Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Marie Josée Bigendako.
Votre qualité principale?
C’est plutôt aux autres de me qualifier. La qualité que je peux m’attribuer c’est la sincérité, je ne sais pas me montrer telle que je ne suis pas, dire ce que je ne pense pas.
Votre défaut principal?
Je pense que j’ai beaucoup de défauts, le principal est que parfois je ne parviens pas à maîtriser ma colère. Quand je suis réellement en colère, je préfère qu’elle diminue avant de parler.
La qualité que vous préférez chez les autres?
J’aime les personnes spontanées, qui agissent ou parlent spontanément sans arrière-pensées. La spontanéité correspond plus ou moins à la sincérité.
Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres?
Les gens hypocrites sont des personnes dangereuses. Pour moi, ce sont des menteurs.
La femme que vous admirez le plus?
J’admire Michelle Obama. Elle est intelligente et charismatique. Elle a su concilier sa vie de première dame et celle de l’épouse à la maison, s’occupant de l’éducation de ses enfants. Elle a réellement encouragé son mari. Elle s’occupait elle-même du jardin bio de la maison blanche. En plus elle est élégante.
L’homme que vous admirez le plus?
Mandela est l’homme de toute admiration. Il a été l’exemple du pardon, de l’humilité en même temps de la dignité, de la sagesse… Il fut un homme de paix, réconciliateur, un grand orateur; il est aujourd’hui source d’inspiration. Parmi les vivants j’admire Obama. Il faut être talentueux quand on est un Noir pour accéder à la magistrature suprême aux Etats-Unis. Il fut un chef d’Etat ouvert d’esprit, d’une cool attitude, un génie de la communication et bon père de famille.
Votre plus beau souvenir ?
Quand on m’a proclamée que j’avais réussi en 1ère session de 1ère année à l’Université du Burundi, en cette période c’était l’Université Officielle du Burundi. Cela m’a donné le courage de continuer les études universitaires jusqu’au doctorat. Ce qui m’a permis de former la jeunesse depuis le secondaire jusqu’ à différents niveaux universitaires, du premier au troisième cycle. Ça me fait plaisir quand je rencontre les grands messieurs que j’ai enseignés à l’Athénée secondaire. Ils occupent actuellement des postes importants dans différents services du pays ou ceux pour qui j’ai contribué dans la formation doctorale et qui sont actuellement des professeurs qualifiés et des leaders dans le milieu académique.
Votre plus triste souvenir ?
La perte des membres proches de ma famille.
Je garde un mauvais souvenir quand j’ai entendu, tard dans la nuit du 13 octobre 1961, la voix de la mère de Rwagasore qui criait en dessous de la chambre de sa fille Colette qui étudiait au lycée Clarté Notre Dame, lui disant : « Rwagasore baramwishe » (« On vient de tuer Rwagasore »).
Quel serait votre plus grand malheur ?
Je ne voudrais pas y penser.
Le plus haut fait de l’histoire burundaise ?
Le passage à la démocratie. Cela a permis aux Burundais de se sentir libérés. Mais il faut qu’elle soit bien appliquée.
La plus belle date de l’histoire burundaise ?
Le 1er juillet 1962, jour de l’Indépendance du Burundi. Tout peuple aspire à l’indépendance, beaucoup de personnes sont mortes pour l’indépendance de leur pays dont le prince Louis Rwagasore.
La plus terrible ?
Le Burundi a connu des périodes difficiles, je pense particulièrement aux événements de 1972 et 1993. Ces périodes ont laissé de mauvais souvenirs difficiles à oublier. Beaucoup de personnes vivent encore les conséquences de ces événements.
Le métier que vous auriez aimé faire ? Pourquoi ?
J’aurais aimé être pharmacienne car j’avais commencé par faire les études de pharmacie à l’Université du Burundi. Après la candidature, quand nous sommes allés continuer les études en Belgique à l’Université Libre de Bruxelles, les programmes n’étaient pas tout à fait identiques, tout le groupe venant de Bujumbura devait refaire l’année, j’ai alors préféré poursuivre en sciences biologiques. Pour quand même continuer dans le domaine de la pharmacie j’ai orienté mes études doctorales dans les plantes qui soignent. Il ne s’agit pas seulement des plantes médicinales mais aussi des plantes alimentaires qui guérissent ou préviennent certaines maladies, car l’alimentation joue un grand rôle dans notre santé.
Toutes ces espèces végétales poussent dans un environnement qu’il faut protéger. Je me suis donc intéressée à la conservation de la biodiversité, cela a été le sujet de travaux de fin d’études de licence, master et doctorat que j’ai dirigés.
Votre passe-temps préféré ?
La lecture en écoutant la musique. J’aime la musique depuis mon jeune âge jusqu’aujourd’hui. La musique me détend.
Votre lieu préféré au Burundi ?
J’ai visité beaucoup d’endroits au Burundi surtout dans le cadre d’encadrement des étudiants lors des travaux de terrain ou pour les travaux de consultance sur la biodiversité. Il y a vraiment des lieux qui valent la peine d’être visités. Mon endroit préféré, les chutes de Karera.
Le pays où vous aimeriez vivre ? Pourquoi ?
Ayant été dans plusieurs villes africaines, européennes et même américaines je n’aimerais pas vivre ailleurs qu’au Burundi en paix. Il n’y a rien de meilleur que de vivre chez soi et se sentir chez soi. Si nous avons la paix.
Le voyage que vous aimeriez faire ?
J’aimerais visiter les Antilles françaises par curiosité car je n’ai pas encore été dans ce coin.
Votre rêve de bonheur ?
Vivre sans souffrance physique ni morale.
Votre plat préféré ?
J’ai la préférence des salades mais je mange un peu de tout du moment que c’est bien préparé et sain.
Votre chanson préférée ?
J’aime la Country music en général. Elle repose.
Quelle radio écoutez-vous ?
Isanganiro et RFI
Avez-vous une devise ?
La vie est un parcours du combattant, il faut toujours se battre sans lâcher. Dans la vie il y a des hauts et des bas. La vie n’a pas toujours été facile pour moi, à plusieurs reprises j’ai dû me battre pour ne pas me noyer.
Votre définition de l’indépendance ?
Il y a l’indépendance d’un Etat et l’indépendance individuelle, pour le premier cas c’est jouir de sa souveraineté et la protéger convenablement, c’est être le garant, le rempart de sa nation ; et le deuxième cas, c’est pouvoir être autonome. Pouvoir satisfaire ses besoins sans trop compter sur autrui.
Votre définition de la démocratie ?
C’est le respect de la valeur d’égalité et de liberté au point de vue politique, sociale, culturelle… Accepter les idées des autres même si elles ne correspondent pas aux nôtres.
Votre définition de la justice ?
On peut parler de justice quand chacun peut avoir et exercer ses droits en paix quel que soit son rang social, son appartenance religieuse ou politique. Il y a justice quand les textes sont appliqués avec objectivité.
Si vous étiez la ministre de l’Enseignement Supérieur et Recherche Scientifique, quelles seraient vos deux premières mesures ?
La première mesure serait de fusionner l’ENS et l’IPA : les deux institutions ont le même objectif, celui de former les formateurs, les programmes sont presque identiques. Le pays gagnerait en mettant ensemble les moyens humains et matériels.
La deuxième mesure serait de faire une grande plaidoirie pour avoir des moyens suffisants qui permettraient de réhabiliter les infrastructures de l’Université du Burundi dont certaines sont dans un état déplorable, surtout les bâtiments du campus de Kiriri. Le fait de voir leur état actuel fait mal surtout à nous qui y avons étudié quand ils étaient en bon état. Surement que le Ministre actuel s’en préoccupe, il faut que nous l’aidions à crier haut et fort pour que ces jolis bâtiments qui surplombent la ville de Bujumbura soient sauvés à temps.
Si vous étiez ministre de l’Agriculture et l’Environnement quelles seraient vos deux premières mesures ?
Je mettrais tous les moyens nécessaires pour réinstaller les espèces alimentaires en voie de disparition comme la colocase, l’éleusine, le topinambour….
Le lac Tanganyika est menacé de pollution de toutes sortes alors qu’il y a les textes qui le protègent. Je ferais mettre en application, avec rigueur, les mesures qui protègent ce lac. La pollution du lac Tanganyika conduit à la mise en danger de tout un écosystème et toute sa biodiversité depuis le plus petit organisme jusqu’au plus grand en passant par les intermédiaires comme les Ndagala et les poissons dont certaines espèces sont endémiques de ce lac.
Croyez-vous à la bonté naturelle de l’homme ?
Oui l’homme naît bon, c’est la société qui le rend mauvais.
Pensez-vous à la mort ?
Nous allons tous vers là, qu’on le veuille ou pas. J’y pense de temps en temps surtout quand il y a un membre de la famille ou une connaissance qui nous quitte. J’y pense aussi avec beaucoup de stupéfaction et d’indignation quand j’apprends par les médias des attentats qui sont commis par différents groupes de malfaiteurs qui s’attaquent aux innocents à travers le monde. Je pense aussi à ma mort sans vouloir m’y attarder mais il faut s’y préparer car personne n’y échappe quel que soit l’âge.
Si vous comparaissez devant Dieu, que lui direz-vous ?
Merci pour tout ce que vous avez fait pour moi. J’ai traversé des embuscades qui auraient pu me décourager, mais grâce au Bon Dieu j’ai pu résister.