Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Liliane Nshimirimana.
Votre qualité principale ?
Je pense le bon sens. C’est ce que mes proches disent.
Votre défaut principal ?
Mon esprit revanchard. Si quelqu’un me cause du tort ou me joue un tour, à tout prix, je cherche comment lui rendre la pareille.
La qualité que vous préférez chez les autres ?
La justice, l’impartialité…
Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ?
Le mensonge. Par-dessus tout, je déteste les gens qui calomnient, parlent des autres derrière leur dos.
La femme que vous admirez le plus ?
Ma mère. Toute jeune, elle m’a fait comprendre que le travail anoblit l’homme, inculqué le bien-fondé du respect de l’autre.
L’homme que vous admirez le plus ?
Salvator Ndikuriyo, mon maître de la 6e année primaire. Un éducateur hors pair. Attentionné mais dur quand il était question d’être assidu en classe. Je ne sais pas comment il faisait, mais sa méthodologie était unique. Parce que, dans les années 90, réussir le concours national sans avoir repassé plus de deux fois, ce n’était pas donné à tout le monde.
Votre plus beau souvenir ?
Ma réussite au concours national. C’était comme si nous gagnions au Loto tant il y avait des « mystères » autour de cet examen. Dès que tu passais avec brio cette épreuve, tu te sentais transformé(e). Du coup, dans la société, tu gagnais de l’estime parce que tu allais commencer l’école secondaire.
Votre plus triste souvenir ?
Lorsque j’ai repassé l’année scolaire 2001-2002. C’était en 2001 au lycée Sainte Thérèse de Mushasha(ENF). Alors finaliste en 1ère Lettres Modernes, avec plus d’une dizaine de mes consœurs, nous avons échoué. La cause : nos enseignants zaïrois de l’époque. Plus frustrant, quelques jours avant la proclamation, nous avions mis au courant la direction de cette éventualité. Malheureusement, elle n’avait pas voulu prendre des mesures qui s’imposent. Dans une classe de 32 élèves, 18 n’ont pas eu leurs diplômes, cette année-là.
Quel serait votre plus grand malheur ?
Je me réserve.
Le plus haut fait de l’histoire burundaise ?
L’agrandissement des frontières du pays par le Mwami Ntare Rugamba.
La plus belle date de l’histoire burundaise ?
1er juillet 1962 : l’indépendance du pays.
La plus terrible ?
6 juin 1903, le traité de Kiganda. Un compromis qui a scellé la perte de notre souveraineté.
Le métier que vous auriez aimé faire ?
Heureusement, je l’exerce. Durant ma prime jeunesse, j’ai toujours voulu devenir journaliste. Etre cette voix des sans voix, tâter le pouls de la société via mon micro…
Votre passe-temps préféré ?
Me la couler douce en écoutant de la bonne musique (« les anciens succès » surtout).
Votre lieu préféré au Burundi ?
Kinyami, ma colline natale. C’est dans la commune Kiganda, province Mwaro. Chaque fois que j’y vais, je reviens avec de nouvelles perspectives.
Le pays où vous aimeriez vivre ?
Le Burundi. Si ce n’est l’exil ou les fonctions qui me poussent à le quitter, pour rien au monde, je ne troquerais le Burundi contre un autre pays. Home sweet home, disent les Anglais, non ?
Le voyage que vous aimeriez faire ?
Je n’ai pas de préférence particulière. Chaque fois que je voyage, c’est une nouvelle expérience.
Votre rêve de bonheur ?
Vivre dans un pays apaisé, les miens étant en bonne santé.
Votre plat préféré ?
Je raffole de l’Uburobe et de l’avocat. Impossible que je passe deux jours sans en manger.
Votre chanson préférée ?
Elles sont nombreuses. Mais j’ai une préférence pour les chansons de Bob Marley et de Phil Collins.
Quelle radio écoutez-vous ?
Isanganiro, la plupart du temps. Mais de temps à autre, j’écoute Buja Fm pour les émissions sportives.
Avez-vous une devise ?
Ne faites jamais à autrui ce que vous ne voulez pas que l’on vous fasse.
Votre souvenir du 1er juin 1993(le jour où le président Ndadaye a été élu) ?
Une étrange peur mêlée de surprise. A la maison, même dans l’entourage, ils s’imaginaient des scenarios indicibles.
Votre définition de l’indépendance ?
Etre libre dans tes choix. Pour un pays, prendre des décisions qui s’imposent sans qu’autrui n’y interfère. Et ce, sans enfreindre les intérêts de sa population.
Votre définition de la démocratie ?
Liberté d’opinion, d’expression, tout en respectant autrui dans ses différences d’idées.
Votre définition de la justice ?
C’est lorsque le juge tranche en toute impartialité dans le strict respect de la loi.
En 13 ans de carrière journalistique, quel est votre regret ?
Je trouve que le journaliste reste exploité. Il n’est pas traité à sa juste valeur. La preuve en est qu’il y a encore ceux qui travaillent comme de bénévoles alors qu’ils ont des contrats. Autre bémol, ce sont les lois qui régissent notre métier. Elles sont loin d’être claires, surtout en rapport avec les medias sociaux.
Quelqu’un écrit sur sa page Facebook, et hop! il est journaliste. A ce niveau, le CNC, de concert avec le ministère de la Communication, doit revoir certaines choses. Mais aussi faut-il que le journaliste soit un modèle. Professionnellement, il doit être irréprochable. Allusion faite aux « journalistes » qui parfois n’acceptent pas des critiques, fussent-elles constructives.
Quelle est la place de la femme burundaise dans le sport ?
Certes, l’engouement est là. Mais, elles peinent encore à s’affirmer. Et cela en grande partie à cause des barrières socio-culturelles, du manque d’estime de soi, etc. Toutefois, avec la décision du Comité International Olympique(CIO) de rendre paritaire la participation des hommes et des femmes lors des prochains JO de Tokyo, je pense que rattraper le retard reste possible.
Trouvez-vous les femmes suffisamment représentées dans les instances de prise de décision de la vie du pays ?
Par rapport aux années antérieures, les lignes bougent. Seule inconnue, c’est comment tirer profit des 30% garantis par la Constitution. Tout compte fait, la balle est dans notre camp. Nous devons vaincre notre peur. Pour celles qui ont des partis politiques, elles doivent se démarquer. De la sorte, nous pourrons espérer avoir une présidente de la République.
Mère au foyer en même temps journaliste, comment arrivez-vous à gérer ?
C’est une question d’organisation. Regardez nos mères cultivatrices, elles rentrent des travaux champêtres, préparent le repas du soir. Celles qui disent que c’est difficile, c’est un prétexte.
Si vous deveniez ministre de la Communication, quelles seraient vos deux premières mesures ?
-Réviser certains points équivoques concernant la loi sur la presse. Un particulier ne peut pas se lever un beau matin et créer à sa guise un medium, embaucher des gens qu’il ne sera pas en mesure de payer…Ce genre de ‘’média aventurier’’, je les rayerai de la liste.
-Créer un cadre de dialogue permanent entre le CNC et le ministère pour l’intérêt du journaliste, son épanouissement. Pour ce, il faut que les responsables desdits médias soient des gens compétents en la matière et non dévorés par des ambitions partisanes.
Croyez-vous à la bonté humaine ?
Absolument. Mais, comme l’a si bien dit Rousseau, c’est la société qui le corrompt.
Pensez-vous à la mort ?
Mourir, c’est une certitude. Toutefois, il faut essayer de laisser un bon exemple pour la postérité.
Si vous comparaissez devant Dieu, que lui direz-vous ?
Seigneur, donne à mes proches le pouvoir de cerner les idées malsaines des malfaiteurs afin qu’ils ne tombent dans leurs pièges.
Propos recueillis par Hervé Mugisha