Mardi 16 juillet 2024

Culture

Au coin du feu avec Lambert Nigarura

04/01/2020 Commentaires fermés sur Au coin du feu avec Lambert Nigarura
Au coin du feu avec Lambert Nigarura

Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Lambert Nigarura.

Votre qualité principale ?

L’optimisme, quelles que soient les circonstances !

Votre défaut principal ?

Le manque de retenue face au mensonge et à l’injustice.

La qualité que vous préférez chez les autres ?

La sincérité, le courage et la détermination.

Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ?

L’hypocrisie, le mensonge, l’égocentrisme, la neutralité dans le contexte d’injustice avérée.

La femme que vous admirez le plus ?

Ma chère mère et ma chère épouse. La première pour avoir guidé mes premier pas et m’avoir poussé à aller plus loin pour gagner ma vie. Elle avait la possibilité de me retenir, me garder au village pour l’aider aux activités champêtres. C’est grâce à elle que je suis devenu ce que je suis aujourd’hui. Mon épouse occupe une place importante également. Elle m’a accepté tel je suis. Elle m’a toujours soutenu et a supporté sans regret mes engagements, des fois risquant dans la défense des droits humains en général et la lutte contre l’impunité en particulier. Cela nous a contraints à prendre le chemin de l’exil.

L’homme que vous admirez le plus ?

Martin Luther King. Il est et restera mon idole. Il a été un défenseur des droits humain par excellence. MLK est une icône des mouvements pour les droits civiques. Sa vie et ses œuvres symbolisent jusqu’aujourd’hui la recherche de l’égalité, de la justice pour tous et de la non-discrimination ce qui incarne le rêve des milliers de Burundais.

Votre plus beau souvenir ?

Question pertinente car il m’est difficile de les classer selon l’ordre d’importance. Mais, je dirai la naissance de mon fils ainé, la joie d’être appelé pour la première fois Papa Louan.

Votre plus triste souvenir ?

Le décès de mon cher Papa, le 31 décembre 1986. J’étais encore trop jeune mais j’ai quand même constaté que quelque chose de grave venait de toucher ma famille. Un papa formidable qui s’est donné corps et âme pour faire étudier tous ses enfants. Un pari qu’il a d’ailleurs gagné. Malheureusement, il est parti trop tôt mais son nom restera gravé dans mon cœur.

Quel serait votre plus grand malheur ?

De continuer à voir mon pays sombrer petit à petit dans la violence, l’injustice, la haine, la promotion de la médiocrité et l’indifférence des responsables dans l’application de la loi face aux choses graves. C’est comme l’appel aux meurtres, aux viols, à la haine ethniques et d’autres malheurs qui sont devenus le quotidien des Burundais.

Le plus haut fait de l’histoire burundaise ?

La signature de l’accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation. C’est un évènement historique qui a mis fin à une longue décennie de guerre civile qui a emporté des vies de milliers de filles et fils du pays dans toutes les ethnies confondues.

La plus belle date de l’histoire burundaise ?

Le 1er juillet 1962

La plus terrible ?

Elles sont nombreuses ces dates, je retiens principalement :
Le 13 octobre 1961, 21 octobre 1993 et 11-12 décembre 2015.

Le métier que vous auriez aimé faire ?

Avocat défenseur des droits de l’Homme.

Votre passe-temps préféré ?

La marche, faire le vélo et jouer avec mes beaux garçons.

Votre lieu préféré au Burundi ?

Gasumo ka Mwaro, dans ma province natale.

Le pays où vous aimeriez vivre ?

Le Burundi.

Le voyage que vous aimeriez faire ?

Dans les îles : Maurice /Seychelles.

Votre rêve de bonheur ?

Réussir à éduquer mes enfants, dans de bonnes écoles pour les préparer à devenir des hommes intègres qui incarnent la valeur humaine et l’esprit du patriotisme.

Votre plat préféré ?

Je n’ai pas de préférence.

Votre chanson préférée ?

Gahugu Kanje keza nakunze.

Quelle radio écoutez-vous ?

Radio France Internationale (RFI) & Radio Publique Africaine(RPA).

Avez-vous une devise ?

Croire et oser.

Votre souvenir du 1er juin 1993 ?

Le respect de la vérité des urnes dans l’histoire du Burundi. La victoire d’un parti politique d’opposition.

Votre définition de l’indépendance ?

L’indépendance est un concept qui désigne tout État ne dépendant pas d’un autre. Par conséquent, il est souverain dans la conduite des affaires politiques, économiques ou culturelles. Il faut noter que cette indépendance ne donne pas les prérogatives d’abuser le respect des droits fondamentaux et reste un principe universel reconnu et protégé au niveau international, en tout lieu et en tout moment.

Votre définition de la démocratie ?

C’est un système politique où tous les citoyens, majorités comme minorités ethniques et politiques ont le droit de participer, de près ou de loin, aux décisions qui les touchent.

Votre définition de la justice ?

La justice est normalement fondée sur le respect des lois et l’égalité des hommes devant ces mêmes lois. C’est à dire que le non-respect des lois et le traitement inéquitable des citoyens d’un même pays est un signe de l’absence de ce principe universel.

Si vous deveniez ministre des droits de l’Homme, quelles seraient vos deux premières mesures ?

Mes premières mesures seraient de doter le ministère des organes dont la mission principale serait le contrôle du respect des droits humains avec une indépendance fonctionnelle. Le premier organe fera le contrôle et inspection systématique, efficace et indépendante de tous les lieux de détention.

Le deuxième aura une mission de recueillir les plaintes sur les différentes violations des droits humains.

Si vous deveniez ministre de la Justice, quelles seraient vos deux premières mesures ?

Je proposerais un réaménagement des procédures de nomination et de promotion des magistrats.

Au lieu d’être nommés par le Conseil supérieur de la magistrature, qui est un organe éminemment politique du fait qu’il est dirigé par le président de la République et secondé par son ministre de la Justice. Les magistrats responsables des hautes juridictions seraient élus par leurs pairs.

Secundo, la mise en place d’un mécanisme d’évaluation des juges. Il s’agira d’un mécanisme bien verrouillé par des textes de loi et qui veillera que les procédures liées à l’avancement de grade des magistrats respectent les principes et les exigences prévues par la loi. Le favoritisme et le militantisme seront écartés. Seules la compétence et l’expérience guideront l’avancement dans la carrière des magistrats.
Avec l’évaluation individuelle faite dans le respect de la loi, l’instrumentalisation de la justice sera combattue sans aucun doute. Et le trajet vers l’indépendance réelle de la magistrature sera tracé.

Croyez-vous à la bonté humaine ?

Oui, l’homme naît naturellement bon, c’est la nature qui le change.

Pensez-vous à la mort ?

Oui, comme un passage obligé et normal pour un être vivant. L’important, c’est de laisser un bon souvenir et une belle histoire. Si non la mort fait partie de notre vie.

Si vous comparaissez devant Dieu, que lui direz-vous ?

Je lui dirais que je n’ai pas été parfait comme le veut la sainte Bible et reconnais ma faiblesse et le remercie pour sa clémence.

Propos recueillis par Diane Uwimana

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Bio-express

Lambert Nigarura, activiste des droits de l’Homme, est président de la Coalition burundaise pour la Cour Pénale Internationale (CB CPI). C’est une plateforme de sept organisations de la société civile en charge de recueillir des informations sur les crimes commis au Burundi et qui relèvent de la compétence de la Cour Pénale Internationale(CPI). Né en province Mwaro, le 8 août 1977, M. Nigarura dispose d’une Licence en droit et réalise un master de spécialisation en droit international des droits de l’Homme à l’Université Saint-Louis de Bruxelles en Belgique. Lambert Nigarura a aussi travaillé sur plusieurs affaires sensibles et très médiatisées au Burundi, notamment l’emprisonnement du journaliste et Directeur de la Radio Publique Africaine « RPA » BOB Rugurika. Un emprisonnement qui a suivi l’assassinat des trois religieuses Italiennes en septembre 2014. Lambert Nigarura était l’un des avocats de la défense. Il a fait partie aussi des avocats de la défense dans l’affaire du 08 mars 2014, des militants du parti MSD. M. Nigarura a également été coordinateur adjoint de SOS TORTURE BURUNDI, une organisation qui s’est engagée à décrire en détail les violations des droits de l’homme commises au Burundi depuis le carnage du 11 et 12 décembre 2015, au lendemain de l’attaque de camps militaires à Bujumbura. Membre fondateur et président de l’ONG Areddho-Burundi qui exécutait un projet en rapport avec les « Mineures en conflits avec la loi » avant sa suspension par le régime en 2015. Actuellement en parallèle avec la coordination des activités de la Coalition Burundaise pour la Cour Pénale Internationale (CB CPI), Lambert Nigarura est responsable d’un département qui s’occupe des victimes de la disparition forcée au sein du collectif d’avocats « Justice pour le Burundi». Un collectif qui représente les familles des victimes devant la CPI. Exilé depuis juin 2015, Lambert Nigarura est marié et père de deux garçons.

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