Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Protais Nteziriba.
Votre qualité principale ?
Laissons le soin aux autres d’en dire plus.
Votre défaut principal ?
Idem pour la précédente question.
La qualité que vous préférez chez les autres ?
L’empathie.
Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ?
L’intolérance.
La femme que vous admirez le plus ?
Cette femme qui ne se plaint jamais dans son rôle de mère (le fait de nous porter neuf mois dans le ventre, les sacrifices qu’elle endure au quotidien pour faire vivre sa famille).
L’homme que vous admirez le plus ?
Tout homme épris des valeurs de l’Ubuntu et qui veille au grain à la bonne éducation de ses enfants.
Votre plus beau souvenir ?
Avoir pu récupérer chez les assureurs plus de 1,5 milliard de BIF comme indemnisation. A cause des fissures qui ne cessaient de s’étendre sur les bâtiments de l’Hôpital Roi Khaled, nous avons tout fait pour que cet établissement hospitalier puisse bien profiter de sa garantie décennale. Je me rappelle que le Recteur d’alors de l’Université du Burundi avait mis à notre disposition un expert allemand pour nous aider à faire l’expertise technique des dégâts.
Votre plus triste souvenir ?
La perte des parents, des amis qui me sont chers.
Quel serait votre plus grand malheur ?
La perte d’un de mes enfants de mon vivant
Le plus haut fait de l’histoire burundaise ?
La lutte des Burundais pour recouvrer leur indépendance.
La plus belle date de l’histoire burundaise ?
Le 1er juillet 1962 (l’accession du Burundi à son indépendance) et 5 février 1991(signature de la Charte de l’Unité nationale).
La plus terrible ?
Tous ces assassinats politiques, ces innocents tués, sacrifiés sur l’autel de l’intolérance politique.
Le métier que vous auriez aimé exercer ?
Enseignant d’université. Dieu merci, un vœu exaucé.
Votre passe-temps préféré ?
La lecture. De temps à autre, j’apporte ma contribution scientifique à travers les travaux de consultance à titre privé.
Votre lieu préféré au Burundi ?
Ma commune natale Rutovu. Outre que c’est toujours revivifiant d’être chez soi. Avec sa pyramide, elle reste un beau site touristique.
Le voyage que vous aimeriez faire ?
La Chine. J’aimerais comprendre sa culture.
Votre rêve de bonheur ?
Bien que cela soit relatif. Il n’y a pas plus important que d’être bien portant.
Votre plat préféré ?
Un bon poisson, de préférence le Mukeke accompagné avec de la banane plantain.
Tout premier directeur général du Centre Hospitalo-Universitaire de Kamenge, quel souvenir gardez-vous de votre passage ?
Il convient de dire que c’était un bijou. Un hôpital pavillonnaire, bien construit avec des services innovants, un personnel soignant qualifié. Mais, comme pour chaque infrastructure, avec le temps, si l’établissement n’est pas bien entretenu, il perd de sa superbe. Et si le plateau technique n’est pas régulièrement renouvelé, on fait de la marche sur place. Vous pouvez beau avoir les meilleurs médecins, de bons infirmiers. Mais, ces derniers ne donneront que ce qu’ils ont.
Durant vos huit ans en tant que directeur général, estimez-vous avoir été à la hauteur des attentes ?
Difficile de se juger, mais j’estime avoir donné le meilleur de moi-même. Par rapport à cela, je me rappelle que chaque fois les communiqués de décès passaient à la radio, les gens m’appelaient pour me demander pourquoi il y a des décès dans notre hôpital. Face à cette question, j’ai pris l’habitude de leur répondre que nous ne faisons pas de communiqués des gens qui guérissent. Sinon, l’établissement a beaucoup contribué à améliorer la santé des Burundais.
Des médecins qui partent parfaire leurs études à l’étranger et qui ne reviennent pas. C’était pareil à votre époque ?
Dans des proportions loin d’être similaires à l’actuelle situation. Certes, ils partaient, mais, dans la plupart des cas, ils revenaient. Les conditions étaient encore favorables pour faire carrière au pays.
Vous êtes un ancien directeur de l’Office National du Tourisme. Pourquoi ce secteur ne décolle pas alors qu’il est porteur de croissance ?
On doit s’accorder sur une chose : sans la promotion du tourisme domestique, ce secteur risque de mourir à petit feu. Les Burundais, surtout les jeunes. Ils doivent sortir de leur zone de confort, et connaître les lieux touristiques de leur pays. Un aspect, je me dis qui doit être encouragé à tous les niveaux (écoles primaires, secondaires, etc.). L’autre suggestion, il faut être agressif sur terrain, multiplier des partenariats avec d’autres pays, s’ouvrir davantage au monde, instaurer des politiques favorables aux investisseurs.
Pour avoir occupé de très grandes responsabilités pendant un long moment, n’avez-vous pas ce regret de n’avoir jamais été promu ministre ?
Aucun regret. Ce que les gens ne savent pas dans la vie professionnelle, vous pouvez être un simple directeur et accomplir un travail de loin supérieur à celui d’un ministre. A ce niveau, je n’ai aucune frustration.
A ce propos, certains estiment que vous ne devez vos nominations qu’à votre parenté avec feu président Buyoya, qui était votre oncle.
Que des ragots ! Ces gens doivent revisiter les archives. Hormis les présidents Micombero et Ndadaye, ils ne savent pas que j’ai été nommé par décret par tous les présidents en exercice jusqu’en 2010, sous la présidence de feu Pierre Nkurunziza.
Il semble que feu président a toujours été incompris lorsqu’il était au pouvoir…
Lorsque vous êtes chef d’État, c’est normal. Comme la plupart du temps, vous êtes amenés à prendre des décisions, à entreprendre des réformes. Au bout du compte, vous vous faites des ennemis. Il faut aussi dire que le contexte politique n’était guère favorable. Tout compte fait, j’imagine qu’il n’avait pas que des ennemis. Autant il était incompris, autant il était estimé.
Votre souvenir du 1er juin 1993 (le jour où le président Ndadaye a été élu) ?
En tant qu’uproniste, à aucun moment, nous ne pensons perdre. Sur terrain, nous avions l’avantage. Mais, lorsqu’est venu le moment des urnes, chacun y allait de son choix. N’eût été les massacres qui s’en sont suivis, le passage de témoin s’est fait de la manière la plus élégante qui soit.
Des signes avant-coureurs d’une possible implosion?
Il faut bien l’avouer. Ce n’était pas élégant sur terrain. Une pure diabolisation lors de la campagne.
Si vous deveniez ministre de l’Education nationale, quelles seraient vos mesures urgentes ?
Mise en place de cette approche : l’évaluation constante et en temps réel. C’est de la sorte que l’on fait une autocritique. Un exemple, en 1973, le Burundi a entrepris une réforme de « Kirundiser » le système éducatif. Après des années, nous sommes revenus à l’ancien système. Actuellement pour être en adéquation avec les normes de l’EAC, les autorités ont introduit le système fondamental. Les conséquences commencent à se manifester. Depuis, certains élèves qui partent étudier dans les pays voisins peinent à s’intégrer à cause de la langue.
Eu égard à cela que proposeriez-vous ?
Je proposerai que la 10e année soit réintroduite, mais qu’elle serve à l’approfondissement des langues. C’est primordial pour la compréhension et l’assimilation de la matière. Et pendant cette année, les autres enseignants (les mathématiciens, les physiciens, etc.) seront en formation continue. A la longue, on n’aura pas perdu une année. Plutôt, on l’aura gagnée.
Croyez-vous à la bonté humaine ?
Absolument. Plutôt, comme le dit bien J.J. Rousseau, c’est la société qui corrompt.
Pensez-vous à la mort ?
C’est un passage obligé. Il faut se préparer en connaissance de cause.
Si vous comparaissez devant Dieu, que lui direz-vous ?
Que nous soyons croyants ou pas, nous sommes appelés à faire de bonnes choses. Dans cet ordre d’idées, je m’efforce à faire du bien autant que je peux. De façon que lorsque je comparaîtrai, peu de fautes me soient imputables.
Propos recueillis par Hervé Mugisha
Homme intelligent et intègre, véritable Mushingantahe
Ancien prof au secondaire, suis sûr que tous mes anciens camarades de classe se souviennent de son regard et de son sourire flegmatique quand il faisait un commentaire sur un sujet en classe
J’en profite pour lui dire bonjour et lui rendre hommage pour tout ce qu’il a fait
J’espère que mon ami G Ntamp,,,dira aussi autant
@Bihizis
Et lorsque l’intelligence s’ajoute au potentiel élevé de disponibilité de pistons, ça n’aboutit qu’à une carrière en béton.
@ Yan
Dans le Burundi d’une certaine époque dont nous nous rappelons tous, certains voudraient nous faire croire que l’intelligence surclassait totalement le »pistonnage » et qu’une »carrière en béton » était l’expression d’une intelligence incomparable, de la distinction, de la classe et d’une élévation morale sans pareil. Bref, d’une personnalité hors sol! Et »Honni soit qui mal y pense » comme diraient Winston Churchill et les Anglais😄