Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Pascal Rwankara.
Votre qualité principale ?
Honnêtement, je ne me reconnais aucune qualité. Toutefois, certains de mes amis disent que je suis intelligent.
Votre défaut principal ?
L’impatience. Je n’aime pas les personnes qui me fassent trop attendre lorsqu’elles m’ont promis quelque chose ou quand on a un rendez-vous.
La qualité que vous préférez chez les autres ?
La générosité. C’est toujours gratifiant de partager avec autrui.
Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ?
L’intolérance. Par-dessus tout, je déteste toute personne qui n’accepte pas l’autre dans ses différences d’opinion, de race, d’ethnie, etc.
La femme que vous admirez le plus ?
Ma mère. Une femme d’une bonté inouïe.
L’homme que vous admirez le plus ?
Jésus Christ en tant qu’humain. Son exemplarité est sans pareille.
Votre plus beau souvenir ?
Ma réussite au concours national de 6e année primaire. C’était en 1977. A cette époque, réussir sans avoir repassé l’année, c’était inédit. Mais, pour être honnête, dans mon insouciance de petit campagnard, l’idée de descendre à Bujumbura, voir l’électricité, comme on aime dire, a contribué à cette réussite.
Votre plus triste souvenir ?
L’assassinat de mon frère, Alphonse Ingabire en 1993. Une plaie que j’ai dû mal à panser. En effet, les bourreaux l’ont fait devant ses parents. En vacance à la maison (Mbuye), il venait de réussir la 1ère candidature dans la faculté d’Histoire .L’ironie de l’histoire, la même année, il a obtenu une bourse pour poursuivre ses études en Irlande du Sud. Il s’apprêtait à rejoindre Trinidad Collège à Dublin.
Quel serait votre plus grand malheur ?
Mourir après mes enfants.
Le plus haut fait de l’histoire burundaise ?
La conquête de l’indépendance du Burundi. Un acte fédérateur, parce que les Burundais ont compris qu’unis, ils peuvent accomplir de grandes choses.
La plus belle date de l’histoire burundaise ?
Le 1er juillet 1962
La plus terrible ?
Immanquablement, l’assassinat du Prince Louis Rwagasore, le 13 octobre 1961. Ce sont les espoirs de toute nation qui ont été anéantis .Le comble, l’histoire raconte que le Roi Mwambutsa a déplacé l’assassin de son fils en auto-stop.
Le métier que vous auriez aimé faire ?
Jeune, je rêvais de devenir médecin. Mais, rassurez-vous je me plais en tant que juriste.
Votre passe-temps préféré ?
La musique. Un vrai remède qui soulage l’esprit.
Votre lieu préféré au Burundi ?
Kivoga, ma colline natale. C’est dans la commune Mbuye, province Muramvya. Bien que je n’y aille pas souvent, c’est une immense joie quand j’y retourne. Un retour aux sources qui me rappelle que les sacrifices qu’ont endurés mes parents pour que je devienne celui que je suis aujourd’hui.
Le pays où vous aimeriez vivre ?
L’Irlande du Sud. Un pays unique par son beau paysage et ses chevaux.
Le voyage que vous aimeriez faire ?
Visiter la ville sainte de Jérusalem. D’ailleurs, je compte le faire très prochainement.
Votre rêve de bonheur ?
Mourir heureux, en âme et conscience, comme j’ai vécu.
Votre plat préféré ?
Ça va vous paraître étrange, mais, je raffole des haricots frais.
Votre chanson préférée ?
Alléluia d’Haendel. Des paroles riches qui glorifient la puissance de Dieu.
Quelle radio écoutez-vous ?
RFI
Avez-vous une devise ?
Quoi qu’il advienne, reste toi-même. C’est l’hymne à la liberté de Beethoven. Il nous appelle à rester libre, serein malgré les aspérités de la vie.
Votre souvenir du 1er juin 1993 (le jour où le président Ndadaye a été élu) ?
La surprise. De la Belgique où je poursuivais mes études doctorales, c’était un sentiment de joie contrasté. Chez une partie de la diaspora, l’avènement des institutions démocratiques nourrissait de grands espoirs. Chez l’autre, c’était la consternation. Peu de gens osaient en parler ouvertement.
Votre définition de l’indépendance ?
Compter sur soi-même.
Votre définition de la démocratie ?
Un régime politique dans lequel tous les citoyens participent aux décisions politiques par le biais des urnes.
Votre définition de la justice ?
Un amour porté vers l’équité. En principe, on ne peut pas parler de respect de l’Etat de droit, s’il n’y a pas de justice ni équité.
Si vous étiez ministre de la Justice, quelles seraient vos deux premières mesures ?
-Réformer tout le système judicaire. Pour cela, des concours d’entrée dans la magistrature s’imposent. A mon avis, une stratégie qui contribuerait à endiguer la culture de redevabilité des magistrats envers ceux qui les ont promus.
– Réformer le système carcéral. C’est grave ce qui s’y fait.
Si vous étiez ministre de l’Enseignement supérieur, quelles seraient vos deux premières mesures ?
-Placer l’étudiant au cœur de l’enseignement. De nos jours, je trouve qu’il est ignoré, des fois, voué aux gémonies pour assouvir les appétits des uns et des autres.
-Oeuvrer à ce que l’institution régissant l’Enseignement Supérieur soit démocratique .A cet effet, le Recteur de l’Université du Burundi doit être élu. Bref, je ferais feu de tout bois pour que de la base au sommet, les étudiants, le personnel d’appui, le corps enseignant, etc, ne soit plus dirigé par des gens catapultés par le « système ». Une lacune incommensurable. Parce qu’au lieu de promouvoir l’excellence, on se trouve en train de promouvoir la médiocrité.
Croyez-vous à la bonté humaine ?
Je trouve qu’il n’y en a plus au Burundi. Sinon, elle se cache. Voyez-vous combien les gens éprouvent de la joie à faire du mal à l’autre, les coups bas ici et là. C’est inhumain.
Pensez-vous à la mort ?
Tous les jours. Pour votre information, je n’ai même pas peur de mourir. Après tout, la mort c’est une certitude. Tout ce que je désire, c’est mourir tranquillement. D’ailleurs, dans mon testament, j’ai demandé que l’on écrive sur l’épitaphe : « Il est mort comme il a vécu. Libre et serein… ».
Si vous comparaissez devant Dieu, que lui direz-vous ?
Rends-moi justice. Après tout, vous êtes le Maître Suprême.
Propos recueillis par Hervé Mugisha