jouer sur la communication. Être ouvert aux médias, produire régulièrement des rapports. Il faut être à l’écoute de la population.
Des regrets dans l’accomplissement de votre travail en tant président de la Cnidh ?
On ne peut pas avoir des regrets quand on a fait son travail consciencieusement. On a fait tout pour servir le peuple. Le seul regret, c’est la contrainte du temps. J’aurais aimé avoir plus de temps pour traiter le maximum de dossiers. Mais en termes de réalisations, je suis comblé.
Bientôt, c’est la fin de votre mandat, comptez-vous poser encore votre candidature ?
Je ne sais pas encore, mais c’est permis par la loi. Ce qui me plaît c’est qu’à la fin de ce mandat je pourrai dire que j’ai fait ce que je devais faire. Mais il appartient aux autres de juger le travail que j’ai accompli.
Croyez-vous à la bonté humaine ?
Bien sûr que oui, sinon le monde n’existerait pas.
Pensez-vous à la mort ?
Oui. Personne n’y échappera.
Si vous comparaissez devant Dieu, que lui direz-vous ?
Je Lui demanderais pardon là où je n’ai pas accompli sa volonté et Lui présenterais le minimum que j’ai pu faire.
Propos recueillis par Félix Haburiyakira
Le Président de la CNIDH se vante de ses « réalisations » et d’avoir « fait son travail consciencieusement ». Qu’a-t-il fait exactement ? C’est trop facile, en réponse à la question du journaliste, de se cacher derrière la confidentialité. Bon prétexte pour éviter de nous donner des exemples concrets.
M. Nimuraba est fier du statut A de la CNIDH. Mais il ne faut pas se faire d’illusions. Le manque d’indépendance de cette institution est frappant. Il suffit de lire ses rapports pour constater sa réticence à dénoncer les violations des droits de l’homme commises par des agents de l’État. Et puis tous les Burundais savent que les Imbonerakure ont commis des exactions en collaboration avec des agents du service de renseignement, mais la CNIDH n’en parle jamais. Pourquoi ?
La CNIDH, sous la présidence de M. Nimuraba, est restée silencieuse face aux assassinats politiques et a minimisé la gravité et le nombre de disparitions forcées et de cas de torture. Prétend-il travailler sur ces dossiers en coulisse ? Dans ce cas, il devrait nous montrer les résultats de ses démarches.
M. Nimuraba « aime les gens qui fournissent des efforts ». Quels efforts a-t-il fournis en faveur des nombreuses victimes d’arrestations arbitraires, d’actes de torture et d’assassinats politiques ou pour faire libérer les prisonniers politiques qui restent derrière les barreaux ?
Enfin M. Nimuraba déclare : « je ne tolère pas le mensonge et l’hypocrisie ». Qu’il assume alors son vrai visage politique et qu’il arrête d’essayer de manipuler l’opinion publique. Les Burundais ne sont pas dupes. M. Nimuraba ne peut pas faire semblant de défendre les droits de l’homme alors que de toute évidence, il préfère défendre le gouvernement. Peut-être qu’il devrait en effet devenir ministre des droits de l’homme : au moins là, il pourrait assumer pleinement son rôle.
Je connais des présidents africains qui se font élire mandat après mandat illégaux alors que leurs pays deviennent plus pauvres et plus corrompus. L’un d’eux a le qualificatif de pays le plus pauvre et le plus corrompu au monde
Ce Vigny est une caisse de raisonance du pouvoir CNDD-FDD et il ose mentir qu’il a fait beaucoup de choses à la tête de CNDH!! Le ridicule ne tue pas. Tout simplement il fallait qu’il dise qu’il travaille pour le compte du CNDD-FDD et non CNDH.
@Ndayegamiye Joseph
Même après avoir réalisé des choses, il devrait attendre que ce soit les autres qui lui lancent des fleurs avant qu’il ne fasse de l’autosatisfaction.
Ne mens pas,c’est un homme digne de son nom.
Il mérite le 2nd mandat.