Samedi 23 novembre 2024

Culture

Au Coin du feu avec Ketty Ruhara

24/10/2020 Commentaires fermés sur Au Coin du feu avec Ketty Ruhara
Au Coin du feu avec Ketty Ruhara

Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Ketty Ruhara.

Votre qualité principale ?

Je suis de nature à apprendre vite. Un des atouts qui me permettent de m’adapter en tant que consultante. On peut ne rien connaître du secteur de travail dans lequel on se trouve, mais lorsqu’on a cette capacité d’apprendre rapidement, de poser les bonnes questions, et faire de bonnes analyses, c’est très avantageux.

Votre défaut principal ?

Parfois, je suis impatiente. Je suis exigeante par rapport à la notion du temps. Aussi, faudra-t-il comprendre l’impatience dans toutes ses formes. Ça peut être une impatience face à un travail mal fait.

La qualité que vous préférez chez les autres ?

J’admire les personnes sages, calmes et posées. Ça donne l’impression qu’elles réfléchissent avant de parler.

Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ?

Je ne supporte pas les personnes qui sont souvent en retard, ce sont des gens qui ne valorisent pas la notion du temps.

La femme que vous admirez le plus ?

Serena Williams, la tenniswoman. Un jour, elle s’est retrouvée enceinte. Elle a dû se préparer physiquement et moralement, pour retrouver son titre de championne du monde. Mettre au monde ralentit les performances. Serena Williams a su trouver un équilibre entre son rôle de mère et de tenniswoman.

L’homme que vous admirez le plus ?

Cet homme, je ne le connais pas physiquement, mais spirituellement. C’est Jésus-Christ. Il m’a montré un amour inconditionnel en payant pour mes offenses.

Votre plus beau souvenir ?

C’est comme un cold dark moment, une image qui ne s’efface jamais. J’ai vu cette image, une fois. Ce jour, j’allaitais ma fille qui n’avait que quelques mois, à l’époque. Elle m’a fixé droit dans les yeux. Et ce regard m’a procuré un bonheur incommensurable. Je n’avais jamais ressenti cela, auparavant et je ne le ressentirais jamais autant, quoi qu’il arrive.

Votre plus triste souvenir ?

La mort de mon père, en 2015. C’était un héros pour moi. Tout ce que je suis aujourd’hui, c’est grâce aux valeurs qu’il m’a inculquées. Le plus terrible a été le moment de la fermeture du cercueil, à la morgue, le jour de ses obsèques.

Le métier que vous auriez aimé faire ?

J’aurais bien aimé être une graphic-designer. Partant d’une page blanche, les graphistes peuvent créer quelque chose, suscitant une émotion ou stimulant une action. Malheureusement, au collège, j’ai échoué au cours de graphisme et mon impatience a surgi.

Votre lieu préféré au Burundi ?

Toute la région de Rumonge, Nyanza-Lac. J’aime le décor qu’offre le lac Tanganyika. Si je pouvais, je construirais une maison dans ce petit bout de paradis.

Le pays où vous aimeriez vivre ?

J’ai visité beaucoup de pays, beaucoup de lieux, mais mon choix serait le Burundi. Tout simplement, parce que c’est mon pays. Je ne vois nul autre coin du monde.

Le voyage que vous aimeriez faire ?

Je pourrais évoquer un pays étranger, puisque j’en ai une idée. Mais, c’est partout presque pareil. Je rêve de prendre tout mon temps et faire un tour complet du Burundi, sur une période de deux semaines.

Votre rêve de bonheur ?

Je vis, déjà, dans le bonheur. C’est une décision que j’ai prise. Je fais le choix entre me réveiller et m’apitoyer sur mon sort ou croquer la vie à pleines dents, et le second choix a primé. Chaque jour que Dieu fait est un bonheur total. De plus, j’ai tout ce dont j’ai besoin.

Votre plat préféré ?

Les pommes frites. Si ça ne tenait qu’à moi, je pourrais consommer les frites matin, midi et soir. Mais je pourrais me retrouver avec 150 kilos, autant oublier.

Votre passe-temps préféré ? Quels sont vos hobbies ?

Je fais des exercices physiques, spécifiquement, la marche pour le départ et le jogging pour le retour. J’emprunte les montagnes de Gasekebuye jusqu’à Ruyaga, comme parcours. Ce sont les deux choses qui m’aident à déstresser. Le calme que ça procure loin des klaxons de la ville est inégalé. Ça me rapproche de mère Nature.

Quelle radio écoutez-vous ?

A vrai dire, je n’écoute pas de radio. Mais je lis beaucoup. C’est une habitude que j’ai développée. Je prends 10 à 15 minutes, chaque jour, avant de me coucher. Je m’assois dans un fauteuil et je lis. Et tout ce que je consulte comme livre doit s’inscrire dans le cadre professionnel. C’est un perpétuel apprentissage. Je lis pour apprendre.

Avez-vous une devise particulière à vous ?

En fait j’en ai deux. La première est une leçon que j’ai tirée de mes 38 ans d’existence. Je vais le dire en mes propres mots : « Parfois la pire des choses qui nous arrivent, peut être la meilleure chose qui nous soit arrivée.» C’est une question de temps pour relever les défis de la vie. La seconde devise, par rapport à ma carrière, est : « Devenir la meilleure version de moi-même.» On doit faire une mise à jour.

Votre définition de l’indépendance ?

Vis-à-vis d’une personne, l’indépendance que je conçois est celle financière. Mon interprétation est : « Arriver à un état où nous ne dépendons pas des autres pour les provisions en maximisant les ressources qu’on possède pour subvenir à nos besoins ». Ceci s’applique à l’indépendance d’une nation. La question à se poser est « comment optimiser les ressources, et ne plus compter sur l’extérieur pour assurer les besoins des citoyens et quitter cette connotation d’un pays pauvre ».

Votre définition de la paix ?

Selon moi, c’est aimer son prochain comme on s’aime soi-même. Cela n’est possible que lorsque, on a l’assurance d’être au summum de nous-mêmes. La paix, c’est arriver à une manière authentique de mettre les intérêts des autres en avant. On doit quitter le stade de voir l’autre comme une personne tierce.

Votre définition du féminisme ?

Ce n’est pas une définition plutôt une philosophie. Féminisme rime avec égalité des chances. Chez la femme, cette égalité n’est possible que si le préalable de reconnaissance de son identité et de son potentiel est satisfait.

Que pensez-vous de l’égalité de genre?

C’est important ! Et le plaidoyer pour cette égalité doit persister. Mais que la femme relève le niveau d’estime pour qu’elle soit confiante en ses capacités de gérer ce pour quoi elle lutte.

La femme burundaise, la trouvez-vous suffisamment présente dans les instances de prise de décisions ?

De par mon observation, non ! Et cela est dû à certaines contraintes, notamment, non seulement elle a des obligations à la maison mais également elle doit se surpasser au travail. Un homme cadre n’est jamais blâmé pour être rentré à une heure tardive contrairement à la femme cadre. Et la plupart des fois, la femme fait le choix de prioriser la famille.

Selon vous, l’indépendance financière est-elle possible chez la femme ?

Elle est possible. Ce n’est qu’une décision. L’indépendance financière veut dire arriver à avoir assez de liquidité, d’investissement pour se permettre un style de vie souhaité. C’est pour cela que je préconise de viser des sources de revenues diversifiées.

Votre suggestion pour le décollage économique du Burundi ?

Il faut renforcer les compétences des ressources humaines dans nos services pour performer à un niveau supérieur. C’est en plus, mon domaine d’intervention en tant que consultante et formatrice.

De plus en plus de chômage au pays, un conseil ?

J’encourage surtout les jeunes à faire du bénévolat. Le temps entre non-employé et être employé doit être utilisé à des fins d’accès aux opportunités. L’employeur, aujourd’hui, exige une expérience. J’ai dû faire du bénévolat dans un garage, pendant deux ans.

Une fille modèle, serait comment, votre point de vue ?

Une fille qui craint Dieu serait le premier attribut. Le second serait l’obéissance aux parents. Et enfin, une fille qui réalise son potentiel et ses valeurs qu’elle utilisera pour devenir une femme accomplie.

Si vous étiez ministre des Finances, du Budget et de la Planification économique, quelles seraient vos deux premières mesures ?

Ce que je vais proposer est, d’ores et déjà, enclenché. Les priorités seraient d’utiliser ou de vendre notre main d’œuvre tout en renouant les relations avec les investisseurs internationaux. Ensuite, créer des chaînes de production dans tous les secteurs serait privilégié.

Si vous étiez ministre en charge des questions du genre, quelles seraient vos deux premières mesures, pour soutenir la condition féminine ?

Mes priorités seraient la sensibilisation et la vulgarisation pour que la fille et la femme sachent leur place. Et cela doit être introduit dans notre système éducatif. Que ce soit par module ou un cours, comme le civisme ou l’entrepreneuriat.

Que pensez-vous du nouveau projet de loi portant révision du Code du travail, pour les femmes travaillant dans le secteur privé ?

Cela va affecter les performances au travail. La femme en congé maternel, privée de la moitié de son salaire, sera mécontente et se sentira dévalorisée. L’entreprise aura l’impression de gagner sur le court terme, mais elle perdra sur le long terme. Regardons la valeur ajoutée de la femme dans les familles et la société. Elle peut ne pas produire au travail, mais elle donne la vie.

Pensez-vous à la mort ?

Pas souvent. Et chaque matin je prie pour que Dieu me protège tout le long de la journée.

Si vous comparaissez devant Dieu, que lui direz-vous ?

Je lui dirai merci ! Merci, dans le sens où Dieu est patient avec nous. Merci, aussi dans le sens où il donne la vie et subvient à nos besoins.

Propos recueillis par Cressia Dushime

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Bio-express

Née le 26 septembre 1982, commune Musaga, ville de Bujumbura. Ketty Ruhara est consultante et formatrice en planification stratégique pour les entreprises, grandes firmes et multinationales. En 1996, elle part au Canada, où elle poursuit ses études secondaires. Elle continue ensuite au Sir Sandford Fleming College en Ontario, tout près de Toronto, où elle fait des études en Marketing. Elle obtient un diplôme de licence, au bout de 3 ans. Elle enchaîne de petits boulots, dans des centres d’appel, à peu près 2 ans, toujours au Canada. En 2006, elle rentre au pays. Elle est, aussitôt, confrontée à un problème de trouver un emploi, malgré le diplôme canadien en poche. Cette situation la pousse à faire du bénévolat. Elle est bénévole au garage Autotech, pendant 2 ans. C’est en 2008 qu’elle réalise son potentiel et décide d’entreprendre. Elle opère une franchise d’Econet en tant que manager. En même temps, elle entreprend aussi dans le secteur des télécommunications en produisant ses propres cartes de recharge. Dans la foulée, elle ouvre un 3e business (elle accomplit tout cela de 2008 à 2012). En 2013, elle décide de faire une transition. De 2013 à 2015, elle regagne l’université. Elle obtient un diplôme de licence II et un master en leadership et management, à l’International Leadership University à Bujumbura. « Dans un cadre défavorable au business en 2015 » pour elle, Ketty se lance dans la vente de services en devenant consultante et formatrice en planification stratégique, jusqu’à nos jours. Ketty est la 7e dans une famille de 8 enfants. Elle est maman d’une fille de 4 ans

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