Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Siméon Barumwete
Votre plus beau souvenir ?
C’est la soutenance de ma thèse, le 19 mars 2010. Elle a coïncidé avec la fête de Saint Joseph, patron des travailleurs. J’aime le travail mais depuis ce jour, j’ai compris que ce diplôme de doctorat en science politique devrait changer ma vision sur le travail et les travailleurs. C’est pourquoi, je consacre une partie de mon temps à l’action syndicale pour la défense des intérêts professionnels de mes collègues.
Votre plus triste souvenir ?
L’assassinat du Président Ndadaye, le 21 octobre 1993 et les tueries qui l’ont suivi. Après plusieurs années de politique d’unité nationale, de dialogue, de concertation et de début du processus de démocratisation du pays, l’intolérance et les violences politiques ont pris le dessus. Le Burundi est tombé dans un gouffre profond et aujourd’hui, il peine terriblement à s’en sortir.
Quel serait votre plus grand malheur ?
Mon plus grand malheur serait de ne pas éduquer mes enfants en fonction des valeurs auxquelles je crois comme fondamentales telles que la justice, l’excellence, le mérite, l’amour du travail bien fait, l’honnêteté, l’intégrité, la vérité. Cependant, la réalité est autre chose. Je ne sais pas comment faire pour leur montrer que le contraire de ce qu’ils voient est meilleur.
Le plus haut fait de l’histoire burundaise ?
C’est l’Accord d’Arusha. Après plusieurs années de violences cycliques et meurtrières, les Burundais sont parvenus à dépasser leurs clivages (ethniques, politiques et régionaux, etc.) et ils se sont entendus sur les principes, les mécanismes et les institutions visant le partage du pouvoir d’une part entre les Hutu et les Tutsi, et d’autre part entre les partis majoritaires et les partis minoritaires. Aujourd’hui, la révision de la Constitution balaie ces acquis et instaure un régime présidentiel mono – centré. C’est donc un pas en arrière par rapport à l’esprit d’Arusha.
La plus belle date de l’histoire burundaise ?
Le 28 août 2000. Normalement, la plus belle date serait le 1er juillet 1962, date de recouvrement de notre souveraineté perdue vers la fin du XIXème siècle avec l’occupation du Burundi par l’Allemagne et le début de notre assujettissement. Mais l’indépendance a été mal gérée par les Burundais.
Le 28 août 2000 semble enterrer la hache de la guerre et faire miroiter de l’espoir qu’enfin la reconstruction du pays, la réconciliation nationale, la démocratie, la bonne gouvernance, la sécurité pour tous sont désormais à la portée des Burundais. Malheureusement, c’était de l’illusion. Les Burundais ne savent pas ce qu’ils veulent ou ce qu’ils cherchent. Ils ne savent pas tirer les leçons de leur passé. Ils ne font que reproduire les erreurs de leurs pères, grands-pères et arrières grands-pères.
La plus terrible ?
C’est le 21 octobre 1993
Le métier que vous auriez aimé faire ? Pourquoi ?
J’ai la chance de faire un métier que j’aime : le métier d’enseignant. Je suis convaincu que c’est le meilleur métier. C’est le seul métier qui nous permet d’espérer que demain sera meilleur qu’aujourd’hui puisque nous formons la jeunesse, le Burundi de demain.
Votre passe-temps préféré ?
J’aime lire et la compagnie de voisins et d’amis autour d’un pot.
Votre lieu préféré au Burundi ?
Mon lieu préféré, c’est mon bureau. En effet, je passe plus de temps dans mon bureau qu’ailleurs. Sinon le lac Tanganyika est une merveille.
Le pays où vous aimeriez vivre ? Pourquoi ?
J’aime vivre au Burundi même si un décalage énorme sépare le Burundi rêvé et le Burundi réel. Je rêve d’un Burundi pacifique, stable, démocratique, respectueux des droits de l’homme et prospère. Je garde espoir que la responsabilité des générations présentes est de construire ce Burundi rêvé.
Le voyage que vous aimeriez faire ?
J’aimerais visiter toute la région de la communauté de l’Afrique de l’Est : visiter les parcs nationaux de la Tanzanie, du Kenya. Rencontrer, échanger et apprécier la culture de ces peuples avec lesquels nous avons une même destinée.
Votre rêve de bonheur ?
La réussite dans ma vie de couple, la réussite de mes enfants dans leurs études et dans leur vie professionnelle
Votre plat préféré ?
J’aime le Mukeke bien grillé
Votre chanson préférée ?
« Umugabo nya mugabo » de Ncanjo Amisi
Quelle radio écoutez-vous ?
En international, j’écoute Europe 1 sur YouTube et la RFI. Au Burundi, j’écoute exclusivement Isanganiro.
Avez-vous une devise ?
Oui, j’ai une devise : Travail –Rigueur – Persévérance
Votre définition de l’indépendance ?
L’indépendance est un état pour un pays libéré de la domination étrangère surtout au niveau politique. La gestion des affaires publiques est l’affaire des nationaux. Mais au niveau économique, les pays sont interdépendants car aucun pays ne peut se suffire. Chaque pays doit compter sur les autres pour avoir les ressources dont il a besoin pour conduire son développement.
Votre définition de la démocratie ?
La démocratie est à la fois une forme de régime politique mais aussi un système de valeurs. Il ne suffit pas de proclamer qu’un pays est démocratique lorsque certaines valeurs ne sont pas partagées comme le respect de la vie, le respect de la différence, le non recours à la force, le respect de l’opposition, l’alternance politique, la séparation des pouvoirs, l’Etat de droit, etc.
Votre définition de la justice ?
La justice est une façon d’organiser la société pour que chacun ait ce à quoi il a droit, rien de plus, rien de moins.
Si vous étiez le Président de la République du Burundi, quelles seraient vos deux premières mesures ?
La première mesure est de proclamer un Etat de droit au Burundi (justice) pour que chacun ait ce à quoi il a droit (sans plus ni moins) : pour cela, j’engagerai une lutte contre la corruption par la mise en place des mécanismes de transparence dans l’accès aux emplois publics, aux marchés publics, etc.
La deuxième mesure est celle en lien avec la bonne gouvernance. Etre à l’écoute des Burundais, des organisations de la société civile, des organisations politiques, des partenaires techniques et financiers. Associer, impliquer et faire participer tous ces acteurs au processus décisionnel. Les politiques publiques devraient être le reflet du consensus et des partenariats entre les différents acteurs et à tous les niveaux.
Si vous étiez ministre de l’Enseignement Supérieur, quelles seraient vos deux premières mesures ?
La première mesure est de valoriser le métier d’enseignant en vue de rehausser la qualité de l’enseignement. Les enseignants doivent être fiers de leur métier, être motivés et s’engager corps et âme au service de nos étudiants. Pour cela, les efforts du gouvernement doivent être fournis dans le relèvement de leur salaire à tous les niveaux.
La deuxième mesure est d’instaurer l’excellence à tous les niveaux dans l’enseignement et sur tous les aspects (recrutement, promotion, bourses d’études, etc.)
Croyez-vous à la bonté naturelle de l’homme ?
Je crois plutôt que l’homme est perfectible. Je ne désespère jamais de lui quelles que soient ses faiblesses, ses erreurs et ses déboires. L’homme peut toujours trouver les ressorts de changer.
Pensez-vous à la mort ?
Je crois à l’immortalité de l’âme et pour cela je crois à la communion des saints. Ce que nous appelons la mort n’est qu’un passage d’un endroit à un autre. Voilà ma croyance en tant que catholique pratiquant.
Si vous comparaissez devant Dieu, que lui direz-vous ?
Je lui dirai merci de m’avoir donné la vie et d’avoir fait confiance en moi en me donnant des enfants, un pays, des compatriotes, des camarades, etc. Je lui dirai que mes intentions étaient toujours sincères même si les actions concrètes me trahissaient. Je lui demanderai pardon pour toutes mes bêtises et celles de toute l’humanité.