Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Salvator Kaboneka.
Votre qualité principale
Je suis diligent et déterminé. Quand je me fixe un objectif, je fais tout ce qu’il faut pour l’atteindre. Certaines autres personnes me trouvent généreux et idéaliste.
Votre défaut principal
Là, certains me trouvent un peu trop passionné et intolérant. Intolérant surtout vis-à-vis de la médiocrité sociale, intellectuelle et surtout professionnelle.
La qualité que vous préférez chez les autres
Honnêteté doublée de modestie. L’amour du travail, loin de la routine qui pollue l’imagination et anesthésie l’innovation et la créativité qui sont les clés du progrès.
Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres
Honnêtement, je ne supporte pas l’hypocrisie, la médisance. Ce sont de véritables poisons pour le bon fonctionnement de toute organisation, fût-elle familiale, publique ou privée.
La femme que vous admirez le plus
Ce devait être ma mère forcément, mais je l’ai juste aperçue. Elle nous a quittés, elle, jeune et moi et mes frères enfants. Il y a de cela 45 ans. A côté d’elle, j’ai une grande admiration pour des femmes courageuses comme Rosa Parks, la noire américaine et beaucoup d’autres de ce calibre.
L’homme que vous admirez le plus
Sans hésitation aucune mon Père David Kaboneka. Ainé de famille devenu orphelin de père et de mère, très jeune et encore célibataire, il a pu accompagner ses frère et sœurs jusqu’à leur maturité et mariage. Comme un malheur ne vient jamais seul, il est devenu veuf (de ma mère) juste une dizaine d’années après son mariage. Dans toutes ces épreuves et dans un contexte social peu favorable, il a gardé courage et optimisme jusqu’aujourd’hui à 85 ans.
Votre plus beau souvenir
La naissance de mes cinq enfants. Peut-être aussi, mais à un autre niveau, l’obtention du certificat d’école primaire en 1974 et celle de mon diplôme de Doctorat en 1998. Le départ et le couronnement d’un long processus éducatif.
Votre plus triste souvenir
La mort de ma mère et celle plus tard de mon frère alors étudiant finaliste à l’Université du Burundi.
Quel serait votre plus grand malheur ?
Au niveau familial, perdre un membre de ma famille. A une autre échelle, voir le Burundi replonger dans la zizanie et la crise socio-politique qui ont marqué son histoire post-indépendance.
Le plus haut fait de l’histoire burundaise
La victoire de Mwezi Gisabo sur les troupes esclavagistes de Rumaliza. Mais tout compte fait, je me dis que le plus haut fait de l’histoire burundaise est à venir.
La plus belle date de l’histoire burundaise
L’indépendance du Burundi en 1962.
La plus terrible
Il y a eu plusieurs terribles dates dans l’histoire du Burundi indépendant : 1965, 1972, 1988, 1993. C’est terrible et innommable chaque fois qu’un voisin verse le sang de son voisin. Dans le processus, la communauté et le pays perdent deux vies, l’une physiquement, quand l’autre, dans son ignoble acte perd son âme, son « Ubuntu ».
Le métier que vous auriez aimé exercer
Je suis bien content et fier de mon métier d’agronome et enseignant. Jeune, je rêvais devenir Médecin. Je considère cette catégorie de professionnels comme des acolytes de Dieu sur terre. Ils y entretiennent sa création.
Votre passe-temps préféré
Quand j’étais encore jeune, j’aimais jouer au basket. Aujourd’hui amorti, je m’occupe à lire de bons livres essentiellement biographiques et des articles scientifiques glanés sur Google.
Votre lieu préféré au Burundi
Indéniablement Kirerama, ma sous-colline natale, située dans une sorte de cuvette entre quatre des plus hautes montagnes du Burundi. Les plus connues étant Mukike qui a donné son nom à la commune et Heha enregistrée comme le plus haut sommet du pays.
Le pays où vous aimeriez vivre
Le Burundi bien entendu. Le beau pays où je suis né et ai grandi. Et pourtant j’ai eu l’opportunité de voir du monde.
Le voyage que vous aimeriez faire
Israël, le fascinant pays de Jésus de Nazareth.
Votre rêve de bonheur
Voir tous mes cinq enfants fonder leurs foyers.
Votre plat préféré
Je préfère ne pas répondre à la question. Je considère celle-là comme une indiscrétion.
Votre chanson préférée
Je ne suis pas et je n’ai jamais été mélomane pour dire vrai. Mais je trouve du plaisir à écouter des chansons douces du genre country music, comme celles de Don Williams. Je considère aussi Amissi Canjo, Africa Nova, David Nikiza comme de très bons chanteurs et moralisateurs.
Quelle radio écoutez-vous
Isanganiro, BBC et RFI. Il m’arrive d’écouter Radio Maria, surtout quand je suis en mission à l’intérieur du pays.
Avez-vous une devise
Oui. Deux. ‘’Ne fais pas à autrui ce que tu ne souhaiterais pas que l’on te fasse’’. ‘’Ne remets jamais à demain ce que tu peux/dois faire aujourd’hui’’.
Votre souvenir du 1er juin 1993
Aucun. Car, j’étais très loin. Aux études dans le Sud Profond des Etats-Unis.
Votre définition de l’indépendance
C’est une utopie. La dépendance est naturelle chez l’homme, l’animal et le végétal. Quel animal se suffit-il ? Quelle personne se suffit-elle ? Quelle nation se suffit-elle ? L’interdépendance est le juste mot. Du donnant donnant. Au mieux de manière équitable.
Votre définition de la démocratie
Il ne devrait pas y en avoir de personnelle. Les textes de loi nous disent que c’est le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple. Un idéal en somme.
Votre définition de la justice
Liberté et droit d’expression et de mouvement sans aucune discrimination de quelle que forme que ce soit. Un autre idéal.
Si vous étiez ministre de l’Environnement, Agriculture et Elevage, quelles seraient vos deux premières mesures ?
Non vraiment, je n’ai aucun rêve de devenir cette personne-là. Par contre, je pourrais donner quelques conseils à la personne élue. Ce que je considère comme une urgence est la formation des spécialistes dans les domaines du génie rural (irrigation, drainage), des forêts, vétérinaire, amélioration génétique. Au moment où les effets des changements climatiques sur les écosystèmes sont évidents, ces compétences deviennent une nécessité.
Si vous étiez ministre de l’Education supérieure et de la Recherche, quelles seraient vos deux premières mesures ?
Il y a une probabilité nulle d’occuper ce poste un jour. Si un tel miracle arrivait, je me concerterais avec les différents ministères techniques pour fixer ensemble les priorités de formations dont le pays a besoin, de manière urgente.
Croyez-vous à la bonté humaine
Absolument. Puisque j’en ai bénéficié moi-même dans ma vie, surtout dans ma vie scolaire et académique. J’ai fait toute l’école secondaire sous une totale assistance financière d’un oncle maternel. Ma formation doctorale de 4 ans a été entièrement supportée par mon superviseur de master à l’Université d’Arkansas à Fayetteville (USA).
Pensez-vous à la mort ?
Oui bien sûr. Surtout quand je vais à Mpanda. Mais toute vie doit avoir une fin. C’est la loi de la nature.
Si vous comparaissez devant Dieu, que lui diriez-vous ?
Je me prosternerais très humblement devant LUI et LUI dirais : Merci pour tout ce que VOUS m’avez fait et donné, Seigneur Miséricordieux, malgré mes pêchés.
Propos recueillis par Renovat Ndabashinze