Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Noël Nkurunziza.
Votre qualité principale ?
Je suis très épris de la justice et de l’équité. D’ailleurs, une des raisons, je pense, qui m’a poussé à entrer dans la société civile.
Votre défaut principal ?
Des fois, je suis fougueux, prompt à réagir. Devant une quelconque injustice, il m’est difficile de rester les bras croisés. Lorsqu’une personne « marche sur les platebandes » d’autrui, je me garde de l’insulter, mais je dois le lui faire savoir.
La qualité que vous préférez chez les autres ?
Ces gens qui n’ont pas peur d’exprimer leurs opinions.
Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ?
Des gens qui ferment les yeux devant une injustice. Ceux qui n’ont pas le courage de dénoncer tout haut les iniquités.
La femme que vous admirez le plus ?
Une femme respectueuse, soucieuse des intérêts de son foyer. Mais, le moment venu, qui n’a pas peur de dénoncer ce qui ne va pas.
L’homme que vous admirez le plus ?
Un homme fervent, partisan de la justice. Plus que tout, non hypocrite.
Votre plus beau souvenir ?
Mon enfance. J’étais tellement proche de mon grand-père qu’il lui était impossible d’aller à table sans ma présence. Parfois, je me permettais de manger sans même me laver les mains. Il avait fini par me surnommer « Bishirako » (Celui qui prend tout lorsqu’il arrive, Ndlr).Rien qu’à me souvenir ces doux moments, j’ai la nostalgie !
Votre triste souvenir ?
En 1972, je me vois chassé de l’école sans justification valable. A cette époque, je suis en 3e année. J’étudiais à l’école officielle de Rubanga (Matana). Je passe tout le trimestre à la maison.
Etait-ce l’insécurité qui régnait à l’époque ?
Jusqu’à maintenant, je n’ai pas encore su la véritable raison de mon renvoi.
En 1991, on m’informe qu’Audace Simbizi vient d’être assassiné. J’étais très proche de mon oncle. C’est celui qui a guidé mes premiers pas dans le monde des fonctionnaires. Il m’a aidé à trouver du travail. Ce fut un coup dur pour moi.
Quel serait votre plus grand malheur ?
Assister à une injustice sans rien faire.
Le plus haut fait de l’histoire burundaise ?
La signature de l’Accord d’Arusha, le 28 août 2000. Les bases d’un Burundi réconcilié avaient été jetées.
La plus belle date de l’histoire burundaise ?
L’indépendance du pays, le 1er juillet 1962.
Le métier que vous auriez aimé exercer ?
Avocat. Bien que je ne sois pas juriste, je pense que je l’exerce à travers mes plaidoyers.
Votre passe-temps préféré ?
Si je ne fais pas la marche, je me documente à la maison.
Le voyage que vous aimeriez faire ?
J’aimerai visiter les pays scandinaves. La raison est toute simple : leur modèle de bonne gouvernance inspire plus d’un.
Votre rêve de bonheur ?
Un Burundi où chacun mange à satiété et dort sans craindre que l’on n’attente à sa vie.
Votre plat préféré ?
Aucune préférence particulière. Du moment où la santé me le permet encore, je pense que je ne dois pas avoir de contrainte alimentaire.
Quelle radio écoutez-vous ?
La BBC, la RFI …Les podcasts sur les réseaux sociaux.
Avez-vous une devise ?
Que règne la justice.
Un des membres fondateurs de l’Association Burundaise des Consommateurs) Transparency-International (Abuco-TI), l’idée de défendre le consommateur, comment vous est-elle venue?
Je pense que l’idée m’est venue au plus fort de la crise de 1993. A ce moment, les commerçants, les différentes sociétés commerciales édictaient les prix comme bon leur semblait, oubliant combien galère le consommateur pour avoir de quoi mettre sous la dent. Avec des amis, nous nous sommes dit qu’il ne fallait pas rester les bras croisés. A tout prix, il fallait plaider pour sa cause. Et le 9 octobre 1994, l’Abuco-TI a été agréée.
Vous dites que l’association a été agréée au plus fort moment de la crise. A l’époque, comment êtes-vous perçus ?
Durant les premières années, je dirais que même les autorités ignoraient notre existence. Il a fallu du temps avec l’avènement d’autres Asbl, bref une société civile structurée pour que le pouvoir comprenne combien notre voix peut porter plus loin. De là, le pouvoir a commencé à être vigilant, à contrôler nos actions, etc.
Vous estimez-vous satisfait par le pas déjà franchi ?
Oui et non. Oui, parce que bien que certaines sociétés commerciales ou commerçants semblent omettre la voix du consommateur. Maintenant, son avis compte. En vertu du droit à la représentation, dans nombre de conseil d’entreprises, les consommateurs sont représentés. Non, parce que les consommateurs, surtout les intellectuels, ils s’en fichent. Figurez-vous que l’on a même créé un centre de prise en charge des réclamations, trop peu de gens y font recours.
Votre credo, c’est de défendre les droits des consommateurs. Mais, pour qu’il y ait consommation, il doit y avoir production. Ne trouvez-vous pas que vous avez mis la charrue devant les bœufs ?
Durant nos premières années, nous nous sommes rendu compte de cette réalité. Par après, dans nos missions, nous avons jugé idoine qu’il convient d’inclure le volet autonomisation des personnes dans le besoin, notamment les commerçantes ambulantes, taxi vélos, etc. En leur octroyant des capitaux pour démarrer ou asseoir leurs business.
Auriez-vous un souvenir où vos remarques auraient servi à faire bouger les choses ?
Nous sommes en 2014. A ce moment, en plus de la pénurie des denrées alimentaires, elles montent en flèche. Avec les autres membres de la société civile, on décide de lancer une campagne contre la vie chère. Aussitôt la campagne commencée, les menaces fusent de partout. Je me souviens même que la plus haute autorité du pays, en l’occurrence la présidence de la République nous a convoqués, disant que nous sommes en train de faire de la politique. De long en large, nous lui avons expliqué les raisons de notre mouvement. Fort heureusement, quelques semaines après, le gouvernement a pris la mesure de détaxé tous les produits dont le prix faisait l’objet de polémiques.
En tant qu’activiste de la société civile, il ne vous est jamais arrivé d’être menacé ?
Si, à maintes reprises. Toutefois, jusqu’à maintenant, ce sont des menaces verbales. On n’a pas encore voulu attenter à ma vie.
Votre souvenir du 1er juin 1993(le jour où le président Ndadaye a été élu) ?
Comme je n’étais pas engagé politiquement, la nouvelle m’était indifférente. Toutefois, je dois reconnaître qu’un sentiment de peur m’a traversé. J’avais ce pressentiment comme quoi rien ne sera plus comme avant…
Votre définition de l’indépendance ?
La liberté d’autrui. Le respect de la loi, et sans contrainte ni injonction.
Votre définition de la démocratie ?
C’est lorsqu’il y a redevabilité des élus envers le peuple qui les a élus.
Votre définition de la justice ?
L’égalité de tous devant la loi.
Si vous étiez ministre de l’Economie, quelles seraient vos premières mesures ?
-Donner une place de choix à l’agriculture.
-Lutter contre la corruption, asseoir une bonne gouvernance.
Croyez-vous à la bonté humaine ?
Absolument. Quoi qu’elle reste un idéal, je pense qu’elle existe. Après tout, si l’homme a été créé à l’image de Dieu, nous devrions lui ressembler. Mais, les aspérités de la vie sont autres. Ce sont elles qui nous changent.
Pensez-vous à la mort ?
Comme c’est un passage obligé, il est normal d’y penser.
Si vous comparaissez devant Dieu, que lui direz-vous ?
Seigneur, faites en sorte que l’homme ne tue plus l’homme qu’il n’a pas créé.
Propos recueillis par Hervé Mugisha