Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, l’ambassadeur Claude Bochu.
Votre qualité principale ?
J’essaie de mûrir mes décisions et de mettre mes actes en conformité.
Votre principal défaut ?
Trop optimiste. Il vaut toujours mieux photographier fidèlement une situation afin de bien identifier les options.
La qualité que vous préférez chez les autres ?
L’humour.
Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ?
Quand les gens, les responsables, prennent des décisions qui vont à l’encontre de leurs propres intérêts et ne s’en inquiètent même pas.
L’homme que vous admirez le plus ?
Des hommes qui ont permis des sauts dans la connaissance (Léonard De Vinci, Sigmund Freud) ou qui ont permis des changements historiques mais non violents (Gandhi, l’ancien président russe Mikhaïl Gorbatchev, Mandela).
La femme que vous admirez plus ?
Des actrices comme Scarlett Johansson, Grace Kelly, Ingrid Bergman, Isabelle Huppert ainsi que la reine d’Angleterre, la scientifique Marie Curie et Cléopâtre.
Votre plus heureux souvenir ?
La naissance de mes filles
Votre plus triste souvenir ?
La mort de mes parents
Quel serait votre plus grand malheur ?
Perdre les sens, la mémoire, la capacité de raisonner et de pardonner.
Le métier que vous auriez aimé exercer dans une autre vie ?
Réalisateur de cinéma (Fellini, Hitchcock et Buñuel)
Votre passe-temps préféré ?
Sport (badminton, cyclisme, jogging), lecture, voyage, cinéma, discussion à bâtons rompus avec des jeunes. D’ailleurs, je garde un bon souvenir de mes échanges avec des étudiants en relations internationales de l’Université du Burundi.
Votre lieu préféré ?
La Côte d’Opale (Nord de la France, face au Royaume Uni : de hautes dunes, des plages de sable fin à l’infini, des embruns et surtout les couleurs changeantes du ciel et de la mer, les nuances du gris et du vert.
Au Burundi, la chute de la Karera sort de l’ordinaire et je suis heureux d’y avoir inauguré de petits aménagements d’accueil au début de cette année.
Le pays dans lequel vous aimeriez vivre ? Pourquoi ?
Probablement plusieurs : une grande ville européenne (pour sa richesse, sa diversité) et un point de chute en Afrique pour le climat et la gentillesse des populations.
Le voyage que vous aimeriez faire ?
Saluer les kangourous en Australie
Votre plus grand regret ?
Ne pas m’être initié sérieusement, dès mon jeune âge, à la maitrise d’un instrument de musique
Votre plat préféré ?
Un plat de crustacé et de fromage. Je me suis aussi découvert une faiblesse pour le Sangala au beurre d’ail ou le Mukeke dégusté à la main.
Votre chanson préférée ?
Alexandrie Alexandra de Claude François
Votre livre préféré ?
La pitié dangereuse de Stefan Zweig
Quelle (s) radio (s) écoutez-vous ?
RFI
Votre devise de vie ?
Si vous souhaitez du changement, soyez déjà le changement.
N’imposez pas à d’autres ce que vous ne souhaiteriez pas pour vous-même.
Votre définition de l’indépendance ?
Des hommes/femmes qui brisent les chaînes de leur condition.
Vous êtes-vous toujours destiné au métier de diplomate ?
Non. Quand j’étais petit, je voulais être conducteur de métro à Paris.
Comment êtes-vous devenu diplomate ?
Comme souvent pour les changements dans la vie : au contact d’autres et je suis heureux que ma fille aînée ait déjà embrassé cette carrière.
Etiez-vous préparé au nomadisme qu’implique souvent ce métier ?
Mon père, voyageur au long cours et les aventures de Tintin m’ont inoculé le virus du voyage, de la découverte des autres, de leurs sociétés et traditions. C’est un enrichissement considérable et renouvelé.
Quel souvenir vous a le plus marqué dans ce métier ?
La libération d’un citoyen danois qui moisissait dans une prison de la caraïbe orientale d’où ma grande sensibilité à la grâce du président Evariste Ndayishimiye au bénéfice de milliers de détenus en 2021.
Les règles de la diplomatie ne sont-elles pas plus adaptées pour les temps de paix que pour les temps de guerre ?
Un des volets importants de la diplomatie est la prévention, la consolidation de la paix. Même pendant les guerres, la diplomatie est active et puis les guerres se terminent par une négociation diplomatique, des opérations de désarmement et de réconciliation.
Quel souvenir gardez-vous de votre première venue au Burundi ?
La beauté du Lac Tanganyika
A votre arrivée, le Burundi était sous sanctions économiques de l’UE. Vous estimiez-vous apte à dissiper le climat tendu qui régnait alors entre les Vingt-sept et le Burundi ?
Je ne crois pas aux hommes providentiels. Je dirais que j’ai vu une opportunité et que l’aide de mes collègues ambassadeurs, des capitales européennes, de mon propre siège et de la partie burundaise a été décisive.
Quelles sont, selon vous, les potentialités dont dispose le Burundi mais qui sont inexploitées ?
Le Burundi regorge de potentialités. Ses beautés naturelles, ses ressources minières, le côté industrieux de son peuple et la créativité de sa jeunesse (hommes comme femmes). La poursuite de l’agenda des réformes devrait faciliter la concrétisation de ces potentialités.
Un conseil pour celles et ceux tentés par le métier de diplomate au sein de la jeunesse burundaise ?
Saisir les opportunités qui s’offrent à eux avec le retour d’une diplomatie burundaise plus active sur la scène internationale. Penser aussi aux organisations régionales, internationales.
L’émancipation féminine est au cœur des préoccupations de l’UE. Pouvez-vous nous parler brièvement des projets en la matière au Burundi ?
L’UE accorde une attention particulière au genre. D’ici 2025, 85% des actions financées par l’UE vont contribuer à l’égalité des sexes et à l’émancipation des femmes. Déjà, certaines actions de l’UE encouragent les femmes, les filles et les jeunes à pleinement faire usage de leurs droits et à accroître leur participation à la vie politique, économique, sociale et culturelle.
Et puis il y a plusieurs autres activités autour du genre qui ont été organisées par l’UE. Je citerai le projet d’appui aux femmes entrepreneures et les nombreuses actions dans le cadre des 16 jours d’activisme contre les violences basées sur le genre. Souvenons-nous de ‘’Orangeons la Place de l’Indépendance’’.
Et quelle est la place des jeunes dans les projets de l’UE ?
10.000 étudiants développent leurs compétences grâce à des projets de formation socio-professionnelle et d’accès à l’emploi. Pensons aussi au programme ERASMUS + qui offre de nombreuses opportunités de mobilité. C’est avec plaisir que dans le cadre de notre campagne environnementale et en coopération avec les autorités municipales, j’ai moi-même planté des arbres avec des associations de jeunes à Bubanza, Gitega et Bujumbura et nettoyé les abords de la rivière Muha.
Croyez-vous-en la bonté de l’Homme ?
Oui, bien sûr mais il peut aussi tomber du mauvais côté de la force (comme diraient les Jedis, ces êtres fantastiques de la série Star Wars.
Pensez-vous à la mort ?
Oui… à la vue des images de la répugnante invasion russe et des millions d’ukrainiens jetés sur les routes de l’exil.
Votre crainte ?
Le changement climatique et les fanatismes religieux ou nationalistes.
Propos recueillis par Alphonse Yikeze