Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Nicole Uwimana.
Votre qualité principale ?
L’optimisme et la détermination. En toutes circonstances, je garde espoir, j’essaie de rester positive. Voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide, c’est ce qui me rend très forte.
Votre principal défaut ?
Je suis perfectionniste, j’aime tellement des choses bien faites et j’accorde l’importance au moindre détail, dans le travail avec mes partenaires ou à moi-même, je mets la pression. Soit tu t’engages jusqu’au bout, soit tu ne le fais pas.
La qualité que vous préférez chez les autres ?
L’ouverture d’esprit, lorsque j’échange avec des gens, je m’exprime librement, même si nos opinions divergent. Je supporte mal les gens qui veulent que les autres voient les choses de la même façon qu’eux.
Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ?
L’inconsistance et l’arrogance. Par-dessus tout, je déteste quelqu’un qui ne tient pas sa parole, qui dit une chose aujourd’hui et fait le contraire demain. Je ne supporte pas non plus les gens arrogants qui dénigrent les autres. J’aime vivre en harmonie avec les gens qui m’entourent.
L’homme que vous admirez le plus ?
Mon père. Il m’a donné une éducation qui a forgé la féministe que je suis. Par féminisme, je souhaite que les femmes puissent bénéficier tout simplement des mêmes opportunités que les hommes, qu’elles soient considérées comme des personnes dignes d’avoir du respect dans la société. Mon père m’a permis d’avoir confiance en moi. Il m’a toujours encouragée, et je n’ai jamais senti aucun complexe lié au fait d’être une fille.
La femme que vous admirez le plus ?
La femme africaine, plus que tout, la femme burundaise. Je l’admire pour sa force et sa résilience face aux multiples défis auxquels elle fait face. Je pense à ma mère, ma sœur, mes amies et toutes ces femmes modèles qui nous inspirent.
Votre plus heureux souvenir ?
Le 4 juin 2018, la naissance de mon fils. Je m’en rappelle comme si c’était hier, quand le médecin l’a posé sur ma poitrine, un tas de frissons… C’est gravé dans mon cœur.
Votre plus triste souvenir ?
Mon souvenir du racisme durant mon séjour en Suède. J’ai réalisé qu’aux yeux de certains, en tant que noire, j’étais inférieure.
Quel serait votre plus grand malheur?
Ne pas faire profiter aux autres mon expérience, mon savoir-faire.
Le plus haut fait de l’histoire burundaise
L’indépendance du Burundi. Ce fut une occasion pour notre pays de retrouver ses repères et de redéfinir son avenir.
Le métier que vous aimeriez exercer ?
Je l’exerce déjà. Mon rêve a toujours été d’utiliser mes compétences et mon expérience pour contribuer au renforcement des droits des filles et femmes, surtout au Burundi.
Votre passe-temps préféré ?
Yoga et lecture, prendre du temps pour moi, et travailler sur la maîtrise de mon corps et de mon mental, me ressourcer. Le yoga fait vraiment travailler les muscles et recentre l’esprit.
Votre lieu préféré ?
La plage, précisément au bord du lac Tanganyika.
Le pays dans lequel vous aimeriez vivre ? Pourquoi ?
Le Burundi. Notre pays est très beau, un centre-ville tout près de la plage, la campagne n’est pas loin. Malheureusement, peu de Burundais savent en profiter C’est vrai, il y a beaucoup de pays plus développés que le nôtre, mais depuis que je suis rentrée, j’ai le sentiment d’être à la bonne place et de servir à quelque chose.
Le voyage que vous aimeriez faire ?
J’ai déjà visité pas mal de pays, mais j’ai toujours rêvé de visiter la Jordanie pour ses sites extraordinaires, Jérusalem, une ville sainte pour tout chrétien, en plus de son histoire hors du commun. J’aimerais aussi visiter les pays asiatiques comme le Japon et la Thaïlande. C’est toujours passionnant de découvrir d’autres cultures.
Votre rêve de bonheur ?
Voir tous mes projets se concrétiser et avoir une maison construite au bord d’un lac.
Votre plat préféré ?
A la base, je n’ai pas de préférence. Mais j’aime la salade Hawaï, la saucisse allemande et le sushi. Parmi les plats burundais, j’adore « isombe » et la pâte de manioc.
Votre chanson préférée ?
« Non, Je ne regrette rien » d’Edith Piaf. Mais je suis très mélomane, il m’est difficile de choisir une seule chanson. J’écoute un peu de tout : gospel, blues, soul, hip-hop, afrobeats, les anciens succès burundais (Canjo Amisi, Africa Nova, Amabano…) etc.
Quelle radio écoutez-vous ?
Je suis plus télé que radio, et je regarde beaucoup France 24 ou CNN. Je suis une accro de l’actualité.
Votre devise
‘’Everything is figureoutable’’ (Il y a toujours une solution à tout).
Votre définition de l’indépendance
L’indépendance d’un pays c’est sa capacité à se mettre en action à partir de sa propre analyse et de créer lui-même des politiques accompagnatrices.
Comment définissez-vous la démocratie ?
La mise en place et le maintien des structures administratives et communautaires qui permettent à tout citoyen de faire entendre sa voix et apporter sa pierre à l’édifice.
Et par Justice, qu’entendez-vous ?
Le fait de faire respecter la loi, les droits d’autrui et le mérite de tout un chacun.
Si vous étiez ministre du Genre, quelles seraient vos grandes initiatives ?
M’assurer que toute jeune fille bénéficie d’une éducation qui l’aidera à « rêver grand ».
Ambitieux comme projet, non ?
Au Burundi, il y a cette idée encore bien ancrée comme quoi la fille n’a pas besoin d’être ambitieuse, mais qu’elle a le devoir de se préparer à devenir une bonne femme au foyer. Se marier et fonder sa famille est une très bonne chose, mais il faut également chercher le développement personnel en tant que femme et poursuivre ses rêves. Les limitations que notre société impose aux filles dès leur jeune âge sont trop injustes et cela doit changer. J’instaurerais ensuite une politique nationale pour la gestion de l’hygiène menstruelle au Burundi. Des millions de femmes sont affectées par le manque d’accès aux serviettes hygiéniques, alors qu’il y a beaucoup d’intervenants dans le domaine de l’autonomisation de la femme. Il faudrait une stratégie commune qui contribuerait à coordonner tous ces efforts éparpillés afin d’arriver à un changement réel. Enfin, je restaurerais et renforcerais les droits des femmes dans leurs ménages et dans leurs activités professionnelles. Je ne veux pas dire que je veux encourager les femmes à se révolter contre leurs maris ou leur manquer du respect, loin de là. Je veux juste que les femmes aient les mêmes droits économiques et que le respect soit mutuel.
A quel âge faut-il parler de la santé reproductive ou de la sexualité ?
A 9 ou 10 ans. Dans le système éducatif du Burundi, le cours concernant la santé reproductive est donné trop tard. Vers la fin du cycle secondaire. Pourtant, à cet âge, la jeune fille a déjà eu ses premières menstruations. Et puis le sujet reste toujours un tabou dans notre société. L’école doit prendre la relève et donner les bonnes informations le plus tôt possible. L’école est un milieu sûr où les jeunes peuvent apprendre à briser les tabous liés à la sexualité avec une approche scientifique qui rend ce genre de sujet moins gênant.
Que faire pour briser le tabou sur la sexualité au Burundi ?
Avec mon expérience, je dirais que la meilleure façon de briser le tabou sur les sujets liés à la sexualité, c’est de rappeler le lien direct qui existe entre ces sujets et les enjeux réels que cela implique dans la vie du pays : santé, éducation, économie, égalité des genres. Il faut analyser les impacts négatifs causés par le manque d’informations et d’accompagnement chez les jeunes et se demander le coût de l’inaction. La sexualité doit pouvoir être abordée sans honte.
Croyez-vous à la bonté de l’Homme
Oui, j’y crois dur comme fer pour la simple raison : l’homme a été créé à l’image de Dieu, un Dieu qui est bon. De surcroît, comme disait Jean Jacques Rousseau : « L’homme est naturellement bon, c’est la société qui le corrompt. »
Pensez-vous à la mort ?
Oui, j’y pense et des fois, je dois avouer qu’elle me fait un peu peur. Je n’aimerais pas qu’elle me surprenne avant de voir mon fils grandir, mes rêves se réaliser. C’est pour cela que je fais de mon mieux pour vivre ma vie pleinement tant que c’est encore possible.
Si vous comparaissez devant Dieu, qu’est-ce que vous lui direz ?
Je le remercierai pour son Amour inconditionnel et lui demanderai de m’utiliser pour guider les miens encore sur terre.
Propos recueillis par Audrey Mariette Rigumye