Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Nicodème Bugwabari.
Votre qualité principale ?
Peut-être la compassion devant la souffrance d’autrui et le désir ardent de lui porter secours.
Votre défaut principal ?
Je ne supporte pas du tout l’injustice, d’où qu’elle vienne, et m’en plains sans arrêt.
La qualité que vous préférez chez les autres ?
Amour et compassion.
Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ?
La jalousie et l’orgueil humain.
La femme que vous admirez le plus ?
Chiara Lubich, fondatrice du mouvement des Focolari. Sa spiritualité de l’unité a radicalement changé ma vie.
L’homme que vous admirez le plus ?
Plutôt deux hommes : deux grandes personnalités charismatiques, Louis Rwagasore et Pierre Ngendandumwe. Suite à l’assassinat de ces deux Premiers ministres, le Burundi a raté les deux plus grands rendez-vous de l’histoire de la post-colonie.
Votre plus beau souvenir ?
Ma première communion, dans l’église de Gasenyi, avec, déjà à sept ans, la conviction d’accueillir Jésus dans mon âme.
Votre plus triste souvenir ?
La perte des miens en octobre 1993.
Quel serait votre plus grand malheur ?
Voir ma femme et mes enfants mourir avant moi.
Le plus haut fait de l’histoire burundaise ?
La conquête et la formation du Burundi, jusqu’à la configuration actuelle du « gihugu » (du pays), par le mwami Ntare Rugamba, durant la première moitié du 19e siècle.
La plus belle date de l’histoire burundaise ?
Le 28 août 2000, avec la signature de l’Accord d’Arusha.
La plus terrible ?
Le 21 octobre 1993 : l’assassinat du président Ndadaye, début de la crise la plus longue et la plus meurtrière de toute l’histoire burundaise.
Le métier que vous auriez aimé faire ?
Celui que je fais aujourd’hui, le métier d’enseignant. J’enseigne avec le désir de former des « hommes nouveaux », futurs hérauts d’une société burundaise fraternelle, solidaire et réconciliée avec elle-même.
Votre passe-temps préféré ?
La méditation et l’adoration du Saint-Sacrement, la contemplation d’une nuit de pleine lune et de la beauté du soleil couchant.
Votre lieu préféré au Burundi ?
Rango, mon « pays natal ». Je n’ai pas encore trouvé ailleurs des plateaux aussi fascinants, un climat aussi sain. Mais aussi le Snack-Bar « Kumutsinda », lieu paisible et agréable, par une belle soirée du vendredi.
Le pays où vous aimeriez vivre ?
Celui dans lequel je vis aujourd’hui, le Burundi : il est certainement pour moi le plus beau. Toute option d’exil, sauf en cas d’éventualité de la prison ou d’une mort certaine, constituerait pour moi un grand malheur.
Le voyage que vous aimeriez faire ?
En Terre Sainte, aux sources des Ecritures.
Votre rêve de bonheur ?
Je rêve de ce jour-là où les humains vivront dans l’amour mutuel, l’unité et la fraternité. Alors, notre Terre sera appelée « La-Toute-Belle ».
Votre plat préféré ?
Doté en général d’un grand appétit, je n’ai pas de préférence, je mange tout ce qu’on me sert.
Votre chanson préférée ?
Celle que ma mère m’a apprise quand j’étais tout petit : « Turi abateramyi bawe Yezu, tuzokwama tugushengerera ». Traduction approximative : « Nous veillons avec toi, ô Jésus, nous serons dans une adoration perpétuelle ».
Quelle radio écoutez-vous ?
RFI
Avez-vous une devise ?
« Tout pour toi Jésus ! ».
Votre souvenir du 1er juin 1993 ?
J’étais absent du Burundi, pour raisons d’études.
Votre définition de l’indépendance ?
D’abord au niveau personnel, l’indépendance de la pensée, la libération de toute forme d’esclavage, de pauvreté matérielle ou de l’esprit. Ensuite, au niveau de la société globale, une nation qui décide de son propre destin, dans la coopération et l’interdépendance.
Votre définition de la démocratie ?
En situation de démocratie, les êtres humains vivent comme des « citoyens », c’est-à-dire des gens responsables, participant à la « res publica » et non comme des « sujets » de qui que ce soit.
Votre définition de la justice ?
La justice suscite entre nous une atmosphère de paix et d’égalité. Elle est l’un des plus beaux fruits de l’ « ubuntu ».
Si vous étiez ministre de l’Enseignement supérieur, quelles seraient vos deux premières mesures ?
– Instaurer le système d’avancement de grade des enseignants à temps plein dans les universités privées, du moins celles qui s’en trouvent dignes.
-Restaurer le petit déjeuner dans les homes universitaires. Je souffre, impuissant, de voir mes étudiants s’endormir, déjà à 9 h du matin, pendant les séances de cours.
Si vous étiez ministre des Affaires étrangères, quelles seraient vos deux premières mesures ?
C’est trop compliqué pour moi.
Croyez-vous à la bonté humaine ?
Oui, j’y crois vraiment. J’ai croisé de ces êtres dont le visage rayonne la bonté et la bienveillance. Ils représentent ce qu’il y a de plus beau sur la terre. Quand on les a rencontrés, on a envie d’être comme eux. Tellement irrésistibles ! Ce sont eux qui, par leur énergie spirituelle, maintiennent encore notre planète en vie. Sinon, elle aurait déjà disparu de notre galaxie.
Pensez-vous à la mort ?
Oui, je pense à la mort, en toute quiétude et je l’ai frôlée plusieurs fois. Comme tout ce qui vit sous le soleil, je suis un être contingent, c’est-à-dire limité, faillible, astreint à la finitude. Je ne suis pas l’auteur de ma vie. Mortel, j’aspire à l’immortalité, à la résurrection de la chair.
Si vous comparaissez devant Dieu, que lui direz-vous ?
Je lui dirai ce que je lui dis souvent devant le Saint-Sacrement : « Mon Dieu, mon Bien-Aimé Jésus, ô Suprême Bonté, je t’aime, je t’adore ».